veux bien (dit Gaultier). » Ils jouèrent quelques comédies. Le bruit vint jusqu'aux oreilles de Pluton qu'il estoit arrivé une troupe de comédiens des meilleurs de France. La curiosité de Proserpine la porte à les vouloir voir; mais, ô malheur pour eux! ils y furent par son commandement. Gaultier, pensant encore estre sur le théâtre de l'hostel de Bourgongne, pensoit jouer la comédie de Cérès; Guillaume pensoit que Proserpine fust encore Simonette feinte de Proserpine, et mettant un doigt à sa bouche, l'ayant effrontément mis sur le sein de Proserpine, l'ayant frappé d'un coup de son bonnet le bas du ventre avec un ris amoureux, mit si fort Proserpine en colère et Pluton en jalousie, qu'il commanda incontinent à ses gardes de se saisir de leurs personnes. Aussitost une légion de diables les entourent. Gaultier pensoit s'en fuyr, se fiant à la bonté de ses jambes; mais les diables, qui avoient des ailes, les eurent bientost attrapez. Guillaume, à qui la peur fit faire mille tours en s'en fuyant, ne fust pas difficile à attraper, si bien qu'ils furent tous deux enchaisnez pour estre conduits en prison perpétuelle. Ha! les regrets que ce furent! Gaultier, avec un ayyde redoublé et tiré du plus creux de son gosier, disoit : << Ha! misérable Gaultier ! falloit-il que ton infortune t'aye conduit et mis en un estat si déplorable! Guillaume, tu as bien ruyné nostre fortune, lorsque tu fus si aveuglé que d'approcher 1. Nous ne savons au juste de quelle pièce il s'agit ici; c'est peut-être du Ravissement de Proserpine, tragi-comédie de Hardy, jouée en 1611 à l'hôtel de Bourgogne. la déesse Proserpine. » A ces mots le pauvre Guillaume se fondoit tout en pleurs. <«< Ha! mon maistre ! je vous crie mercy. Si on m'eust cogneu on eust bien veu que je n'estois qu'un pauvre enfant sans malice; ayyde! et que dans ma condition j'avois pris de ma capacité de mon intérieur; et quand ma mère me faisoit manger des tripes de morue en figure hexagone et pentagone, je ne pensois pas à la misère qui me devoit accabler aujourd'huy. Mais prenons courage, tandis que je trouveray à manger encore je me consolerai le mieux que je pourray. » Et ne disoit cecy qu'en tremblant, et invoquant à son ayde son pauvre camarade Turlupin, espérant qu'il l'iroit bientost voir. A la fin, les diables, ennuyez de leurs discours, disoient: << Allons, je vous bailleray des cornes au cul. -Et tout beau, monsieur le diable, dist Gaultier, nous y serons assez à temps. >> Et ainsy furent conduits le pauvre Gaultier avec son vallet Guillaume en une prison fort obscure, où ils déplorent tous les jours leur misère, et maudissent l'heure de s'estre jamais rencontrez. Du reste, vous en entendrez nouvelles du premier courrier qui en arrivera l'an 0000. FIN. e battelier d'enfer réparoit sa nacelle, Rompue sous le faix d'une ame criminelle, [bond, Lorsque Gautier Garguille, arrivant furi 1. Bien que cette pièce ait déjà été donnée dans les Euvres de Tabarin (édit. elzevir., t. 2, p. 493), et bien que nous-même, à un moment où nous ne pensions pas qu'on nous confieroit l'édition du présent recueil, nous l'ayons reproduite au tome 4, p. 221, des Variétés historiques et littéraires, nous ne pensons pas devoir l'omettre ici. Elle nous paroît indispensable pour compléter l'ensemble des livrets relatifs à Gaultier Garguille. Nous croirons toutefois inutile de répéter les notes, d'ailleurs peu nombreuses et peu importantes, que nous lui avons consacrées dans les variétés, et qui se retrouvent presque toutes dans l'annotation des pièces qui la précèdent ici. S'écria Passe-moy sans attendre un second Qu'on joue chez Pluton. Si tu tardes beaucoup, |