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47. FACTION. PARTI.

* Ces deux termes supposent également l'union de plusieurs personnes, et leur opposition à quelques vues différentes des leurs : c'est en cela qu'ils sont synonymes. Mais faction annonce de l'activité et une machination secrète, contraire aux vues de ceux qui n'en sont point. Parti n'exprime qu'un partage dans les opinions. (B.)

Le terme de parti par lui-même n'a rien nême d'odieux celui de faction l'est toujours.

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Un grand homme et un médiocre peuvent avoir aisément un parti à la Cour, dans l'armée, à la ville, dans la littérature; on peut avoir un parti par son mérite, par la chaleur et le nombre de ses amis, sans être chef de parti: le maréchal de Catinat, peu considéré à la Cour, s'étoit fait un grand parti dans l'armée sans y prétendre.

Henri

Un chef de parti est toujours un chef de faction tels ont été le cardinal de Retz, : duc de Guise, et tant d'autres.

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Un parti séditieux, quand il est encore foible, quand il ne partage pas tout l'Etat, n'est qu'une faction. La faction de César devint bientôt un parti dominant, qui engloutit la république. Quand l'empereur Charles VI disputoit l'Espagne à Philippe V, il avoit un parti dans ce royaume, et enfin il n'y eut plus qu'une faction; cependant on peut dire toujours, le parti de Charles VI. Il n'en est pas ainsi des hommes privés. Descartes eut long-temps un parti en France; on ne peut pas dire qu'il eut une faction. (Encycl. VI, 360. )

C'est que les Espagnols qui restoient attachés aux intérêts de Charles VI, le faisoient ou paroissoient le faire en conséquence de l'opinion qu'ils avoient des droits de ce prince; et qu'ils ne machinoient pas secrétement, mais qu'ils agissoient ouvertement contre son concurrent. C'est précisé

ment la raison pourquoi les amis de César ne formèrent d'abord qu'une faction, parce qu'ils étoient obligés de cacher leurs menées aux yeux du gouvernement: dès qu'ils furent suffisamment en force, le secret devint inutile et impossible, ils formèrent un parti. Descartes n'eut jamais de faction, parce qu'il ne fallut jamais recourir à des voies obliques ou ténébreuses pour être Cartésien; cela ne tient qu'à la diversité des opinions. Mais s'il s'agit d'opinions théologiques, le parti le moins favorisé et le moins fondé peut aisément devenir factieux, et le devient presque toujours; le désir et le besoin de faire des prosélytes, conduit à la faction. (B.) `;

48. EN VIE.

JALOUSIE.

* Voici les nuances par lesquelles ces mots diffèrent.

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1.o On est jaloux de ce qu'on possède, et envieux de ce que possèdent les autres: c'est ainsi qu'un amant est jaloux de sa maîtresse; un prince, jaloux de son autorité. (Encycl. V, 758.) 1

*La jalousie est donc en quelque manière juste et raisonnable, puisqu'elle ne tend qu'à conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous appartenir; au lieu que l'envie est une fureur qui ne peut souffrir le bien des autres. (La Ro chefoucault.)

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* La jalousie ne règne pas seulement entre des particuliers, mais entre des nations entières, chez lesquelles elle éclate quelquefois avec la violence la plus funeste; elle tient à la rivalité de la position du commerce, des arts, des talents et de la religion. (Encycl. VIII, 459.)oad an

L'homme qui dit qu'il n'est pas né heureux, pourroit du moins le devenir par le bonheur de ses amis ou de ses proches: l'envie lui ôte cette dernière ressource, (La Bruyère, Caract. ch. xj.)

2.° Quand ces deux mots sont relatifs à ce que possèdent les autres, envieux dit plus que jaloux. Le premier marque une disposition habituelle et de caractère; l'autre peut désigner un sentiment passager: le premier désigne aussi un sentiment actuel plus fort que le second. On peut être quelquefois jaloux, sans être naturellement envieux la jalousie, sur-tout au premier mouvement, est un sentiment dont on a quelquefois peine à se défendre; l'envie est un sentiment bas, qui ronge et tourmente celui qui en est pénétré, (Encycl. V, 738. )

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*La jalousie est l'effet du sentiment de nos désavantages comparés au bien de quelqu'un quand il se joint à cette jalousie, de la haine et une volonté de vengeance dissimulée par foiblesse, c'est envie. (Connoiss. de l'esprit hum. pag. 85.)

