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FABLE XX.

LE COQ ET LA PERLE.

Camerarius, Fables ésopiques, p. 172, Gallus repertor unionis. Phèdre, livre III, fab. 12, Pullus ad margaritam. — Romulus, livre I, fab. 1, même titre. Marie de France, fab. 1, d'un Coc qui truua une gemme sor un fomeroi. et du Dyamant.

Haudent, 1re partie, fab. 12, d'un Coq Corrozet, fab. 1, du Coq et de la Pierre précieuse. Le Noble, fab. 73 bis (tome II, p. 292, édition de 1707), du Coq et du Diamant. On a fort à propos rapproché cette fable, pour la moralité qui s'en tire, du Prologue du livre I de Rabelais. Voyez à l'Appendice une fable anonyme du dix-septième siècle, sur le même sujet.

Mythologia sopica Neveleti, p. 424, p. 487.

Un jour un Coq détourna1
Une Perle, qu'il donna
Au beau premier' lapidaire.
« Je la crois fine, dit-il;

Mais le moindre grain de mil

Seroit bien mieux mon affaire 3. ›

Un ignorant hérita

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1. Détourna, au propre, c'est-à-dire éloigna (en grattant), écarta (du tas de fumier, par exemple, comme disent Phèdre, Marie de France, le Noble, etc.).

2. Sur cet idiotisme, où beau s'emploie d'une manière à peu près explétive, sans signification bien déterminée, voyez le Lexique, 3. Moi qui ne suis point lapidaire,

Un grain d'orge me convient mieux.

(BENSERADE, quatrain Iv dans l'édition de 1677; 1 dans celle de 1678. Potior cui multo est cibus,

....

avait dit Phèdre (vers 6).

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4. Au lieu de ce second apologue qui sert de morale, Phèdre a, pour conclusion, ce trait piquant :

Hoc illis narro, qui me non intelligunt.

Tout autre encore, mais bien tournée et digne d'être citée, est la moralité de Marie de France :

Bien, ne henor, noient (néant) ne prisent,

Le pis prendent, le mielx despisent;

et celle d'Ysopet I, le Coq et l'Émeraude (fos 2 et 3, Robert, tome I, p. 82):

Iceste (cette) pierre senefie

Sagesse, et le Coch (Coq) la folie.

FABLE XXI.

LES FRELONS ET LES MOUCHES À MIEL.

Phèdre, livre III, fab. 13, Apes et Fuci, Vespa judice.

Mythologia sopica Neveleti, p. 424.

La fable paraît être un développement de ce passage d'Hésiode, imparfaitement compris (OEuvres et Jours, vers 303-306):

Τῷ δὲ θεοὶ νεμεσῶσι καὶ ἀνέρες, ὅς κεν ἀεργὸς

Ζώῃ, κηφήνεσσι καθούροις εἴκελος ὀργήν,

Οίτε μελισσάων κάματον τρύχουσιν ἀεργοὶ

Ἔσθοντες....

« Les Dieux et les hommes s'indignent contre celui qui vit oisif, semblable aux bourdons sans aiguillon qui pour se nourrir consomment, sans rien faire, le travail des abeilles. » Voyez aussi les vers 594-599 de la Théogonie. Le znoy d'Hésiode est le fucus de Phèdre. On a souvent traduit ces deux mots par frelon, qui répond au latin crabro; mais ils désignent proprement, comme Columelle (livre IX, chapitre xv, 1) paraît déjà le reconnaître, l'abeille mâle, qu'on appelait autrefois, en français, bourdon. - Il y a deux passages de Virgile qu'on peut rapprocher aussi de la fable de Phèdre et de la nôtre : Immunisque sedens aliena ad pabula fucus

(Géorgiques, livre IV, vers 244);

Ignavum fucos pecus a præsepibus arcent

(Ibidem, vers 168, et Énéide, livre I, vers 435).

Boileau dit dans sa Ire satire (vers 93 et 94):

Comme on voit les frelons, troupe lâche et stérile,

Aller piller le miel que l'abeille distille.

