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été blessée dans ses convictions ou insultée dans ses souvenirs domestiques; les inspecteurs généraux de l'Université affirment que partout, à Paris comme dans les départements, le nouvel enseignement se donne avec la plus grande bonne foi et le tact le plus délicat. Il est justifié aujourd'hui par l'expérience et bientôt il aura pris dans l'instruction de notre pays la place qu'il tient déjà dans l'éducation nationale de l'Angleterre, de l'Amérique et de l'Allemagne.

La séance du 18 mai avait été, pour M. Genteur, l'occasion d'un succès; celle du 19 lui a valu un véritable triomphe. Répondant à M. Jules Simon,. qui avait décrit sous les couleurs les plus sombres la situation des instituteurs et de l'instruction primaire, il a combattu avec autant de bonheur que de talent les appréciations pessimistes de son éloquent adversaire, et opposé, d'une main ferme, le consolant tableau de ce qui avait été fait à la triste peinture de ce qui restait encore à faire. Vous vous plaignez, s'estil écrié, qu'il y a encore en France plus de 600,000 enfants privés de toute instruction; c'est beaucoup sans doute, et nous le déplorons comme vous, mais 4,800,000 fréquentent nos écoles, qui n'en recevaient que 3,700,000 en 1848, que 900,000 en 1829. Il y a aujourd'hui 910 communes qui n'ont pas de maisons d'école; en 1848, il y en avait 7,000; en 1829, 15,000 qui manquaient de tout moyen d'instruction. Sous la Restauration, l'Etat ne dépensait que 50,000 fr. par an pour l'enseignement primaire; en 1828, le crédit fut porté à 300,000 fr.; en 1863, le total de toutes les sommes dépensées, en France, pour l'instruction populaire s'est élevé à plus de 69 millions. Sous la Restauration, les maîtres d'école n'avaient d'autres moyens d'existence que la modeste rétribution que les enfants leur payaient pendant les mois d'hiver, et, l'été venu, ils étaient réduits à travailler aux champs ou à exercer les plus humbles métiers. En 1833, on leur assura un traitement de 200 fr., et la loi qui améliora ainsi leur position fut considérée comme un immense bienfait. En 1848, l'honorable M. Carnot exprimait le désir, mais sans pouvoir encore le réaliser, d'accorder à chaque instituteur 600 fr. d'appointements; aujourd'hui, beaucoup d'entre eux touchent 700, 800 et 900 fr. par an, suivant leur mérite et l'ancienneté de leurs services. L'éducation des filles n'a pas été non plus négligée, et, depuis quatorze ans, 16, 196 nouvelles écoles se sont ouvertes aux enfants de ce sexe. « C'est ainsi, messieurs, a dit M. Genteur en terminant son remarquable exposé, c'est ainsi que vous avez, le gouvernement et vous, largement accompli vos devoirs. Notre pays ne mérite pas les objurgations dont a retenti cette séance. En culti-, vant comme il convient les intérêts matériels qui font sa prospérité et sa force, il cultive en même temps les intérêts moraux et intellectuels, auxquels il a dû sa gloire dans le passé, et qui lui conserveront encore sa suprématie dans l'avenir.» Ces paroles ont été vivement applaudies; la Chambre a su gré au co nmissaire du gouvernement d'avoir effacé la triste impression qu'avait faite sur elle le discours de M. Jules Simon, et plusieurs de ses membres sont venus, quand M. Genteur eut cessé de parler, le remercier et le féliciter.

