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spirituel, et l'autre prince temporel. Essence, attributs, principes d'action, tendance, en eux tout est divers, pour ne pas dire contraire. Comment pourraient-ils se rapprocher d'une manière durable? l'un habite la terre, et l'autre le ciel. Par où pourraient-ils se toucher? l'un agit sur la conscience, l'autre sur le physique. Qu'ont de commun le sujet, le but et les moyens de leur action réciproque ? L'obstination à poursuivre un fantôme de réunion impossible par ellemême, propage tout ce désordre, qui est tellement dans la nature des choses, qu'il n'y a pas un seul des contrats avec Rome qui n'ait porté avec lui les mêmes fruits d'amertume et de dérèglement. C'est un des spectacles les plus singuliers qu'ait offerts l'esprit humain. Dans le dernier accord, on a comme jeté à l'écart la seule question qui importât véritablement celle d'obvier aux refus d'institutions non motivées de la part de Rome, et de convenir enfin d'un mode fixe de faire instituer les élus auxquels on ne peut opposer aucun défaut canonique. Toute la question des concordats est là: hors de ce point, tout concordat n'est qu'un instrument de désordre. Commencez donc par régler cet article, et puis faites des concordats; mais tant que ce règlement élémentaire manquera, vous continuerez d'avoir ce que vous avez eu jusqu'ici, c'est-à-dire du

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désordre avec des concordats, et un accroissement de désordre pour corriger le désordre engendré par eux. Cette nouvelle circonstance en fournit la preuve. Il s'agissait de se tirer de l'embarras produit par le concordat de 1817 : on n'a fait que s'y enfoncer davantage. Et que l'on ne dise pas que les suites indiquées plus haut n'auront pas lieu; qu'on a pour garans les éminentes qualités des parties. Personne ne les révère plus que je le fais et que j'aime à le professer; mais je traite d'affaires, et non point des vertus de ceux qui les font ; des principes, et non pas des personnes. Malheureusement une funeste habitude fait toujours perdre les uns de vue pour ne s'occuper que des autres. On commence par s'écarter des principes, dans la confiance que l'on ne pressera pas les conséquences de cet oubli, et qu'on n'abusera pas de ses avantages. J'admets que Rome n'abusera pas des siens; mais je demande si on les lui a donnés, s'il était convenable et nécessaire de les lui offrir; et je prie ceux qui pourraient blâmer ma prévoyance, de dire s'ils répondent aussi de l'avenir et des hommes, et de ces mêmes hommes dans toute l'étendue de l'avenir.

CHAPITRE III.

Correspondance du Clergé avec Rome, en 1819.

L'ENVOI d'un négociateur à Rome avait frappé l'attention du clergé de France, et le mouvement d'une curiosité inquiète de sa part était bien naturel. Il s'agissait de son état; celui-ci avait paru fixé par le concordat de 1817. Son exécution était suspendue; une négociation survenait, le clergé ne se voyait pas plus consulté qu'informé; on aurait peur à moins. Celle-ci avait gagné le clergé, et lui dicta la lettre placée sous le no i des pièces justificatives. Cette lettre motiva la réponse du Pape qui se trouve sous le n° 2 des mêmes pièces, et la réponse des évêques au SaintPère, placée sous le n° 3. Ces trois pièces forment la correspondance qui a eu lieu entre le Pape et le clergé, à l'occasion de la négociation dirigée par M. le comte Portalis.

Cette correspondance présente plusieurs rapports qui méritent d'être examinés.

1o. La joie et les espérances que le concordat de 1817 avait fait concevoir au clergé.

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2o. L'aveu que la négociation n'avait pour objet que de pourvoir aux siéges vacans parmi ceux reconnus par la loi de 1801.

3°. Des plaintes sur le mystère fait au clergé de l'existence et de l'objet de la négociation. 4°. Le tableau de l'église de France.

5°. L'abandon entier fait par le clergé au Pape de sa direction propre.

6°. La forme de cette lettre.

Le premier de ces articles est pour moi un vrai sujet de deuil, comme d'un profond étonnement pour mon esprit, car il ne peut s'élever au point de reconnaître un clergé à sa place, lorsque celui-ci la choisit en dehors de la nation, lorsqu'il sent, lorsqu'il voit autrement qu'elle ; alors loin d'être avec la nation, il est en opposition avec elle. Car dès qu'il y a différence entre elle et lui, par là même il y a opposition. Un clergé séparé d'opinion et d'affection avec la nation dont la direction lui incombe, avec la nation à laquelle il incombe aussi de pourvoir à ses besoins, me paraît être dans une position contradictoire au principe de son institution, à l'efficacité de son action, et la plus critique pour son ministère et pour lui-même. Lorsque pour agir sur les hommes, on n'a pas d'autres moyens que la persuasion, comme on ne peut pas persuader sans être entendu, il faut veiller avec at

tention sur le moyen de s'entendre, et pour cela commencer par parler la même langue que ceux que l'on prétend diriger. Sans cet accord indispensable dans le langage, toute influence est impossible. Or, dans cette circonstance, la joie alléguée par le clergé formait un contraste bien frappant avec les sentimens que la nation manifestait; car il s'en fallait de beaucoup qu'elle ressentît cette satisfaction qui est en possession de produire l'allégresse, et ce qui se manifestait parmi elle, ne pouvait laisser de doutes sur ses dispositions. Le ministère ne s'y méprit pas, et la connaissance de l'état réel des choses le porta à renouer avec Rome une négociation destinée à corriger le sujet de cette joie prétendue. Lorsqu'il se porta à cette détermination, le ministère ne cédait pas à une fantaisie, mais il sentait dans l'opinion un fonds résistant contre lequel il désespérait de prévaloir. C'est ce que le clergé lui-même reconnaît, lorsqu'il dit qu'on lui a allégué l'existence d'obstacles insurmontables. Où se trouvaient ces obstacles? Etait-ce dans l'argent? Non, car il était trouvé depuis la loi de 1816 qui attribue au clergé une dotation en forêts d'un produit ce 4,000,000 fr. Où donc était la difficulté ? Dans l'opinion formellement prononcée contre le concordat; elle était là et nulle part ailleurs. Lorsque le Gouvernement se ren

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