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maux dévorans; c'eft ôter au méchant, l'ufage de fon poignard; à la calomnie, fes poifons; à l'envie, fes ferpens. Le roi infifta, & lui dit: » J'aurois befoin d'un efprit éclairé, & d'un cœur droit & bon, qui voulût supporter avec moi le fardeau de ma puiffance : je ne puis trouver qu'en toi l'homme qui m'eft neceflaire". - Tu le trouveras, répondit le miniftre, fi tu le cherches parmi ceux qui ne te cherchent pas. Extrait de Sadi.

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Le fils d'un gouverneur de province fut élevé dans le palais d'Uglimith. Ĉe jeune homme, dans un âge encore tendre, avoit de l'efprit, de la prudence & du jugement. Le roi, qui étoit fort jeune, en fit fon ami, & les jeunes gens de la cour le prirent en averfion; ils lui tendirent des piéges; ils cherchèrent à le perdre ou à le faire périr: mais ils ne purent y réuffir, parcequ'il avoit dans le roi un véritable ami. Uu jour ce prince lui difoit: Quelle peut être la caufe de la haine que tu inf» pires à mes courtifans? elle eft violente; ne pour»rois-tu la faire ceffer?» Oroi! répondit le favori, j'ai fait ufage de ta puiffance pour le bonheur de tes fujets & pour ta gloire à mefure que je conciliois l'affection de ton peuple & ton cœur, j'éloignois de moi mes anciens amis, mes égaux : je ne me connois qu'un moyen de les ramener; Ceft de faire des fautes. «Pourfuis, & ne crains rien, dit le roi, le foleil ne doit pas ceffer » d'éclairer, parceque fa lumière bleffe les yeux "des oifeaux de nuit «. Sadi.

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On reprochoit à un vifir, de n'être pas d'un caractère affez ferme. » C'est à ce même caractère, répondit-il, que j'ai l'obligation de la place que j'occupe, & c'est par lui que je m'y maintiens. Il ,, ya foixante ans que je fuis au monde; mes dents,

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,, qui étoient dures font prefque toutes tombées; » ma langue, qui ne l'étoit pas, m'est restée toute » entière «. Apol, orient.

Il ne faut pas contrifter l'ame de fon ennemi. Un voleur étoit entré, pendant la nuit, dans la cabane d'un fage: il n'y trouva rien. Le fage fe leva, & lui donna la natte fur laquelle il étoit couché. » Je ne veux pas, difoit-il, qu'un coupa» ble ait un chagrin de plus ". Sadi.

Trois habitans de Balk, qui voyageoient enfemble, avoient trouvé un tréfor. Ils le partagetent, & continuèrent leur route, en s'entretenant de l'ufage qu'ils feroient de leurs nouvelles richeffes. Comme les vivres qu'ils avoient emportés étoient consommés, il fallut envoyer à la ville la plus prochaine en chercher. Le plus jeune fut chargé de cette commiffion, & partit. Il fe difoit en chemin: me voilà riche; mais je le ferois bien davantage, fi j'avois été feul quand nous avons trouvé le tréfor: mes compagnons de voyage m'ont enlevé deux parts; ne pourrois-je pas les reprendre? Cela me feroit facile; je n'aurois qu'à empoisonner les vivres que je vais chercher. A mon retour, je dirois que j'ai dîné à la ville; mes compagnons mangeroient fans défiance, & ils mourroient. Je n'ai que le tiers du tréfor, & j'aurois le tout. Cependant les deux autres voyageurs étoient affis à l'ombre d'un plâne, & ils fe difoient: Nous avions bien affaire que ce jeune homme vînt s'affocier avec nous?nous avons été obligés de partager le tréfor avec lui? fa part auroit dû nous appartenir, & c'eft alors que nous ferions riches. il reviendra dans pen; nous avons de bons poignards.... Le jeune homme revint; fes compagnons l'affaffinerent: ils mangèrent enfuite des vivres empoifon

nés; ils moururent, & le tréfor n'appartint à perfonne. Extrait de Sadi.

C'est un proverbe parmi les Perfans, que le menfonge qui fauve, vaut mieux que la vérité qui nuit. Un roi avoit ordonné la mort d'un efclave. Ce malheureux, au défefpoir, accabla le prince d'imprécations dans une langue étrangère. Le roi demandant ce qu'il avoit dit, un courtifan d'un caractère doux & humain répondit: Seigneur, cet infortuné vient de dire: » Le paradis eft pour ceux » qui répriment leur colère & qui pardonnent aux » hommes. «Le roi, touché de ces paroles, fit gra ce à l'efclave. Un autre courtifan, ennemi du premier, dit alors: Il n'eft pas permis de déguifer la vérité devant fon fouverain. Cet homme vient d'outrager le roi. J'aime mieux, dit le mo» narque, le menfonge qu'il m'a fait, que la véri » té que vous me dites; car il avoit envie de faire » du bien, & vous du mal «; & il le chaffa de fa préfence.

