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installation, le Corps législatif eut à prononcer sur le concordat de l'an IX, et un peu plus tard sur les articles organiques du 18 germinal an X. On entrait dans la voie des concordats, la seule qui réponde en même temps aux devoirs de l'Etat et aux besoins de la religion, la seule qui puisse assurer l'harmonie des deux puissances sans porter atteinte à leur liberté et à leur dignité respective. Le concordat de 1801, complété par les articles organiques, remplit toutes ces conditions. Le concordat proprement dit rétablit pour les évêques l'institution canonique du pape et le choix du chef de l'Etat. Il donne aux évêques la nomination des curés, sauf l'approbation du chef du gouvernement. Il fait de la circonscription des diocèses l'œuvre collective du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, le résultat de leur bon accord. Les articles organiques soumettent les réunions du clergé et la promulgation des bulles pontificales à l'autorisation préalable du gouvernement. Ils soumettent les nonces et envoyés apostoliques à la formalité salutaire de l'exequatur. Ils rétablissent l'appel comme d'abus contre toute usurpation ou excès de pouvoirs, contre toute contravention aux lois et règlements de l'Etat, contre toute atteinte aux libertés de l'Eglise gallicane, contre les abus même du pouvoir spirituel dans le refus des sacrements de l'Eglise.

En même temps, le culte protestant était organisé par une autre loi également datée du 18 germinal an X. Le grand Sanhedrin était réuni, et ses décisions doctrinales donnaient lieu à l'organisation du culte israélite. Culte protestant et culte israélite, quoique traités avec moins de libéralité que la religion de la grande majorité des citoyens français (c'étaient les expressions dont se servait le préambule du concordat de 1801), étaient reconnus cependant comme des institutions publiques et prenaient leur place dans la société nouvelle; ils lui apportaient leur concours et leur appui, en gardant leurs dogmes et leur liberté intérieure.

Le temps, malgré quelques instants d'arrêt et quelques tentatives de retour, telles que le concordat avorté de 1817 et la loi du sacrilége, n'a fait que développer et féconder ces institutions bienfaisantes. C'est grâce à elles que, dans l'ordre moral comme dans l'ordre civil et politique, nous formons ce peuple de frères, cette grande nation vivifiée par une seule âme, échauffée par un seul cœur, dominée par une seule pensée, et qui non contente de posséder dans son sein ce doux foyer de fraternité humaine, voudrait l'étendre à tout l'univers.

AD. FRANCK,

de l'Institut.

(La 3e partie à la prochaine livraison.)

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l'Asie et l'Océanie, par le comte Henri RUSSEL-KILLOUGH. 1861.

Dans cette multitude d'îles dont se compose la Polynésie, il n'est guère de pays qui, à raison de son rapide passage de l'état barbare à l'état civilisé, et des luttes suscitées par cette transformation entre les races indigènes et immigrantes, offre un sujet d'études plus intéressant que la Nouvelle-Zélande. Cette colonie anglaise présente plus d'une analogie avec sa métropole : composée de deux grandes iles et de plusieurs petites, elle se relie au continent australien de la même manière que la Grande-Bretagne se rattache à l'Europe, grâce à la vapeur qui abrége les distances. La Nouvelle-Zélande est parfaitement appropriée à la race anglo-saxonne; le sol fertile, arrosé par de nombreuses rivières, convient à l'agriculture et à l'élève des bestiaux, et enfin un vaste développement de côtes répond aux goûts maritimes du peuple le plus navigateur de la terre; aussi a-t-on surnommé assez heureusement ce groupe d'îles la GrandeBretagne du Sud. Tel est le théâtre et l'enjeu de la lutte que l'Angleterre soutient aujourd'hui contre les indigènes. Ceux-ci, peuple brave et énergique, se voyant chaque jour dépérir, ont pris les

armes contre les immigrants, qui ont pour eux toutes les forces de la civilisation, et dont, par cela même, le triomphe n'est pas douteux.

