Page images
PDF
EPUB

vrage anonyme, aujourd'hui tout-à-fait oublié (*), où vous étiez comparé à tous nos Auteurs, & dont le refrein étoit à chaque page voyez comment M. de Voltaire eft plus fublime que Corneille, plus pathétique que Racine, plus mâle que Crébillon, plus grand Poëte que Rousseau, plus naturel que Lafontaine, plus éloquent que Boffuet, plus élégant que Fénelon, &c.

Cependant vous cachiez encore votre deffein, en femant dans le Public le germe de toutes ces opinions qui vous étoient favorables. A ceux qui vous auroient reproché tant de fentiments faux & hazardés, vous auriez pu montrer, dans vos écrits, des fentiments contraires qui vous auroient difculpé.

Cette politique vous réuffit; vous plûtes aux différents partis de la Littérature. Les uns vous croyoient dans la bonne route, graces au fafte & à l'étalage que vous mettiez fouvent dans votre amour pour les bons principes; les autres fe flattoient que vous étiez de leur Secte, par les traits

(*) Connoiffance des beautés & des défauts de la Poéfic Françoife, &c.

malins & les coups détournés que vous portiez adroitement aux génies qui vous faifoient ombrage.

Enfin, quand vous n'eûtes plus rien à ménager, ni à craindre; que vous eûtes vu difparoître de la Littérature tous ceuxqui auroient eu du poids contre vous, par leurs talents & leurs lumieres tels que Rouffeau, Racine le fils, Rollin, & quelques autres; quand vous avez apperçu la foule de vos difciples & de vos admirateurs, qui dominoit & faifoit par-tout enrégiftrer vos arrêts, vous avez mis bas toute contrainte & toute diffimulation.

Vous avez employé toutes vos forces à déprimer les Anciens, pour ravaler plus aifément les Modernes fameux qui s'étoient fait gloire de les imiter; quolibets, plaifanteries, traductions ridicules, tout vous füt bon.

Vous avez comparé Efchyle à Caldéron ; vous avez travefti, à la maniere de Perraut, les traits fublimes de l'lliade & de l'Odyffée, vous avez appellé la ceinture de Vénus, un fichu.

Vous avez traité Homere de Poëte qui

n'a aucune morale, lui qu'Horace mettoit. avant tous les Philosophes, pour l'inftruction & l'importance des préceptes.

Vous avez dit qu'Ariftophane, qui n'eft ni Comique, ni Poëte, n'auroit pas été admis parmi nous à donner ses farces à la Foire S. Laurent.

Vous avez dit que Lafontaine n'étoit pas un Ecrivain fublime, ni un des premiers génies du grand fiecle.

Vous avez fait d'injuftes critiques du fujet d'Athalie, parce que cette Tragédie eft peut-être la feule parfaite qui foit dans aucune Langue. Vous avez dit de Racine, qu'on peut se plaindre de ne trouver fou vent dans ce Poëte, qu'une élégance qui plaît, & non pas un torrent d'éloquence qui entraîne de n'éprouver qu'une foible émotion & de fe contenter d'approuver, quand on voudroit que l'efprit fût étonné & le cœur déchiré.

[ocr errors]

Vous avez fait un Commentaire de Cor neille, pour avoir occafion de vous appefantir fur des défauts qui font moins de lui que de fon tems, pour lui en rechercher d'imaginaires, & pour affoiblir autant que vous le

pourriez, les beautés fublimes qui vous mettent fi loin au-deffous de lui.

Vous avez dit de Boileau, qu'on ne trouve aucun enthoufiafme dans fes Poéfies ; &, comme fon Lutrin vous a toujours offufqué la vue, parce qu'il eft un fujet de comparaison peu avantageux à la Henriade, vous avez trouvé que le Dif penfari, petit Poëme Anglois, étoit peutêtre (admirez cette réferve!) fupérieur au Lutrin; ainfi que je ne fais quel autre Poëme Anglois fur les Médecins & les Apothicaires, qui a, dites-vous, plus d'imagination, de variété de naïveté que ce même Lutrin ; & pour en donner la preuve, vous traduifez ainfi le début de ce chef-d'œuvre de plaifanterie :

Mufe, raconte-moi les débats falutaires
Des Médecins de Londre & des Apothicaires.
Comment laifferent-ils refpirer leurs malades,
Pour frapper à grands coups fur leurs chers camarades
Comment changerent-ils leur coëffure en armet,
Leur seringue en canon, la pillule en boulet ›

Vous avez traité Rouffeau de Verfificateur qui ne connoît ni fon fiecle, ni la Philofophie, ni la Poéfie, ni fa Langue;

[ocr errors]
[ocr errors]

de Poëte qui ne pense point, dont le prin cipal mérite avoit confifté dans des Epigrammes qui révoltent l'honnêteté la plus indulgente, &c. (Ce reproche fred bien dans la bouche du Chantre des amours de. l'âne pour la Pucelle.) Vous avez fort îngénieufement comparé les endroits les plus fupportables des froides Odes de Lamotte, aux endroits les plus foibles des demieres Odes de Rouffeau: comme fi cette fupercherie puérile pouvoit en impofer à perfonne !

Pour ne dire qu'un mot du fameux Crébillon, & ne point vous rappeller le prétendu éloge de ce Poëte, où vous le déchiriez, au moment qu'on lui dreffoit un tombeau, vous l'avez nommé Crébillon le Barbare.

Vous avez appellé l'Auteur de l'Esprit des Loix, & d'autres Ouvrages de génie un homme d'efprit.

Vous avez cherché à jeter un ridicule déplacé fur les Ecrits de M. Rouffeau de Genève l'homme le plus éloquent de notre fiecle.

[ocr errors]

Vous avez fait d'envieufes critiques du

« PreviousContinue »