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et les libéraux. Tel est l'état actuel du monde; il est formé dans ces deux grandes divisions. Rome a ses ultrà; ils dominent dans l'ordre spirituel, comme la libéralité, sous l'inspiration du cardinal Gonsalvi, domine dans la temporalité. Or, comme la demande des princes allemands se rapportoit au premier ordre, elle y a éprouvé les effets de l'influence des hommes passionnés et peu clairvoyans, tels qu'ils se montrent généralement parmi les ultrà. Ultrà et raisonnable sont deux choses qui s'excluent mutuellement. Il ne faut pas plus avoir affaire aux ultrà au spirituel qu'au temporel, car partout ils gâtent tout.

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CHAPITRE VI.

Difficulté véritable dans les négociations avec Rome.

CETTE difficulté consiste toute entière dans la clause relative au terme dans lequel le Pape doit instituer ou motiver son refus. Par une suite de faits vraiment inconcevables, le Pape jouit de la prérogative de ne pas s'expliquer sur les causes qui le portent à ne pas remplir les obligations résultantes de l'acte passé avec les princes, par lesquels il doit instituer les nommés par eux, réunissant les qualités canoniques. Ce privilége est unique au monde, car on n'a jamais entendu parler d'un contractant libre de suspendre l'exécution de ses obligations, sans être tenu d'en faire connaître les motifs à la partie lésée par cette suspension. Depuis qu'il existe des concordats, et que par eux le Pape est resté le maître de l'institution canonique, cet inconvénient n'a pas cessé de se faire ressentir. On a vu tous les évêchés de Portugal vacans, à l'exception de celui d'Elvas, dont le titulaire avait quatre-vingtquatorze ans on l'aurait dit conservé comme

l'arche pour sauver cette église d'une extinction totale. L'interruption d'institution dura pendant vingt-huit ans. Quel dommagene durent pas recevoir les églises et les fidèles du Portugal par une privation aussi prolongée des premiers pasteurs et des premiers moyens de l'entretien du sacerdoce!

A Naples, les contestations pour la Haquenée, ont fait refuser des bulles d'évêché. D'autres contestations pour des droits temporels ont produit de semblables refus, et les ont prolongés dans un long cours d'années; ainsi l'on a vu, sous les papes Clément XIII et Pie VI, les bulles refusées au point qu'en attendant que les deux cours s'entendissent, l'épiscopat finissait, digne résultat du désordre d'idées qui a présidé aux conventions de Rome avec les souverains de ce pays.

Sous Louis XIV, onze années d'interruption d'institution élevèrent à trente-deux les vacances des siéges épiscopaux, chose inouïe dans l'histoire de l'Église de France: sous Napoléon, et dans le temps actuel, onze années de suspension d'institution avaient, de 1818 à 1819, amené cette même Eglise sur les bords du tombeau, et l'on n'en est encore qu'à un provisoire. Ce lien d'institution est si fort, Rome en connaît si bien le nerf, qu'avec lui elle a affronté les deux plus puissans princes qui aient gouverné la France, et qu'elle a bravé avec le même succès et le

prince le plus religieux, et celui qui était moins des autorités et des conve

retenu par le respect nances religieuses.

La cour de Rome, dans toutes ses contestations avec les princes, commence par arrêter l'ordre épiscopal : elle s'en prend à lui, et le tient comme un gage de leur conduite. Elle sait qu'on ne peut se passer d'évêques, que leur absence molestera les princes en portant le clergé et les peuples au mécontentement; elle part de ce point pour effectuer une espèce de blocus autour des souverains qu'elle trouve opposés. Ayant trouvé un moyen aussi commode de leur imposer la loi, elle ne peut qu'y tenir avec la plus grande opiniâtreté, et c'est ce qui la dirige dans toute sa conduite. Dès qu'elle traite avec les pouvoirs temporels, elle se retire et rentre dans ses obscurités mystérieuses, aussitôt qu'elle sent approcher de cet article sacré de sa politique. C'est pourtant là qu'il faut l'aller chercher, si l'on veut enfin rétablir les choses dans l'ordre naturel, borner le spirituel au spirituel, et le temporel au temporel. C'est ce qu'avait effectué Napoléon, en cela restaurateur véritable des principes, précurseur des princes éclairés qui plus tôt ou plus tard reprendront cet ouvrage, et qui en feront la loi de l'univers chrétien. Napoléon n'aura pas joui du fruit de ses travaux; c'est la destinée de pres

que tous ceux qui entreprennent de grandes, choses; mais la semence est jetée, et elle ne peut être perdue sur la terre d'Europe, cultivée par des mains que dirigeront les principes de la religion et de la raison, à la fin combinés entre elles pour se prêter un mutuel appui.

Depuis sa restauration, la cour de Rome est devenue l'objet d'hommages dont la prévoyance n'a pas toujours reglé la mesure. Comme, depuis cette époque, on n'a pas cessé de parler de religion, ni de l'invoquer à l'appui de tout ce qui se faisait, on n'a pas cessé non plus de s'adresser à Rome avec des soumissions plus que convenables. Napoléon ayant beaucoup choqué Rome, on a eu l'air de croire qu'on ne la vénérerait jamais assez. Celle-ci n'a pas mieux demandé que de laisser faire, et de ne pas retrancher un seul grain de l'encens volontaire que l'on brûlait à ses genoux. En tout temps Rome a procédé de même; elle a accepté tout ce que le zèle ou l'intérêt venait lui offrir. Le moment était donc fort peu opportun pour faire revivre le système qui avait mis une borne à l'indéfini du pouvoir de Rome, et pour lui demander de s'expliquer sur un article qui pouvant se représenter tous les jours, pouvait, par là même, renouveler tous les jours les différends et les embarras. Les négociateurs allemands, plus enentreprenans que ceux de la France, ont bien

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