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en activité. Le cratère d'éruption, qui se distingue par sa forme régulière, a reçu le nom de Ngauruhoe; il s'élève majestueusement au milieu d'un cercle étroit de montagnes, qu'il dépasse de plus de 500 pieds. D'épais et blancs nuages de vapeur s'en échappent continuellement; parfois, ils enveloppent le sommet tout entier; parfois, poussés par le vent, ils laissent voir les noires dentelures du cratère. Entre le Tongariro et le Pihanga existe une large vallée, avec un beau lac long d'environ 3 milles, le Rotoaira, près duquel il faut passer pour parvenir au seul côté accessible du Tongariro. Mais l'ascension de ce pic est une entreprise difficile; les indigènes ne l'ont jamais tentée : la crainte des puissances infernales paraît les en détourner. Les chefs voisins, pour ne pas exciter la colère des esprits invisibles, interdisent avec une grande rigueur l'accès de la montagne aux Européens eux-mêmes. Deux personnes cependant, M. Bidwill, en 1839, et M. Dyson, en 1851, sont parvenues à trom-per la vigilance des naturels. Ce dernier a décrit son ascension dans une gazette d'Auckland, le New-Zealander. Nous empruntons à cette relation peu connue d'intéressants détails :

«En mars 1851, je partis du lac Rotoaira; je traversai la plaine et je gravis les hauteurs au nord du Wanganui. Je me trouvai dans une vallée couverte de grands blocs de lave, qui rendaient ma marche très difficile. Après avoir traversé le fleuve, dont la largeur en cet endroit n'est encore que de 3 milles, je m'avançai aussi directement que possible vers le sommet le plus élevé. J'arrivai enfin au pied du cratère, autour duquel se trouvent de grands blocs de lave, évidemment lancés par le volcan. Je dus, pour gravir le cône à pic, ramper sur mes pieds et sur mes mains, glissant bien souvent au milieu des cendres et des scories. Il me fallut au moins quatre heures pour arriver au sommet; mais il est possible qu'en raison de la fatigue que j'avais éprouvée, le chemin m'ait paru plus long qu'il n'était réellement. Toujours est-il que je saluai avec joie l'ouverture du puissant cratère. Sa forme est presque circulaire et peut avoir environ 1,800 pieds de diamètre. L'extérieur se composait de cendres et de scories, mais j'aperçus à l'intérieur de grands rochers d'un jaune pâle, qui devaient probablement au soufre leur coloration. Mes regards plongèrent dans un gouffre profond, mais des nuages de vapeur vinrent me voiler ce béant abîme. Je fis tomber plusieurs grosses pierres, et il me sembla les entendre rebondir sur des rochers. Pendant tout le temps que je passai sur le sommet, on distinguait le bruit sourd du sifflement de la vapeur, comme dans les sources thermales du Rotomohana et du Taupo. Je ne fus témoin d'aucune éruption de cendres ni d'eau, et je n'aperçus aucune lave de date récente. Vers deux heures, je commençai à redescendre par le même chemin que j'avais pris pour venir. Le brouillard m'enveloppait, et je perdis ma route pendant un certain temps. Il faisait déjà sombre quand j'arrivai au fleuve Wanganui, et, bien que je sois d'une complexion

robuste et bon marcheur, je me sentis complétement épuisé, et je tombai de fatigue dans une ravine desséchée. La nuit était froide, mais je dormis paisiblement jusqu'au matin. Dès les premières lueurs du jour, je me levai, et j'arrivai à dix heures au Rotoaira, avec des chaussures en lambeaux. >>

Non loin du Tongariro, le Ruapahu, la plus haute montagne de l'Ile-du-Nord, élève jusqu'à 8 ou 10,000 pieds son large cône tronqué. Aucun voyageur ne l'a jamais gravi; presque toujours enveloppé de nuages, il se dérobe aux regards des observateurs, et l'on ignore s'il forme un plateau ou porte un cratère. Quand le ciel est pur, on aperçoit ses versants couverts de neige, entrecoupés de glaciers et de profonds ravins. Le revers oriental du Ruapahu donne naissance à l'une des sources du Waikato, qui, à peu de distance, forme une belle chute d'eau, s'il faut en croire les indigènes.

Le Tongariro et le Ruapahu reposent tous deux sur un même plateau, large d'environ 10 milles anglais, et où se trouvent en outre quatre lacs. L'un d'eux porte le nom du mont Taranaki, qui figure dans les traditions mythologiques du pays. «Autrefois, dit la légende, le mont Taranaki (mont Egmont) s'élevait en cet endroit, à côté du Ruapahu et du Tongariro; tous trois vivaient en bonne intelligence, mais Taranaki ayant cherché à enlever Pihanga, femme de Tongariro, celui-ci, furieux, asséna un coup violent sur la tête du séducteur, qui s'enfuit suivant le cours du fleuve Wanganui, dont il creusa le profond sillon. Il ne s'arrêta qu'à la mer, où il s'élève aujourd'hui tout seul près de la côte. » Dans sa course, des fragments se détachèrent de sa masse, et les indigènes montrent comme tels deux blocs de rochers qui se dressent au milieu du Wanganui, à 18 milles de sa source, près de Waitatora.

