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Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la Mort. Elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire.

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A recharger ce bois; tu ne tarderas guère 9.

Le trépas vient tout guérir;

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Mais ne bougeons d'où nous sommes :
Plutôt souffrir que mourir,

C'est la devise des hommes 10.

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« Jusqu'à la fin du dix-septième siècle, les soldats étaient logés dans des forteresses ou dans les maisons des bourgeois. Le Journal de Dangeau annonce, à la date du 17 janvier 1692, la construction de casernes à Paris : « Le Roi a ordonné au prévôt des marchands de << faire bâtir des casernes pour loger les gardes françoises et suisses. « On y travaille actuellement, et ce sera un grand soulagement pour « les habitants de la ville et des faubourgs de Paris. » (CHÉruel, Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la France, 2o partie, p. 907.) Le casernement des troupes, dans toute la France, ne fut achevé que vers la fin du dix-huitième siècle. Encore le bourgeois, même alors, demeura-t-il soumis à l'obligation de loger les soldats qui voyageaient, en corps ou isolément, avec une feuille de route. Cet usage, on le sait, n'a pas encore disparu. Qu'on songe à ce que devait coûter aux gens de la campagne une pareille obligation.

8. Travail et service personnel et gratuit, qu'on devait au souverain ou à son seigneur, et dont on pouvait se racheter moyennant certaines redevances. La corvée fut abolie par l'Assemblée constituante dans la fameuse nuit du 4 août 1789.

9. Cela ne te causera pas grand retard, tu n'y perdras pas beaucoup de temps. C'est la pensée d'Horace, dans l'ode sur Archytas (livre I, ode XXVIII, vers 35 et 36):

Quamquam festinas, non est mora longa; licebit,

Injecto ter pulvere, curras.

10. Au sujet des deux derniers vers, Voltaire dit, dans l'endroit cité plus haut (p. 79, note 6), que c'est un de ces traits « faits pour tous les esprits. »

FABLE XVII.

l'homme entre deux âges, et ses deux maîtresses.

Ésope, fab. 162, Ανὴρ μεσοπόλιος καὶ Ἑταῖραι (Coray, p. 98, p. 352). - Babrius, fab. 22, Ανήρ μεσοπόλιος καὶ δύο ἐρώμεναι. — Phèdre, livre II, fab. 2, Anus diligens Virum mediæ ætatis, item Puella. Haudent, 2o partie, fab. 48, d'un Homme et de ses deux Femmes. Corrozet, fab. 100, d'un Homme et de ses deux Femmes.- Boursault, les Fables d'Ésope, acte V, scène dernière, l'Homme et les deux Femmes. Le Noble, conte 83, du Mari et de ses deux Femmes. L'égalité dans le mariage.

Mythologia æsopica Neveleti, p. 123, p. 367, p. 410.

Cette histoire a été introduite dans le livre de Calila et Dimna par l'auteur de la traduction persane intitulée : Anvar-i-Suhaili; elle a passé de là dans la version turque, Houmayoun-nameh, qui a été mise en français par Galland et Cardonne, sous le titre de Contes et Fables indiennes de Bidpai et Lokman (Paris, 1778, 3 vol. in-12; la fable de l'Homme entre deux áges se trouve, dans la traduction française, au tome III, p. 212). Voyez Loiseleur Deslongchamps, Essai sur les fables indiennes, p. 70 et 71, et le Pantschatantra de M. Benfey, tome I, p. 602. Guillaume Bouchet la raconte rapidement dans ses Serées (livre I, 5e serée, p. 178, Rouen, 1635). Chez lui l'action est successive; l'Homme épouse d'abord une Vieille, puis une Jeune. Dans les Avadánas ou Contes et Apologues indiens, traduits du chinois par M. Stanislas Julien, il y a, au tome II (p. 138), une historiette de barbe épilée, de poils blancs et noirs saccagés, mais par une seule femme; la morale est tout autre. « A proprement parler, dit Chamfort, cette pièce n'est pas exactement une fable: c'est un récit allégorique; mais il est si joli et rend si sensible la vérité morale dont il s'agit, qu'il ne faut pas se rendre difficile. »

Un Homme de moyen âge,

Et tirant sur le grison',

1. L'une des fables grecques réunies par Coray dit avec une élé

Jugea qu'il étoit saison

De songer au mariage.

