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matière sucrée; ce qui les fait en mêmetemps liquoreux, c'est la surabondance de cette même matière sucrée, dont la fermentation n'a pas pu faire emploi. Elle surabonde dans les raisins d'Espagne et du haut Rhin, en la concentrant dans le grain même par l'évaporation de l'eau de végétation: on y parvient, comme nous l'avons vu, en laissant la grappe sur le cep, en l'exposant sur une roche brûlante. En Alsace, c'est à l'hiver et au tems qu'on abandonne cette concentration; la canicule ou la gelée opère le même effet; on en obtient également évaporation d'une humidité superflue, concentration de la matière sucrée, et conversion du moût en un vériritable sirop qui, dans cet état, donne de 20 à 25 degrés, tandis que récemment exprimé, ce même moût n'eût donné au pèseliqueur que de 10 à 12 degrés.

Mais il existe un moyen bien plus expéditif d'arriver au même but. C'est de l'humidité que nous avons à évaporer; évaporonsla au feu. Le calorique, avons-nous dit, est un et même, que ce soit le soleil, le frottement ou la combustion qui le développe. Ainsi donc, nous exprimons notre raisin, ayant acquis sa maturité de végétation et celle

de miellation. Son moût récent pesait de 10 à 12 degrés dans un seul jour nous l'aurons concentré de 20 à 25 degrés, nous en aurons fait le sirop mère du vin de Malaga.

Poursuivons. Nous venons d'opérer, par un moyen plus expéditif, la conversion du moût en sirop ; maintenant opérons par un moyen plus simple la spirituosité de nos vins domestiques.

Que va-t-il résulter de nos sirops mères soumis à la fermentation? Le voici une portion de la matière sucrée se changera en alcohol; l'autre portion restera matière sucrée. Eh bien! sauvons l'embarras d'une fermentation, dont une des conditions est la masse du liquide fermentant. On peut bien diriger la fermentation de cent pintes, mais non pas de dix: or ce ne sont pas des pièces de vin que nous préparerons dans notre économie domestique.

Une portion de la matière sucrée se serait changée en alcohol, dans la proportion d'un quart, c'est-à-dire, d'un demi-setier d'eaude-vie par pinte; conséquemment, sur trois pintes de notre moût cuit, ajoutons une pinte d'eau-de-vie; voilà notre quart d'alcohol et nos trois quarts de matière sucrée non dé

composés, ce qui nous donne un vin ayant le spiritueux et le liquoreux des vins de cette espèce. Que notre vin ait fait son eau-devie, ou qu'un autre vin la lui ait faite, cela est indifférent; car l'alcohol est le même, de quelque vin qu'on le retire: cette addition d'eau-de-vie interdit au vin la puissance de fermenter.

Mais ne voici qu'une espèce de vin : nous allons les multiplier avec ce même vin-là ; de même qu'avec notre ratafia blanc nous faisons toutes les liqueurs possibles, en variant leur arôme; et nous les faisons plus ou moins liquoreuses, c'est-à-dire huileuses ou demihuileuses, d'après les diverses proportions de sucre : il en va être ainsi de nos vins.

Distribuons ces vins comme nous avons distribué notre ratafia blanc, dans des tonnelets, des cruches de grès, ou des damesjeannes en verre de 40 bouteilles : on peut se permettre de la prodigalité quand les choses reviennent à un aussi bas prix.

Voulons-nous un vin plus liquoreux? nous y ajouterons du sirop de raisin; car quelle autre matière sucrée conviendrait autant à du vin ?

Le voulons-nous tout à-la-fois plus liquo

reux et plus spiritueux? on ajoutera au sirop le quart d'eau-de-vie.

C'est un vin plus sec qu'on désire? on y ajoute d'un excellent vin blanc.

Je n'indiquerai point de proportions, c'est au goût à les fixer.

Il ne nous reste plus maintenant qu'à donner à ces vins divers des arômes; ils sont indéterminés dans les vins de cette espèce : ce n'est pas comme dans les vins ordinaires, l'arôme de framboise bien prononcé, ou celui de violette, etc; c'est ce bouquet qu'on ne définit pas.

Cependant, il y a des vins de liqueurs qui laissent démêler dans leur bouquet l'odeur de muscat; cet arôme est celui de beaucoup de vins, mais marqué par les acides qu'ils recèlent. Je ne le soupçonnais pas dans le mélier blanc de notre vallée de Montmorenci, lorsque la désacidification de son moût l'y a manifesté. Nous avons dit que le vin de paille désacidifié reproduisait également cet arôme qui y est voilé; ce qui l'assimile alors au Tockai, où le goût de muscat est plus prononcé. Disons, en passant, que c'est un célèbre chimiste allemand qui a perfectionné la manutention du Tockai.

Puisque le muscat est l'arôme qui appartient à beaucoup de vins de liqueur, puisqu'il est la base de leur bouquet, ajoutons-y un peu de fleurs de sureau, et deux gros suffisent pour une pièce de 200 pintes.

Enfin, en disséminant dans chacun de ces vins des atômes de nos arômes, ou les mélangeant, nous obtiendrons autant de vins différens; on les aura à volonté plus liquoreux ou plus secs, plus ou moins spiritueux et tous aussi agréables au goût que salutaires : ce seraient les vins de la convalescence, convenables aux estomacs faibles et peu disposés à digérer les vins, tous plus ou moins tartareux, quand on ne les a pas désacidifiés.

Vin muscat. De tous les vins de liqueurs les plus aisés à faire sont le Muscat et le Frontignan, qui ont pour eux cet arôme et leur liquoreux; il y a plus, le vin muscat auquel l'art préside, est préférable au vin qu'on obtient de ce cépage, parce qu'infiniment agréable de son parfum, le vin muscat a un arrière goût-de figue sèche que laisse sa matière. sucrée ; il donne du pâteux à la bouche, et rarement attire l'appétit d'un second verre de ce vin.

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