Du côté du midi, où se trouvent le Ruapahu et le Tongarirò, le lac est exposé à de terribles coups de vent; aussi les grossiers canots des indigènes y courent de grands dangers, plus même que sur la pleine mer. Les naturels n'entreprennent de traversées un peu longues que quand ils comptent avec certitude sur le beau temps. Malgré leurs précautions, les malheurs ne sont pas rares; chaque riverain de l'élément perfide peut dire comment en maintes occasions il n'a échappé qu'avec une peine extrême à Horotamangi, le mauvais esprit, toujours affamé de victimes, et qui, d'après la tradition, hante ces lieux et déchaîne les tempêtes. Les indigènes dépeignent ce génie malfaisant comme un vieillard aux traits de feu; c'est ainsi qu'il leur est plusieurs fois apparu. Sa résidence est une caverne de l'île Motutaiko, au milieu du lac. C'est de là qu'il guette les pirogues, et fond sur elles dès qu'il les aperçoit; il soulève les

eaux, qui sont projetées à de grandes hauteurs comme une source jaillissante; il lance en même temps de grosses pierres, qui retombent sur les canots et les font submerger; il engloutit tout ce qu'il peut atteindre, et exerce son pouvoir destructeur même pendant les journées les plus sereines. Les naturels désignent un endroit, situé au centre du lac, comme particulièrement dangereux, et ils évitent avec le plus grand soin de s'avancer trop près du mauvais esprit qui y fait son séjour. Quand partout ailleurs la surface du lac est unie comme une glace, l'eau bouillonne à cette place. Pendant la tempête, on y aperçoit de grandes taches d'écume blanche. Les canots qui viendraient à passer par là seraient inévitablement entraînés. La cause véritable de ces phénomènes est encore in

connue.

Les nombreux villages disséminés autour du lac renferment une population d'environ 2,000 âmes. Les habitations sont presque toutes groupées à l'embouchure des différentes rivières qui se jettent dans le lac, et dont les alluvions forment un sol fertile, très propre à la culture. Le delta du Waikato est particulièrement un véritable grenier d'abondance, et contraste avec les cultures voisines des terrains formés de pierres ponces, qui ne donnent que de misérables récoltes.

Entre le lac Taupo et la baie d'Abondance, sur la côte orientale, s'étend le district des lacs, célèbre par ses sources thermales. Sur plus de mille points, des vapeurs jaillissent de la terre; ces phénomènes prennent différentes formes; tantôt ce sont des sources chaudes intermittentes, analogues aux Geysers d'Islande, et que les indigènes nomment puias, tantôt des fumerolles, des volcans de boue ou des solfatares. Les plus renommées de ces sources sont celles d'Orakeikorako, dont le bassin s'étend le long des deux rives du Waikato, sur un espace d'un mille environ. Le site offre un spectacle saisissant. Formant rapides sur rapides, le fleuve se précipite d'un cours impétueux dans une vallée profonde, encaissée par des montagnes à pic; ses eaux entourent de flots d'écume deux petites iles et tourbillonnent avec un sourd mugissement. Sur les bords, on voit s'élever de blancs nuages de vapeur au-dessus des bassins d'eau bouillante et des cascades qui se jettent dans le Waikato. Des sources intermittentes complètent cet ensemble, et jaillissent les unes après les autres, comme dans ces chefs-d'œuvre hydrauliques que l'on admire à Versailles et à Saint-Cloud; mais là, ce n'est point un jeu éphémère et coûteux, l'amusement d'un jour de fête; c'est le perpétuel et inépuisable jaillissement de la nature.

Il ne faut s'approcher qu'avec une prudence extrême de ces fontaines intermittentes, qui sortent de leur repos au moment où l'on

s'y attend le moins. Les compagnons de M. Hochstetter en firent l'épreuve un jour qu'ils se préparaient à prendre un bain dans le fleuve; ils avaient déposé leurs vêtements sur le bord d'un bassin, quand tout à coup de violentes détonations se firent entendre, l'eau s'agita, la fontaine jaillit avec force, et à peine eurent-ils le temps de se jeter en arrière pour éviter une douche d'eau bouillante. Les volcans de boue, disséminés sur les deux rives du Waikato, près des sources thermales, sont plus perfides encore, car le sol amolli cède au moindre poids. Il en est qui atteignent jusqu'à 6 à 8 pieds de large, autant de profondeur et 14 de long. Des bulles visqueuses, s'élevant de la vase, colorée par l'oxyde de fer, éclatent et retombent en répandant une odeur fétide. Malheur à qui fait un faux pas; il est aussitôt englouti dans ce gouffre de boue brûlante. De semblables accidents ne sont pas rares.