Il avoit du comptant,
Et partant

De quoi choisir; toutes vouloient lui plaire : En quoi notre amoureux ne se pressoit pas tant; Bien adresser n'est pas petite affaire.

Deux Veuves sur son cœur eurent le plus de part :

L'une encor verte, et l'autre un peu bien mûre,
Mais qui réparoit par son art

Ce qu'avoit détruit la nature.
Ces deux Veuves, en badinant,
En riant, en lui faisant fête,

L'alloient quelquefois testonnant 2,
C'est-à-dire ajustant sa tête.

La Vieille, à tous moments, de sa part emportoit
Un peu du poil* noir qui restoit,

Afin que son amant en fût plus à sa guise.

La Jeune saccageoit les poils blancs à son tour.
Toutes deux firent tant, que notre tête grise
Demeura sans cheveux, et se douta du tour.

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ΤΟ

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gante brièveté: ¿vào μiółpię, « un homme aux cheveux mêlés, de couleur mêlée. » - Voyez ce que M. Taine (p. 302) dit de certains passages de cette fable, trivialement narquois.

2. Ce vieux mot avait alors la double signification de peigner, coiffer, et de donner des coups, particulièrement sur la tête; c'est sans doute à cause de ce double sens (Richelet donne seulement le second) que la Fontaine croit devoir ajouter l'explication qui est dans le vers suivant.

3. Les éditions de Didot écrivent à tout moment; toutes les éditions originales ou contemporaines mettent ces mots au pluriel.

4. Sur cet emploi du mot poil, et sur celui de tête grise, au vers 22, et de tondu, au vers 25, voyez l'Essai sur la langue de la Fontaine, par M. Marty-Laveaux (Paris, 1853, in-8°), p. 11.

5. « Il aduint qu'à la fin, dit Bouchet, il demeura pelé, pour complaire à l'une et à l'autre de ses femmes. »

« Je vous rends, leur dit-il, mille grâces, les Belles,

Qui m'avez si bien tondu :

J'ai plus gagné que perdu;

Car d'hymen point de nouvelles.

Celle que je prendrois voudroit qu'à sa façon
Je vécusse, et non à la mienne.

Il n'est tête chauve qui tienne :

Je vous suis obligé, Belles, de la leçon. »

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FABLE XVIII.

LE RENARD ET LA Cicogne1.

Ésope, fab. 326, 'Ahúaŋk xal Tépavos (Coray, p. 216; cette fable ésopique nous a été conservée par Plutarque, dans les Symposiaques ou Propos de table, livre I, 1re question, § v; il l'intitule : la Grue et le Renard d'Ésope). — Phèdre, livre I, fab. 26, Vulpis et Ciconia. Corrozet, fab. 27, du Renard et de la Cigoigne. Le Noble, fab. 35, de la Grue et du Renard. Le talion.

Mythologia sopica Neveleti, p. 404, p. 510.

La fable est charmante d'un bout à l'autre, dit Chamfort. Elle me rappelle le trait d'un riche particulier qui avait fait dîner ensemble un antiquaire, qui hors de là ne savait rien, et un physicien célèbre, dénué de toute espèce d'érudition. Ces deux Messieurs ne surent que se dire. Sur quoi on observa que le maître de la maison leur avait fait faire le repas du Renard et de la Cigogne. 11 Plutarque, à l'endroit cité, fait de la fable la même application que Chamfort dans cette anecdote. Il veut que, dans un repas, la conversation soit, comme le vin, commune à tous les convives, et qu'on n'y propose pas de ces questions subtiles que tous ne peuvent comprendre et suivre. Les deux scènes de ce sujet sont représentées, chacune à part, dans le Labyrinthe de Versailles, et elles ont fourni deux quatrains à Benserade (le xire et le xive dans l'édition de 1677, le xvie et le xixe dans celle de 1678).

Compère le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cicogne.
Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts :
Le galand, pour toute besogne,

1. Cicogne est l'orthographe de toutes les anciennes éditions. Dans une fable latine, en vers léonins, publiée par M. Éd. du Méril (Poésies du moyen áge, p. 255), la Cigogne est remplacée par l'Ibis.

2. Besogne est ainsi défini par M. Littré : « Ce qui est de besoin,

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