Mais tandis que nous suivions avec intérêt la discussion du budget,

tandis que la France entière était attentive aux brillantes luttes oratoires du Palais-Bourbon, une fâcheuse nouvelle est venue tout à coup nous surprendre et nous inquiéter. Plusieurs tribus de l'Algérie s'étaient soulevées; excitées par leurs marabouts, encouragées par la confiance que nous conmencions à leur témoigner, et prenant sans doute pour des marques de faiblesse la bienveillance avec laquelle nous les traitions, persuadées aussi, dit-on, que nous allions nous trouver engagés dans une grande guerre européenne, elles ont soudainement levé le masque, et marqué le début de leur insurrection par le massacre d'un de nos officiers les plus estimés et de plusieurs de nos soldats. La répression ne s'est pas fait attendre. Dès le 7 mai, le général Deligny se portait sur Kreneg-elSouk, refoulant les Harrars vers le sud, et, le 11, le général Yusuf se mettant à son tour en mouvement, se dirigeait du côté du désert de Metlili afin de cerner la révolte dans son foyer. Mais ces démonstrations menaçantes n'ont point intimidé les Arabes. Le 13, à onze heures du matin, le général Deligny fut subitement assailli dans sa marche sur Stitten par une masse de 3,000 chevaux et de 600 fantassins commandés par le marabout Si-Mohamed-ben-Hamza; il les repoussa victorieusement et s'établit solidement à Stitten après avoir tué à l'ennemi plus de 200 hommes et lui avoir enlevé des chevaux, des armes et des drapeaux. Le même jour, et presque à la même heure, le colonel La Passet, rentrant de Tiaret, était attaqué à son tour par les Flittas, à Si-Mohamed-ben-Aouda; et, après un combat de deux heures, il repoussait les révoltés et se retirait à Belizanne, en ravitaillant sur son chemin les postes avancés. Cette défection inopinée de tribus qu'on croyait depuis longtemps soumises, est un fait grave et que le voisinage de l'insurrection tunisienne pourrait rendre vraiment dangereux, si le gouvernement français n'arrêtait immédiatement l'extension de la révolte en infligeant aux insurgés quelque dure leçon. Nous apprenons, en effet, que des renforts importants ont été envoyés dans notre colonie, et que le chiffre de notre armée d'occupation va se trouver augmenté de manière à faire face à toutes les éventualités. Mais nos troupes ne seront plus commandées par le vaillant chef qui les avait tant de fois conduites à la victoire, et qui s'était rendu si redoutable aux ennemis de la France. Le duc de Malakoff est mort à Alger le 22 mai: une fluxion de poitrine a emporté le rude soldat que les yatagans des Arabes et les balles des Russes avaient respecté ; et dans quelques jours la France en deuil assistera anx funérailles d'une de ses gloires les plus populaires et les moins contestées.

ALEXANDRE PEY.

ALPHONSE DE CALONNE.

Paris. - Imprimerie de DUBUISSON et C, rue Coq-Héron, 5.

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Die Religiose Bewegung der Gegenward ( Agitation religieuse du temps présent), par Ferd. KAMPE, 4 vol. in-8°. Leipzig, Franz Wagner. 1854.- Der deutsche Catholicismus in seiner Entwickelung dargestellt (le Catholicisme allemand exposé dans son développement), par un anonyme, 2 vol. in-18. Heidelberg, Bangel et Schmidt. 1861. Freiherr Wessemberg, sein Leben und Wirken (le comte Wessemberg, sa Vie et ses Travaux), par Jos. BECK. Freiburg. F. Wagner. 1862. Die Bibel für denkende Leser betrachtet la Bible au point de vue des lecteurs qui pensent), par G.-A. Wislicenus. Leipzig, E. Keil. 1863. Deutsche Gespræche aus den deutschen Blætter (Entretiens allemands, extraits des feuilles allemandes), par David STRAUSS. Leipzig, Berth. Auerbach. 1864.- Das Leben Jesu (la Vie de Jésus), par D. STRAUSS, Leipzig, Brockhaus, 1864.

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I

Nous nous plaçons mal, trop souvent, pour observer et juger nos voisins d'outre-Rhin. Lorsque nous avons appliqué aux événements qui se passent chez eux notre méthode habituelle de critique, nous nous croyons en règle avec notre conscience; mais les difficultés sont loin encore d'être résolues, et nous demeurons déconcertés. Qui nous donnera la clef de tant d'énigmes, qui nous aidera à concilier tant de contrastes? Nous voici, en effet, en présence de l'affectueuse bonhomie, de la bonté accueillante qui se complique d'un orgueil

2e s.- TOME XXXIX. 15 JUIN 1864.

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de race exorbitant; de la hardiesse la plus grande dans les spéculations philosophiques, unie à la timidité dans l'action, à l'hésitation dans le maniement des affaires; de l'humilité qui convient de bonne. grâce des défauts de sa constitution politique et sociale, alliée aux rodomontades les plus exagérées, à la prétention de pétrir le monde entier à son image. En voilà bien assez, ce semble, pour décourager les plus patients, pour justifier les sourires et les épigrammes que la pénétration aux abois appelle à son aide contre la philosophie nuageuse, la bière et la sentimentalité des populations allemandes.

Malheureusement, un trait d'esprit n'est pas toujours une explication, et s'il est vrai qu'on ne puisse sans injustice nier la grandeur de la race germanique, on aurait mauvaise grâce à prétendre que sa grandeur consiste à prêter à rire à ses voisins, et que ces voisins euxmêmes aient sérieusement affirmé leur supériorité lorsqu'ils auront déclaré ne rien comprendre aux théories, aux systèmes consciencieusement élaborés de ceux qu'ils ont cités à leur tribunal. Il y a là certainement malentendu, erreur de perspective; force nous est de regarder d'un autre côté.