A peu de distance de là se trouve le petit lac Rotomahana, qui reçoit les eaux d'un grand nombre de sources chaudes, et qui, par suite, a pris le nom de lac thermal. Sa forme est très irrégulière; du côté du sud, il est entouré de marécages au milieu desquels on remarque çà et là des volcans de boue. Son eau verdâtre et trouble ne contient ni poissons ni coquillages, mais, par contre, le lac est le séjour favori d'innombrables oiseaux aquatiques. Des canards de différentes sortes, des poules d'eau, le pukeko, et le joli pêcheur d'huîtres, torea, animent sa surface. Le Rotomahana est redevable de sa célébrité aux magnifiques sources du Te Tarata, situées à 80 pieds au-dessus du lac, sur la pente d'une colline couverte de fougères, et qui sont la plus étonnante merveille de cette contrée si riche en phénomènes curieux. Le bassin principal a 80 pieds de long, 60 de large; ses parois sont formées d'une argile rougeâtre et incrustées, dans leur partie inférieure, de stalactites blanches comme la neige. Il est rempli d'une eau parfaitement claire et limpide, dont la teinte bleu d'azur se reflète dans les nuages de vapeur qui tournoient au-dessus et arrêtent les regards; mais on peut toujours distinguer le bruit sourd du bouillonnement intérieur. On dit que parfois cette énorme masse liquide est lancée dans les airs avec une force prodigieuse, et qu'alors les yeux peuvent plonger jusqu'à une profondeur de trente pieds dans le bassin vide; mais il ne tarde pas à se remplir de nouveau. Comme dans les Geysers d'Islande, les eaux déposent des stalactites siliceuses, et la source, en se répan— dant sur la colline, a formé un amphithéâtre qui semble taillé dans le marbre blanc le plus pur, et dépasse tout ce que l'imagination peut concevoir. On dirait une large cascade soudainement pétrifiée par un pouvoir magique. Le pied de la colline s'avance assez loin dans le lac; au-dessus s'étagent les terrasses d'inégale hauteur ;

chacune des marches de ce vaste escalier porte un petit bord en saillie, d'où pendent, sur le gradin inférieur, de gracieuses stalactites, et une plate-forme, plus ou moins large, qui enferme des bassins remplis d'eau d'un bleu magnifique. Ce sont autant de baignoires naturelles, élégantes et commodes, parmi lesquelles on n'a qu'à choisir ; le nageur en trouve de grandes et profondes, qui lui permettent de se livrer à son exercice favori; pour les timides, la nature a disposé des réservoirs plus petits. La température de ces bains est très variée, l'eau étant plus ou moins chaude, selon son rapprochement ou sa distance du bassin principal. Au milieu de la dernière plate-forme s'élève un rocher couvert de mousses et de fougères, que l'on peut gravir sans danger, et d'où l'on domine le cratère d'eau thermale. Sur le côté méridional de la colline, les eaux se répandent en assez grande quantité pour former un ruisseau, qui bondit sur les gradins en dégageant des nuages de vapeur. Le blanc pur des stalactites, au milieu desquelles, semblables à des joyaux épars, se trouvent enchâssés les bassins d'eau bleue transparente, les parois rouges du cratère, la verdure des buissons et des tapis de mousse, les nuages de vapeur qui montent dans les airs, tout contribue à former un tableau qui ne s'efface jamais de la mémoire du spectateur.

La flore de la Nouvelle-Zélande n'est pas moins curieuse à étudier que ses phénomènes volcaniques; mais, ce qui frappe d'abord, ce sont deux particularités de sa végétation : l'abondance des fougères et l'absence de prairies et de fleurs. Les plaines, vues de loin, à côté des immenses forêts qui s'étendent sur les montagnes et les vallées, paraissent couvertes de gazon; mais ce sont, en réalité, des landes de fougères. Où l'on s'attendait à trouver des herbes et des fleurs variées, on ne rencontre que des buissons uniformes à floraison invisible. La fougère, dont la racine composait autrefois la principale nourriture des indigènes, se rencontre partout; elle forme des fourrés épais, au milieu desquels on a peine à se frayer un passage, et sur les chemins mêmes, ses tiges ligneuses embarrassent d'une manière très désagréable les pieds du voyageur. Çà et là, s'élève solitairement le chou palmiste, et, cachée dans les buissons, fleurit la jolie rimuroa bleue, la seule campanule de ce pays, et la tupapa, analogue à notre chrysanthème.

On comptait, il y a quelques années, 1,900 espèces végétales, qui ont été classées par Hooker dans sa Flore de la Nouvelle-Zélande. Cook, le premier, signala les richesses botaniques des deux îles; plus tard, Duperré, Dumont d'Urville, secondés par le professeur Richard, avaient fait connaître environ 200 espèces nouvelles. Dans ces dernières années, des excursions scientifiques, parties de Nelson, se sont avancées jusque dans les Alpes; mais il s'en faut de beau

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