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C'est la liaison des idées qui fait tout la netteté de nos pensées.

Elle fait done aussi tout la netteté des discours.

que rien ne lui a échappé. Le caractère de l'esprit juste, c'est d'éviter l'erreur, en évitant de porter des jugemens; il sait quand il faut juger; l'esprit faux l'ignore et juge toujours.

Quoique plusieurs idées se présentent en même temps à vous, lorsque vous jugez, que vous raisonnez, et que vous faites un systême; vous remarquerez qu'elles s'arrangent dans un certain ordre. Il y a une subordination qui les lie les unes aux autres. Or plus cette liaison est grande, plus elle est sensible, plus aussi vous concevez avec netteté et avec étendue. Détruisez cet ordre, la lumière se dissipe, vous n'appercevez plus que quelques foibles lueurs.

Puisque cette liaison vous est si nécessaire pour concevoir vos propres idées, vous comprenez combien il est nécessaire de la conserver dans le discours. Le langage doit donc exprimer sensiblement cet ordre, cette subordination, cette liaison. Par conséquent le principe que vous devez vous faire en écrivant, est de vous conformer toujours à la plus grande liaison des idées les différentes applications que

nous ferons de ce principe, vous appren dront tout le secret de l'art d'écrire.

le caractère.

Je puis même déjà vous faire entrevoir Elle en fait même comment ce principe donnera au style différens caractères. Si nous réfléchissons sur nous-mêmes, nous remarquerons que nos idées se présentent dans un ordre qui change suivant les sentimens dont nous sommes affectés. Telle dans une occasion nous frappe vivement, qui se fait à peine appercevoir dans une autre. De-là naissent autant de manières de concevoir une même chose, que nous éprouvons successivement d'espèces de passions. Vous comprenez donc que, si nous conservons cet ordre dans le discours, nous communiquerons nos sentimens en communiquant nos idées.

Je ne sais si le principe que j'établis pour l'art d'écrire, souffre des exceptions; mais je n'ai pu encore en découvrir.

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Subordination

des mots dans le discours.

CHAPITRE I I.

Comment dans une proposition, tous les mots sont subordonnés à un seul.

DANS cette phrase, un prince éclairé

est persuadé que tous les hommes sont égaux, et qu'il ne se met au-dessus d'eux, qu'en donnant l'exemple des vertus: éclairé est subordonné à prince ; est persuadé, à prince éclairé; que tous les hommes sont égaux, et qu'il ne se met au-dessus d'eux, à persuadé; et qu'en leur donnant l'exemple des vertus, à ne se met au-dessus d'eux.

Le propre des mots subordonnés est de modifier les autres, soit en les déterminant, soit en les expliquant. Eclairé modifie prince, parce qu'il le détermine à une classe moins générale; et tout le reste de la phrase modifie prince éclairé, parce qu'il explique l'idée qu'on s'en fait. Vous

remarquerez aussi, que tous les mots des propositions particulières sont subordonnés. les uns aux autres, dans le même ordre, dans lequel ils sont ici placés.

Ces rapports de subordination se recon- A quoi se recon.

neissent les rapports de subordi.

noissent à différens signes: au genre et au nation.
nombre, prince éclairé, princesses éclai-
rées; à la place que les mots occupent
comme vous le voyez dans tout le tissu de
cette phrase; aux conjonctions, vous en
avez deux dans cet exemple, que, et; aux
prépositions, il y en a aussi deux, de et à.

que

mier terme d une

Le nom est proprement le premier terme Le nom est le prede la proposition, puisque c'est à lui proposition. tous les autres se rapportent. Lorsque je dis, courageux soldat, on voit bien qu'au moment où je prononce courageux, je pense à un nom que j'ai dessein de modi- . fier. Soldat, quoique énoncé le second, est donc le premier dans l'ordre des idées, et courageux est un mot subordonné.

De-là naissent deux sortes de construc- Construction di.

tions: l'une qui suit la subordination des

mots, et que nous avons nommée construction directe; l'autre qui s'en écarte, et que nous avons nommée construction

recte et construc. tion renversée, ou inversion.

L'inversion est vicieuse pour peu qu'elle le

renversée ou inversion. Soldat courageux est une construction directe, et courageux soldat est une inversion.

Il ne faut jamais faire d'inversion lorsrapport des mots que le rapport des mots doit être marqué par la place qu'ils occupent. J'aurois à rendre compte de mille autres secrets, voilà une construction directe: on peut la renverser, et dire, de mille autres secrets j'aurois à rendre compte, parce que le rapport de compte à mille autres secrets, est suffisamment marqué par la préposition de: mais le rapport de compte à rendre, ne doit être marqué que par la place; et par conséquent ce seroit mal de dire de mille autres secrets j'aurois compte à vous rendre. On dira,j'aurois des comptes à rendre, ou j'aurois à rendre des comptes, et ces deux constructions sont même directes; car on dit également j'ai des comptes, je rends des comptes : mais on ne dit pas j'ai compte, comme on dit je rends compte.

Quelquefois une construction directe commence par un mot subordonné; c'est qu'alors le nom est sous-entendu. Des

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