Ce curieux pays, sur lequel tant de volumes avaient déjà été publiés, vient d'être le sujet d'un travail remarquable, dans lequel l'auteur, M. Ferdinand de Hochstetter a décrit de la manière la plus intéressante les phénomènes naturels, en même temps qu'il raconte avec un grand charme l'histoire des indigènes. Membre de l'expédition scientifique de la frégate autrichienne la Novara, le savant géologue s'est séparé de ses collègues à Auckland, afin de s'acquitter d'une importante mission dont le gouvernement colonial l'avait chargé. Ses excursions dans les deux îles, pendant un séjour de neuf mois, l'ont mis à même non-seulement de visiter les régions les moins explorées de ce pays remarquable, mais encore d'en connaître les mœurs, les usages et les traditions, grâce à ses rapports journaliers avec les indigènes. M. F. de Hochstetter a dernièrement fait paraître la relation de son voyage; ce magnifique volume illustré, œuvre la plus complète qui ait été publiée sur la Nouvelle-Zélande, nous servira de guide pour cette étude.

I

A 178 degrés de longitude occidentale se trouve, au milieu de l'océan Pacifique, entre l'Australie et l'Amérique, la terre à laquelle les Hollandais ont donné, au XVIIe siècle, le nom de NouvelleZélande. Ce pays, habité tardivement et seulement le long des côtes ou de quelques fleuves navigables, a conservé jusqu'à nos jours les traits caractéristiques et grandioses que le Créateur lui avait imprimés. En parcourant ces vastes déserts, le voyageur ne rencontre aucun souvenir de l'homme; ni monuments, ni colonnes brisées, ni villes en ruines ne racontent l'histoire des races disparues ; mais la nature, avec ses forces immenses, a gravé sur le sol, en caractères ineffaçables, les luttes des éléments. Au sud, les sauvages montagnes couvertes de glaciers; au nord, les cônes volcaniques qui s'élèvent jusqu'à la région des neiges éternelles, frappent à une grande distance les regards du navigateur. Les terres d'alluvion, fertiles et richement arrosées, promettent au colon qui se crée sur le sol vierge une nouvelle patrie, la récompense assurée de son travail.

Deux bras de mer, le détroit de Cook et celui de Foveaux, sé–

parent la Nouvelle-Zélande en trois parties, deux grandes îles que l'on nomme l'Ile-du-Nord, ou Te Ika maui, et l'Ile-du-Sud (MiddleIsland des Anglais), ou Tawaï Pounamou, et une troisième petite, appelée l'île Stewart. Ce pays doit son caractère principal à la chaîne de montagnes qui s'étend dans toute la longueur des deux îles. Sur cette robuste charpente, s'appuie une région de collines et de plateaux, semée d'un grand nombre de cônes volcaniques, traversée par des cours d'eau dans toutes les directions, et bornée par de vastes plaines. C'est dans l'Ile-du-Sud que ces montagnes atteignent leur développement le plus grandiose; aussi leur a-t-on donné le nom d'Alpes méridionales. De hautes chaînes escarpées, aux profondes dentelures, courent parallèlement depuis le détroit de Foveaux jusqu'à celui de Cook; elles sont reliées entre elles par des contreforts, et séparées par des vallées où coulent des rivières profondément encaissées. Au milieu, les sommets du mont Cook, éclatants de neiges et de glaces, s'élèvent jusqu'à 13,000 pieds audessus du niveau de la mer, presque à la hauteur du mont Blanc. Des torrents impétueux, de magnifiques lacs, de pittoresques chutes d'eau, d'étroits défilés et de sombres gorges donnent une âpre et sublime beauté à ce pays rarement foulé par les pieds de l'homme, et dont la grandeur sauvage n'a guère de rivale dans le monde. C'est pendant ces dix dernières années seulement, depuis la fondation de Lyttleton et de Christchurch au milieu des fertiles plaines qui s'étendent à l'est des Alpes, que l'on a cherché à pénétrer dans les régions inconnues. Quelques squatters ont établi leur demeure et mené leurs troupeaux dans les grands pâturages des montagnes les plus rapprochées, et, tout récemment, de courageux explorateurs, stimulés par l'amour de la science, sont parvenus jusqu'aux sommets les plus élevés et les plus inaccessibles.

