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ces contrées, on allait rechercher ce qui arrivera infailliblement après la séparation maintenant bien certaine de l'Amérique avec l'Espagne, on voit cette suspension de l'épiscopat s'étendre sur cet hémisphère, et ce nouveau monde catholique se flétrir et se dessécher à défaut de l'entretien régulier de son épiscopat. Avant que l'Espagne ait permis à Rome de s'occuper sans elle de l'Amérique, avant que celle-ci ait acquis dans son intérieur cette régularité à laquelle Rome reconnoît la capacité de former des contrats, avant que les gouvernemens eux-mêmes aient arrêté et pu faire adopter un plan à Rome, que de temps ne s'écoulera-t-il pas! que de désastres ne seront pas semés dans cette catholicité séparée de Rome par de si vastes espaces et par l'Océan ! Plus de la moitié du monde catholique se trouve donc sous un provisoire continu, ou bien imminent, dont le résultat et les causes sont les mêmes partout, le mélange du spirituel avec le temporel, l'extinction de l'épiscopat et l'abandon des fidèles à eux-mêmes.

L'attitude de Rome immobile au milieu de tant de changemens, impassible au milieu de tant de désastres, combattant et triomphant sans d'autres armes que celles que lui prêtent l'irréflexion et la peur, faisant fléchir les rois, souffrir les peuples, pliant tout au joug de sa chancellerie, re

cevant et laissant émousser sur une cuirasse antique tous les traits des modernes nouveautés, recréant une puissance d'opinion au milieu des ruines que l'opinion accumule partout, Rome, dans cet état de contradiction avec le monde moral et de soumission de la part de ce même monde devant un dominateur désarmé, présente un spectacle qui n'a pas encore frappé les yeux de l'univers, et qui ne saurait trop fixer son attention.

CHAPITRE VIII.

Des écrits sur les affaires religieuses.

DANS le temps actuel, en religion comme en politique, tout ce qui se passe devient l'objet d'une discusion publique ; les hommes éprouvent le besoin de répandre leurs idées, et ce penchant que quelques-uns veulent représenter comme une maladie particulière du temps, n'est que l'effet nécessaire de la communication des hommes entre eux et de la civilisation; ils aiment à converser sur les affaires qui les intéressent en général, comme sur celles qui n'ont pour objet que leurs plaisirs ou leurs intérêts particulier. L'imprimerie est le moyen des communications de la première espèce, comme la conversation l'est de celles de la seconde. Plus l'ordre des sociétés modernes s'affermira et s'étendra, plus l'usage des discussions publiques, sur tous les objets qui seront portés à la connaissance du public, ou qui rentreront dans ses intérêts, enfin qui peuvent l'atteindre de quelque manière que ce soit, deviendra habituel et général. Il faut savoir s'y attendre, et ne pas vouloir des sociétés sans ce qui les constitue. Les sociétés

modernes sont ainsi faites, l'imprimerie en forme le nœud en quelque sorte; il faudrait les dissoudre avant de les en priver, et celle-ci entre dans la vie moderne, comme les denrées nées dans un autre continent et que le nôtre a adoptées et savoure de manière à ne pouvoir plus en supporter la privation. Voyez ce qui se passe en Angleterre, et en Amérique où la discussion publique ne languit pas un seul jour, un seul instant; aussi n'y a-t-il rien qui soit plus dépourvu de sens, et je dirai même de sociabilité, que ces vagues dérisions dont quelques écrivains cómposent tout le sel de leurs déclamations contre les discussions politiques; on voit des hommes dont la profestion est d'écrire, dont l'existence tient à l'imprimerie, qui comparaissent tous les jours devant le public, dans ces feuilles légères sur lesquelles chaque matin la curiosité recherche les évènemens de la veille, et le sujet de la conversation de la journée, on voit, dis-je, ces écrivains obligés gourmander les écrivains volontaires comme cédant à la manie et à la démangeaison d'écrire, comme si ceux-ci pouvaient et devaient rester étrangers au nouvel ordre des sociétés. Il n'est pas rare non plus de voir assigner à chacun les sujets qu'ils doivent regarder comme de leur domaine, en considérant les autres comme leur étant interdits. Tout cela est sans raison, parce qu'il est

sans harmonie avec l'ordre du monde, et qu'il n'y a rien de sensé dans ce qui le choque ou le contredit. Il ne s'agit donc pas de rechercher les titres des écrivains, mais l'esprit de leurs écrits ; le nombre de ceux-ci, mais leur valeur, et celle-ci dépend sur-tout du but de ces écrits. Ce qu'ils proposent est-il faisable? car par cela seul ils peuvent être utiles; la décence se trouvet-elle dans l'expression, la mesure dans le ton, la vérité dans les principes, et dans leur application, dans l'allégation des faits, dans la peinture des hommes et des choses, l'éloge, l'encouragement doit appartenir à ces écrits, qu'ils croissent et multiplient. Au contraire, servent-ils de moyens de propagation à des systèmes sans accord avec ce qui est établi généralement, sans liaison avec un ordre qu'on ne peut ébranler sans convulsions, à des peintures sans harmonie avec la couleur particulière à chaque fait, ainsi qu'à chacun des acteurs mis en scène; alors que ces écrits inutiles aient le sort de toutes les inutilités, dont la diminution ne peut être un sujet de regret. C'est sur ces principes qu'il faut évaluer tout ce qu'a fait éclore l'apparition du concordat depuis 1817. Elle a rouvert la lice des discussions religieuses. Celles-ci ont pris un triple caractère, 1o une hardiesse exagérée, et un ton de provocation; 2o le rappel d'un ordre de choses impos

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