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pante et inexplicable, que de n'avoir pas même pris le moindre renseignement officiel et certain sur ces hommes établis dans le Valais, que l'on se proposait d'appeler pour former la base de la nouvelle maison des jésuites à Fribourg.

Vouloir maintenant abandonner sans réserve à de tels inconnus l'enseignement supérieur des sciences, le soin de former les jeunes élèves de l'Etat et de l'autel, la tâche la plus importante pour la société; leur remettre une fortune publique d'environ un million, destinée exclusivement à l'instruction publique, sans avoir la moindre garantie que le but sera rempli; détruire ce qui existe et ce qui, dans la main d'un gouvernement sage et éclairé, pourrait être perfectionné d'une manière également avantageuse pour la ville et le reste du canton, et s'élever même à un établissement d'un ordre supérieur; s'ôter jusqu'à la possibilité d'aspirer à ces avantages, ce serait vraiment s'écarter de toutes les règles de la prudence, et se rendre coupable de l'oubli de ses devoirs.

Des réflexions d'une nature aussi grave, développées sous leurs divers rapports, et présentées avec ménagement, ne furent point accueillies. Les moyens principaux qu'on leur opposa, furent des louanges exagérées des ci-devant jésuites ; des déclamations violentes et dégénérant en in

ductions personnelles contre les philosophes qui soi-disant ont renversé, avec cet ordre, le principal appui du trône et de l'autel, et qui aujourd'hui s'opposent à son rétablissement, et puis l'assertion démentie par l'Histoire, que, sans ce rétablissement, il n'est pas d'existence durable pour la religion et l'Etat; enfin l'éloge d'une méthode d'enseignement uniforme, et le blâme amer du mode de donner les chaires au concours. Dans la délibération décisive du 15 septembre, la minorité du grand conseil, au nombre de 18, proposa le renvoi de cette affaire à un examen plus réfléchi. Cette demande, qu'autorisait déjà la seule considération de l'importance de l'objet, se trouvait encore justifiée d'une manière particulière par la lecture d'une dépêche arrivée dans la matinée, de la part du canton directorial de Berne, qui, sans vouloir s'attribuer une influence d'office, mais exprimant seulement dans le langage de l'amitié confiante, et avec une noble délicatesse, ses craintes au sujet de la résolution qui allait être prise, cherchait à fixer l'attention du Gouvernement sur les suites incalculables qu'elle pouvait avoir sous les rapports des intérêts majeurs de la commune patrie, et finit par prier instamment l'état de Fribourg de ne pas précipiter une détermination qui sûrement ferait naître de l'étonnement au

près de nos voisins, ainsi qu'un sentiment douloureux et de vives inquiétudes parmi le grand nombre des états de la Confédération.

Mais ce fut en vain que la voix de la raison retentit encore d'une part aussi respectable. On ne l'écouta point, et le vœu modeste d'une minorité marquante, pour un examen ultérieur, fut écarté. On osa plus encore, la démarche obligeante et pleine de bienveillance de l'autorité fédérale, l'expression de l'intérêt fraternel de la part d'un bon et fidèle allié, furent présentées sous des couleurs fausses et odieuses. On poussa au dernier point l'oubli des convenances, et on ne garda pas même l'apparence de la modération. On rendit de suite le fatal décret qui remplit de douleur le cœur du père de famille soucieux et de l'ami sincère de sa patrie, qui blesse une disposition essentielle de la législation de l'État, et qui influera d'une manière destructive sur les espérances du présent et de l'avenir. Ce fut sous le manteau de la religion, dont on a déjà si souvent abusé, que le grand œuvre fut consommé. Tout homme clairvoyant ne restera pas incertain sur les vues qui ont dirigé les auteurs de cette entreprise, et un avenir très prochain les dévoilera au plus borné.

Déjà entre les nombreux et inévitables résultats de cet évènement, nous ressentons le plus

immédiat qui certes n'est pas le moins déplorable: l'union, cette première base de toute prospérité publique, est détruite à jamais.

Donné à Fribourg, le 26 septembre 1818.

Signė, C. J. Werro, ancien envoyé; J. de Montenach, conseiller d'état; Phis. Remy, conseiller d'état; Joseph Fésely, conseiller d'état; Jean Meder, conseiller d'état; Ch. Schaller, conseiller d'état.

(Gazette de Lauzanne.)

FIN DES PIÈCES JUSTIFICATIVES.

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