Lorsque fut comprimée l'agitation qui répondit en Allemagne à notre commotion de Février, les princes restaurés par les armes de l'Autriche et de la Prusse ajoutèrent aux rigueurs de l'état de siége le poids de l'occupation étrangère. Dieu sait ce que pesa ce double joug sur les épaules des Badois! Extérieurement, il n'y paraissait rien. Les hommes mêmes qui avaient provoqué et dirigé le mouvement enduraient les plus sévères représailles avec une merveilleuse résignation. Au sortir de la liberté sans limites, ils subissaient patiemment la répression sans pitié. En présence de la force victorieuse, ils avaient supprimé toute discussion oiseuse, et, pour emprunter à leur langue une expression qui semble faite pour caractériser de pareilles situations, ils laissaient cela être bon.

La cour de Karlsrhue, encouragée par ce silence, suivit l'exemple de l'Autriche, et conclut avec le Saint-Siége un concordat dont les articles reflétaient avec une grande fidélité les tendances du moment. Ils reconnaissaient à la cour de Rome des priviléges fort étendus, et livraient implicitement au clergé catholique non-seulement la surveillance des écoles, mais encore le droit de contrôle sur l'enseignement des universités. A cette nouvelle, le charme fut rompu, le peuple s'agita, et, comme par enchantement, la vie se manifesta dans cettte masse que l'on croyait profondément endormie. Les brasseries se remplirent, et, sans souci d'une législation ombrageuse, chacun cita à son tribunal le pouvoir assez audacieux pour attenter à la liberté de savoir, de penser et de croire. Professeurs, publicistes, fonctionnaires, bourgeois, ouvriers, tous ces hommes qui

avaient abandonné si aisément les biens de la terre se préparaient à retenir avec une invincible opiniâtreté le royaume de l'idée, l'empire de la métaphysique. Que faire ? Où trouver un caporal qui eût consenti à marcher contre des gens réclamant les justes immunités de leur conscience? Il fallut céder, et un vote des chambres (mars, avril 1860) fit passer le concordat du berceau à la tombe.

Une année après, je me trouvais dans une de ces villes charmantes qui, sur la frontière de l'Odenwald, s'abritent entre les montagnes qui les dominent et le fleuve qui les caresse. L'hiver avait déjà livré la plaine au soleil du printemps, se réservant les hauteurs pour quelque temps encore. Les jardins verdissaient au pied des forêts saupoudrées de neige. Le caractère à la fois sérieux et animé du paysage, joint au calme d'une ville d'étude, avait un charme pénétrant. Au sein de cette paix, il était aisé de surprendre un mouvement inusité, mais cependant discret. Des hommes, des enfants descendaient des montagnes, pliant sous le faix de branchages de sapin et de lourdes guirlandes de lierre; ils traversaient les rues d'un pas hâté et s'allaient perdre çà et là sous de larges portes. Le lendemain, dès l'aube, la ville était pavoisée, et pourtant, comme la veille, chacun vaquait à ses affaires : le mineur, la lampe à la main, était descendu dans ses souterrains, le commerçant siégeait à son comptoir et l'Université tenait ouverts tous ses auditoria.

Le soir venu, tout changea d'aspect. Des groupes se formèrent sur les places et le long de la rue principale, et bientôt un flot de lumière vint éclairer la foule qui bruissait dans l'ombre. On vit s'avancer une double haie de torches enveloppant la marche d'un long cortège qui allait à la mesure d'une musique joyeuse. Ce ne fut qu'un défilé silencieux, grave, compassé. Bon nombre de spectateurs se mirent sans ordre et sans bruit au pas des passants, et à leur suite je pénétrai dans la halle immense d'une brasserie que l'on avait décorée pour la circonstance. Entre deux jeunes sapins appuyés au mur ressortait le buste du souverain. Des trophées de drapeaux, disposés de distance en distance, alternaient avec des faisceaux de branchages et voilaient la nudité des parois. L'assistance avait déjà pris place autour des tables posées sans nul souci de la symétrie; les conversations entamées à l'extérieur se poursuivaient plus animées en face des chopes pleurant sur leur coussinet de feutre; mais à un coup de sonnette parti de l'une des tables, le silence se fit, et la société chorale entonna un hymne patriotique. Aux derniers accords, un homme monta en pied sur sa chaise et prononça un discours qui fut religieusement écouté.

L'orateur dépeignit l'état malheureux de la grande patrie, et avertit ses auditeurs qu'il dépendait de leur zèle et de leur persévé

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