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Un homme aveugle avoit une femme qu'il aimoit beaucoup, quoiqu'on lui eut dit qu'elle étoit fort laide. Un fameux médecin vint dans le pays, & offrit à l'aveugle de lui rendre la vue. Il ne vou lut pas y confentir: » Je perdrois, dit-il, l'amour » que j'ai pour ma femme, & cet amour me rend » heureux. «Homme de Dieu, ajoute le philofophe Sadi qui rapporte ce trait, réponds-moi: Lequel importe le plus à l'homme, le bonheur ou la connoiffance de la vérité?

APOPHTEG ME.

Dir notable, ou parole remarquable de quelque perfonnage illuftre. Plutarque, Diogene-Laerce,

Athenée, & quelques autres auteurs, ont recueilli les apophtegies des philofophes de l'antiquité. Parmi les penfées des anciens que d'Ablancourt a traduites, & qu'il a données fous le titre d'Apophtegmes, il y en a plufieurs où l'on trouve le fel épigrammatique. Mais on doit regarder ces pensées moins comme des apophtegmes proprement dits, que comme de bons mots. L'apophtegme eft en quelque forte le mot favori d'un héros ou d'un philofophe; c'eft l'abrégé de fa morale; c'est le réfultat de fes réflexions; il eft par conféquent férieux, grave & inftructif. Voy. Bon mot.

Pythagore. Le fpectacle du monde reffemble à celui des jeux Olympiques. Les uns y tiennent boutique, & ne fongent qu'à leur profit; les autres y payent de leur perfonne, & cherchent la gloire; d'autres fe contentent de voir les jeux, & la condition de ces derniers n'eft pas la pire.

L'ami qui nous cache nos défauts nous fert moins que l'ennemi qui nous les reproche.

L'efprit qui a trop de foin de fon corps, rend fa prifon infupportable.

Il n'y a rien de fi timide qu'une mauvaise conscience.

Thalès. La meilleure forme d'un état, eft celle où le partage des richeffes n'eft pas trop inégal. On n'a point alors des pauvres à défendre & des riches à contenir.

La trop grande envie de parler, eft un figne de folie.

La félicité du corps confifte dans la fanté, & celle de l'efprit dans le favoir.

Il faut vivre avec fes amis, comme s'ils devoient être un jour nos ennemis.- Cet apophtegme, que l'on attribue auffi à Chilon, eft deftructif de l'ami

tié,

tié, puifqu'il en bannit la confiance, en quoi confifte fa plus grande douceur.

Chilon. Defirer de trouver dans une époufe la beauté, la richeffe & la naiffance réunies, c'est vouloir fe donner une maîtreffe au lieu d'une compagne.

Une ame généreufe ne perd jamais la mémoire des bienfaits qu'elle a reçus; mais elle oublie aifément ceux que fa main répand.

C'est moins la mort qui eft horrible, que le phantôme fous lequel on nous la fait envisager.

Les trois chofes les plus difficiles, font de taire un fecret, d'oublier une injure, & de bien ufer de fon loifir.

Il n'y a pas moins de lâcheté à attaquer un homme défarmé, qu'à parler mal de ceux qui ne peuvent fe défendre.

La prudence eft à defirer pendant qu'on eft jeune; & la gaieté eft le baume de la vieilleffe. C'eft ce que ce philofophe vouloit exprimer, en disant: Qu'il falloit être jeune en fa vieilleffe, & vieux » en fa jeunesse «.

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L'or eft la pierre de touche de l'homme. Un autre fage a dit:» Qu'on éprouve l'or par le feu, la » femme par l'or, & l'homme par la femme «.

Pittacus. Le pardon vaut mieux que le repentir; c'eft à-dire, qu'il faut préférer de pardonner, à fe venger; parceque le repentir fuit de près la ven

geance.

Ne divulguez pas vos deffeins; afin afin que s'ils font renverfés, vous ne foyez pas expofés à la rifée. La moitié vaut mieux que le tout. C'est une forte d'énigme que Pittacus a laiffé à deviner; mais l'on peut expliquer, fi l'on veut, en difant, que celui qui poffède le tout, n'a plus aucun fouhait à

Tome I.

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que

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