Voyez encore la x1o des Réflexions diverses de la Rochefoucauld (édition de M. Gilbert, tome I, p. 309).

A l'œuvre on connoît l'artisan.

Quelques rayons

de miel sans maître se trouvèrent :

Des Frelons les réclamèrent;

Des Abeilles s'opposant,

Devant certaine Guêpe 2 on traduisit la cause.
Il étoit malaisé de décider la chose :

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Les témoins déposoient qu'autour de ces rayons
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée, et tels que les abeilles,
Avoient longtemps paru. Mais quoi? dans les Frelons 10
Ces enseignes3 étoient pareilles".

La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière
Entendit une fourmilière.

Le point n'en put être éclairci.

« De grâce, à quoi bon tout ceci?
Dit une Abeille fort prudente.

Depuis tantôt six mois que la cause est pendante,
Nous voici comme aux premiers jours.

Pendant cela le miel se gâte.

Il est temps désormais que le juge se hâte :
N'a-t-il point assez léché l'ours?

1. Les Abeilles, dans l'édition de 1729.

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2. Les frelons et les guêpes sont deux espèces appartenant an même genre. Le frelon est beaucoup plus grand que la guêpe com

mune.

3. Caractères, signes extérieurs, insignia.

4. Dans Florian (livre V, fable xv), la Guêpe dit à l'Abeille :

Considérez-moi, je vous prie:
J'ai des ailes tout comme vous,
Même taille, même corsage;
Et s'il vous en faut davantage,

Nos dards sont aussi ressemblants.

5. Le passage suivant de Rabelais (livre III, chapitre XL, tome I, p. 498) est le vrai commentaire de ce vers : « Ung procés, à sa naissance premiere, me semble (comme à vous aultres Messieurs) informe et imparfaict. Comme ung Ours naissant n'ha pieds, ne mains, peau, poil, ne teste : ce n'est qu'une piece de chair, rude et informe; l'Ourse, à force de leicher, la met en perfection des

Sans tant de contredits, et d'interlocutoires
Et de fatras, et de grimoires,

Travaillons, les Frelons et nous :

On verra qui sait faire, avec un suc si doux,
Des cellules si bien båties. »

Le refus des Frelons fit voir

Que cet art passoit leur savoir;

Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties.

Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès!
Que des Turcs en cela l'on suivit la méthode !
Le simple sens commun nous tiendroit lieu de code :
Il ne faudroit point tant de frais;

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Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge, 35
On nous mine par des longueurs ;

membres... ainsi voy-ie (comme vous aultres Messieurs) naistre les procés à leurs commencemens informes et sans membres. Ils n'ont qu'une piece ou deux : c'est pour lors une laide beste. Mais lors qu'ils sont bien entassez, enchassez, et ensachez, on les peult vrayement dire membrus et formez. » - On connaît la jolie fable que Fénelon a tirée de ce conte, pris au sens propre, de l'Ourse transformant son petit à force de le lécher. C'est sa fable 1x, à laquelle il a donné pour titre cette moralité : « La patience et l'éducation corrigent bien des défauts. >>

6. Termes de palais. « Contredits, écritures par lesquelles on contredit les pièces produites par la partie averse. » (Dictionnaire de Richelet, 1680.)- Interlocutoire, sentence ou arrêt qui, ne jugeant pas une affaire au fond, ordonne qu'on prouvera quelque incident par titres ou par témoins. » (Ibidem.) — Au sujet des termes spéciaux qu'emploie ici notre poëte, et de sa minutieuse précision dans tout le détail de cette fable, voyez M. Taine, p. 145 et 146.

7. Dans l'édition de 1729 : « et de fracas. >>

8. Tous les procès ne sont pas de nature à être jugés ainsi; et quant à la méthode des Turcs, Dieu nous en préserve! La voici le juge, appelé Cadi, prend une connaissance succincte de l'affaire, fait donner la bastonnade à celui qui lui paraît avoir tort, et ce tort se réduit souvent à n'avoir pas donné de l'argent au juge comme a fait son adversaire; puis il renvoie les deux parties, » (Chamfort.) De

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