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Maturité de miellation.

Il y a une maturité secondaire, c'est celle de miellation.

Un fruit prèt à tomber de l'arbre, si on ne le cueille, a atteint sa maturité de végétation; or, la sensualité conseille de ne pas laisser la nature compléter cette maturité ; car il n'y a qu'un instant entre cette époque et celle où le fruit se passe, et tout fruit cueilli trop mûr est un mauvais fruit au goût. Alors la végé tation a combiné la totalité de l'acide du fruit, principe qui constitue une partie de sa saveur ; aussi est-il plus fade que sucré. Il a combiné toute son eau; elle n'inondera plus les lèvres : le fruit est pâteux, en même tems qu'il est moins digestif; il a perdu son arôme.

Ainsi donc tous fruits aqueux, principalement ceux qui sont parfumés, tels que la fraise, la framboise, l'abricot-pêche, la pêche, veulent être cueillis de 24 ou 48 heures avant le dernier degré de leur maturité, selon leur nature et la saison plus ou moins chaude. Un melon est frappé, il n'est pas mûr, ou il l'est, assez inégalement, pour que souvent la portion de sa chair, voisine de son pédoncule, soit d'une amertume intolérable; amertume

cependant destinée à se convertir en principe sucré. Mais, détachez-le de sa tige, et laissezle acquérir une maturité secondaire, en partie sur la couche, en partie à la serre d'été, ou, si le tems est très-chaud, dans un lieu frais, il sera excellent ; tandis que mûri sur pied, il eût valu deux fois moins. Alors le fruit a acquis tout son parfum; il est savoureux, fondant, juteux, parce que son acide et son eau ne sont pas encore parfaitement combinés; la digestion en sera plus facile; on n'a rien à redouter du léger excès qu'on se permettrait de fruits ainsi perfectionnés par le tems, par une douce fermentation, qui n'est que le mouvement intestin qu'excite la fréquente alternative de température; en sorte qu'ici la sensualité se trouve, ce qui n'est pas très-ordinaire, en parfait accord avec la santé. Nous donnons à cette maturité secondaire le nom de miellation. Sachons adopter les mots qui définissent clairement les choses.

J'AI cité les fruits aqueux et parfumés; mais la proposition est encore vraie pour ceux qui ne le sont pas, et tout fruit attendu est constamment le meilleur ; c'est principale

ment sur le raisin que la miellation opère d'une manière bien prononcée. Le tems que doit durer la miellation, dépend de la constitution atmosphérique ; il y a des jours trèsmûrissans, ce qui nécessairement l'abrège ; elle dépend aussi, avons-nous dit, de la nature du fruit, et c'est à l'expérience à fixer un terme qui ne peut être que relatif.

Il n'en est pas ainsi des plantes potagères et légumineuses: salades, asperges, herbages, petits-pois, haricots ; on doit les manger tout récemment cueillis, car il n'y a pas pour eux de maturité secondaire; leur arôme est si léger et si fugitif, qu'ils n'ont, pour ainsi dire, que leur eau de végétation.

Maturité d'expectation.

C'EST une maturité secondaire, beaucoup plus lente et que le tems opère sur tout fruit charnu que la maturité de végétation livre dur et acerbe. La crésanne, le saint-germain, le bon-chrétien, fermes, âpres, inodores, quoique parvenus au terme de leur maturité de végétation, deviennent fondans, doux, sucrés et parfumés après un séjour de deux, quatre et six mois au fruitier; et ce sont même les fruits les plus acerbes qui

deviennent, avec le tems, les plus savoureux. On ne peut pas imprimer la dent sur une nèfle, sur un coing, dont le suc deviendra si sucré au bout d'un certain tems.

Maturité de coction.

La maturité de coction est celle qu'opère une chaleur artificielle. Or, que la chaleur provienne de l'action solaire ou du feu, cause et effets sont les mêmes ; le foyer d'un verre lenticulaire, brûle, fond, calcine et vitrifie comme le foyer chimique ; l'art, en pouvant le plus, peut le moins ; aussi nous verrons que le feu du foyer domestique rivalise avec le soleil.

ACCÉLÉRATION DE LA MATURITÉ
DE VÉGÉTATION.

ON accélère, avons-nous dit, la maturité de végétation des fruits par divers moyens.

De la section annulaire.

Voici en quoi consiste cette opération. On fait avec un instrument tranchant, une serpette, un canif, deux incisions circulaires à

la base d'une branche portant fruit, ce qui détache l'écorce; alors on fait une incision verticale pour couper l'anneau et pouvoir enlever cette portion d'écorce: il suffit qu'elle ait deux à trois lignes de large. Voilà la circulation de la sève descendante interrompue; c'est cette sève qui fait la fructification: or, retenue dans la partie supérieure de la branche, elle tourne au profit du fruit qui acquiert par-là plus de volume, plus de saveur, enfin, une maturité plus prompte de douze à quinze jours; et c'est une jouissance pour un fruit dont la durée est quelquefois trèscourte. La branche qui n'a pas subi cette opération, donnera le sien plus tardivement et moins beau.

Veut-on ne point faire le sacrifice de cette branche, qui pourrait en périr, si on l'abandonnait ainsi? deux ou trois jours après la section, on la panse avec un peu d'onguent de St.-Fiacre, dont on entoure la plaie. Cet onguent est de la bouse de vache mêlée avec de la terre.

Si on assujétit l'onguent avec une petite bande de toile, et qu'on laisse ainsi l'appareil jusqu'à l'année suivante, on trouve, en le levant, le bourrelet supérieur renflé, et de

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