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de bon fruit que chez les autres. L'économie n'est rien moins que de la lésinerie or, comme c'est vingt-cinq poires et vingt-cinq pommes qui sont constamment là pour vous défendre l'accès du bon fruit, dont il s'agit de se défaire, qu'on les jette et qu'on surveille la maturité des autres ; alors on ne mangera que du bon fruit.

Combien de tables, d'ailleurs très-recherchées, mais d'où le luxe exclut trop souvent l'aisance, ne voient paraître de fruits que pour la représentation : après avoir passé sur la table sans être mûrs, ils y reviennent fanés ou gâtés. Si c'est là de l'économie, ce n'en est pas une fort honorable; et comment reporter sur des méringues, sur un gâteau d'amandes, etc., le luxe si naturel et si profitable des fruits!

Du blanchiment.

Le blanchiment, procédé si familier à l'art de la cuisine et de l'office, est un mode de maturité par coction. Il s'opère par l'eau bouillante qu'on verse sur une substance végétale crue, ou dans laquelle on plonge cette substance : cette simple immersion en dénature et améliore la saveur. On soumet aussi des viandes au blanchiment,

Le changement que le blanchiment opère, par exemple, sur la pomme-de-terre, donnera une juste idée des effets de cette opération. Ces tubercules sont un composé d'eau de végétation, d'amidon ou fécule, produit devenu si usuel, enfin de parenchyme ou partie fibreuse. Rapez la pomme-de-terre, vous en séparez ces trois substances qui y existent réunies. On ne mangera pas une pomme-de-terre crue, lorsque tant d'autres racines, le navet, la rave, se mangent dans cet état de crudité; mais, faites blanchir la pomme-de-terre dans l'eau, à la vapeur de l'eau bouillante, au four, sous les cendres ; qu'arrive-t-il? Nos trois substances désunies se combinent pour n'en faire qu'une et même; l'eau dissout les deux autres principes qui étaient dans un parfait isolement; alors on ne peut plus en obtenir séparément eau, fécule et parenchyme; alors aussi on mange avec plaisir cette pomme-de-terre dont l'eau de végétation affecte si désagréablement le goût et l'odorat, quand elle est crue; car cette plante appartient à une famille que nos sens repoussent, celle du solanum.

Ainsi donc le blanchiment, à l'aide de 80 degrés de chaleur qu'a l'eau bouillante, opère,

dans les végétaux qu'on y soumet, une combinaison intime de leurs parties; les fruits doux, sucrés, savoureux le deviennent davantage de même que les herbages, les racines perdent leur crudité, leur âcreté.

DE LA PROPRIÉTÉ DES FRUITS.

MAINTENANT, établissons quelques principes généraux sur la propriété des fruits, relativement à l'économie animale; car ils ne sont salutaires qu'autant qu'ils ont acquis toute la maturité dont ils sont susceptibles.

Ce n'est point ici de la médecine, mais de l'hygiène ; c'est-à-dire, de ces principes qui, concernant le régime, intéressent la santé, et ne peuvent pas être étrangers aux classes libérales. Cicéron fait un précepte de l'application ces préceptes-là, et Hippocrate, tenant d'une main le sceptre de la médecine, a de l'autre disséminé les principes qui tendent à prévenir les maladies.

L'usage des fruits peut devenir ou trèsnuisible ou très-salutaire. Les propriétés des fruits sont, avant tout, relatives à la constitution; en outre, il existe des appétits et

des

des antipathies plus ou moins prononcés pour tel ou tel fruit, auxquels il faut obéir. Mais bornons-nous à parler des circonstances qui influent sur les qualités et les propriétés du fruit en général.

La première, c'est la maturité de végétation; mais, avons-nous dit, pour être aussi agréable et aussi salutaire que possible, il lui faut une maturité secondaire, qui est l'ouvrage du tems. Or, ce tems, relatif à l'espèce de fruit, est de quelques heures, de quelques jours, de quelques semaines; enfin, de quelques mois, selon que le fruit est plus ou moins parfumé, aqueux, sucré, acide ou acerbe.

La fraise, la framboise, ainsi que la cerise et la groseille, cueillies le matin pour être servies au dessert, ont infiniment plus de parfum, de saveur, et sur-tout beaucoup moins d'acidité qu'au moment de la cueille; parce que le fruit ainsi détaché de sa tige ne reste pas dans un état de repos; un léger mouvement intestin, une douce fermentation succédant à la tourmente de la végétation, combine entr'eux les principes constituans, développe l'arôme, et modifie l'acide qui se métamorphose en principe sucré.

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C'est ainsi qu'opère la maturité de miellation; dans cet intervalle le fruit fait son sucre, et alors il en consomme moins que récemment cueilli. Ainsi, il devient tout à-lafois plus parfumé, plus savoureux, sur-tout plus salutaire et plus économique.

On ne mange pas toujours impunément au pied du cerisier le fruit qu'on y cueille. La cerise contient un gaz acidule qui, s'il n'est pas combiné par la miellation, irrite l'estomac et peut causer dévoiement et colique. Allant, un matin, à Passi, voir Franklin, je le trouvai au pied d'un cerisier, cueillant et mangeant des cerises; il m'invita à être de son écot; je lui observai que manger ainsi des cerises à l'arbre n'était pas sans inconvénient, sur-tout la cerise n'étant pas encore très-mûre, et nous quittâmes le cerisier. Après une demiheure de promenade, Franklin se remet à cueillir et à manger. Eh bien ! docteur, lui dis-je, vous y revenez : et notre gaz végétatif? Ah, mon ami, me répondit-il avec cette gaieté qui lui était naturelle, elles sont un peu plus mûres ; voyez comme le tems est chaud!

On accuse les fruits de causer des maladies automnales; oui, les fruits qui n'ont

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