* Toute jalousie n'est point exempte de quelque sorte d'envie, et souvent même ces deux passions se confondent. L'envie au contraire est quelquefois séparée de la jalousie, comme est celle qu'excitent dans notre ame les conditions fort élevées au dessus de la nôtre, les grandes fortunes, la faveur, le ministère.

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L'envie et la haine s'unissent toujours et se fortifient l'une l'autre dans un même sujet ; et elles ne sont reconnoissables entre elles, qu'en ce que l'une s'attache à la personne, l'autre à l'état et à la condition.

Un homme d'esprit n'est point jaloux d'un ouvrier qui a travaillé une bonne épée, ou d'un statuaire qui vient d'achever une belle figure: il sait qu'il y a, dans ces arts, des règles et une méthode qu'on ne devine point: qu'il y a des outils à manier, dont il ne connoît ni l'usage, ni le nom, ni la figure; et il lui suffit de penser qu'il n'a point fait l'apprentissage d'un certain métier, pour se consoler de n'y être point maître. Il peut

au contraire être susceptible d'envie, et même de jalousie, contre un ministre et contre ceux qui gouvernent; comme si la raison et le bon sens, qui lui sont communs avec eux, étoient les seuls instruments qui servent à régir un Etat, et à présider aux affaires publiques, et qu'ils dussent suppléer aux règles, aux préceptes, à l'expérience. (La Bruyère, Caract. ch. xj.)

49. JALOUSIE. EMULATION. La jalousie et l'émulation s'exercent sur le même objet, qui est le bien ou le mérite des autres ; en voici la différence.

L'émulation est un sentiment volontaire, courageux, sincère; qui rend l'ame féconde, qui la fait profiter des grands exemples, et la porte souvent au-dessus de ce qu'elle admire.

La jalousie, au contraire, est un mouvement violent, et comme un aveu contraint du mérite qui est hors d'elle: elle va même jusques à nier la vertu dans les sujets où elle existe; ou, forcée de la reconnoître, elle lui refuse les éloges ou lui envie les récompenses: passion stérile, qui laisse l'homme dans l'état où elle le trouve; qui le remplit de lui-même, de l'idée de sa réputation ; qui le rend froid et sec sur les actions ou sur les ouvrages d'autrui; qui fait qu'il s'étonne de voir dans le monde d'autres talens que les siens, ou d'autres hommes avec les mêmes talents dont il se pique: vice honteux, qui, par son excès, rentre toujours dans la vanité et dans la présomption: et qui ne persuade pas tant, à celui qui en est blessé, qu'il a plus d'esprit et de mérite que les autres, qu'il lui fait croire qu'il a lui seul de l'esprit et du mérite (a).

(a) Tout ceci n'étoit qu'une période dans l'original; j'ai osé en faire plusieurs, afin de rendre la distinction plus claire, et de mieux adapter ce morceau aux autres articles rassemblés ici. (B.)

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L'émulation et la jalousie ne se rencontrent guère que dans les personnes de même art, de mêmes talents et de même condition. Les plus vils artisans sont les plus sujets à la jalousie. Ceux qui font profession des arts libéraux ou des belles-lettres les peintres, les musiciens, les orateurs, les poëtes, tous ceux qui se mêlent d'écrire ne devroient être capables que d'émulation. ( La Bruyère, Caract. ch. ix. )

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* Au fond, la basse jalousie n'a rien de commun avec l'émulation si nécessaire aux talents: la première en est le poison, celle-ci en est l'aliment ; et elle est également glorieuse à ceux qui en sont animés, et à ceux qui en sont l'objet. (M. Bergier, Disc. qui a remporté le prix d'Eloquence à Besançon, en 1763, Part. II, pag. 23.)

50. ENVIER. PORTER ENVIE.

C'est également désirer avec une sorte de chagrin ce qui est en la possession d'un autre ; mais ces deux expressions donnent à cette passion des tournures différentes; on envie les choses, et l'on porte envie aux personnes.

Voiture, dans une de ses lettres à M. Costar, s'exprime de cette sorte: « Moi qui, en toute >> autre occasion, me réjouis de vos avantages » plus que des miens propres, et qui ne vous » envie pas votre esprit, votre science, ni votre » réputation, je vous porte envie d'avoir été huit » jours avec M. de Balzac. » ( Bouhoars, Rem. nouv. Tome I.)

51. DISPUTE. ALTERCATION. CONTESTATION. DÉBAT.

Dispute se dit ordinairement d'une conversation entre deux personnes qui diffèrent d'avis sur une même matière ; et elle se nomme altercation, lorsqu'il s'y méle de l'aigreur. Contestation se dit

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