L'lle-du-Nord est riche en phénomènes volcaniques de toutes. sortes; le haut plateau qui se trouve à l'ouest de la chaîne de montagnes est ouvert en plus de cent endroits par l'action du feu souterrain. De hauts cônes en trachite, d'autres plus petits en basalte et de formation récente, d'innombrables sources thermales, qui lancent à de grandes hauteurs des masses d'eau bouillante, des fumerolles, des volcans et des solfatares offrent au géologue un riche sujet d'études, et au voyageur les scènes de la nature les plus imposantes. Le principal foyer de ces phénomènes se trouve au milieu de l'île, près du lac Taupo. C'est là que, sur un plateau stérile, s'élèvent deux volcans gigantesques, le Tongariro, avec ses vastes cratères vomissant une épaisse vapeur; le Ruapahu, couvert de neiges éternelles et qui paraît complétement éteint. Sur ces montagnes, se trouvent les sources des deux principaux fleuves de l'île

2e s.- TOME XXXIX.

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septentrionale, le Waikato, qui coule vers le nord, et le Wanganui, qui verse ses eaux dans le détroit de Cook.

Ces bouleversements du sol, ces luttes de l'eau et du feu ont suggéré à l'auteur des Rambles at the Antipodes une comparaison originale. Il appelle la Nouvelle-Zélande « un petit enfant, né du feu, criant et s'agitant dans les bras de sa mère. » Le pays, selon M. Hochstetter, est d'origine beaucoup moins récente. Il fait remonter sa formation jusqu'aux périodes les plus reculées de l'histoire géologique. Suivant le savant auteur, à l'époque où l'Australie, l'un des plus anciens continents de la terre, émergea des profondeurs de l'Océan, quelques parties de l'archipel zélandais s'élevèrent aussi à la surface des eaux. Mais, pendant que le sol australien s'affermissait, se couvrait de plantes et d'animaux, et n'était plus agité par aucune secousse, la Nouvelle-Zélande, au contraire, devenait le théâtre de révolutions formidables, qui, changeant successivement la face du pays, ont fini par lui donner sa forme actuelle, si accidentée, si pittoresque.

Parmi les sites remarquables de la Nouvelle-Zélande, le lac Taupo est un des plus curieux. C'est une véritable mer intérieure, longue de 25 milles (40 kilomètres), large de 20 (32 kilomètres), et dont la profondeur est telle qu'on n'a pu encore la sonder. Le lit en est creusé sur un plateau élevé, que dominent de nombreux cônes volcaniques. La rive occidentale est formée de rochers à pic qui, sur un cap très avancé, atteignent à une hauteur de 1,000 pieds. Presque partout unie, la rive orientale forme une vaste plage sablonneuse, sur laquelle' un chemin contourne le lac. A une certaine distance, des rochers de pierre ponce, d'une blancheur éclatante, s'élèvent par terrasses superposées jusqu'aux pieds d'une haute montagne. Derrière les chaînes couvertes de forêts du premier plan, on aperçoit des sommets en pyramides qui forment un contraste pittoresque avec les cônes volcaniques si réguliers qui se trouvent au midi. A l'extrémité septentrionale, le Waikato, déjà considérable, sort du lac Taupo, non loin du beau cône de Tauhara.

Mais le tableau que présentent les rives méridionales est de beaucoup le plus admirable: elles sont bornées par une rangée de petits volcans, derrière lesquels le Ruapahu et le Tongariro, semblables à des géants, dominent les monts bien inférieurs que les naturels dêsignent comme leurs femmes et leurs enfants, et dont le plus élevé et le plus oriental porte le nom de Pihanga. Son sommet, déchiré par une anfractuosité profonde, dessine nettement un cratère, qui passe pour être éteint. Le Tongariro se trouve à 12 milles anglais environ du lac Taupo ; ce n'est pas une montagne isolée : il se compose d'un groupe de cônes volcaniques, dont une partie est encore

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