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feront que l'y plonger plus avant. L'homme qui a des foiblesses, sortira d'un état qui lui est étranger ; il peut même s'en relever avec éclat. Turenne, n'étant plus jeune, eut la foiblesse d'aimer madame de C***; il eut la foiblesse plus grande de lui révéler le secret de l'Etat : Il répara la première, en cessant d'en voir l'objet; il répara la seconde en l'avouant. Un homme foible auroit fait les mêmes fautes, mais jamais il ne les auroit réparées (a). ( Encyclop. VII, 27, 28.)

( a ) J'ai fait quelques changements légers dans certaines phrases, pour adapter le tout au but de cet ouvrage. L'auteur n'étoit que philosophe dans l'Encyclopédie : ici, la philosophie doit se prêter aux vues de précision et de justesse, qui sont l'objet de la comparaison des synony mes. (B.)

35. AME FOIBLE. CŒUR FOIBLE. ESPRIT FOIBLE.

Le foible du cœur n'est point celui de l'esprit; le foible de l'ame n'est point celui du cœur. Une ame foible est sans ressort et sans action; elle se laisse aller à ceux qui la gouvernent. Un cœur foible s'amollit aisément, change facilement d'inclinations, ne résiste point à la séduction, à l'ascendant qu'on veut prendre sur lui, et peut subsister avec un esprit fort; car on peut penser fortement et agir foiblement. L'esprit foible reçoit les impressions sans les combattre, embrasse les opinions sans examen, s'effraie sans cause, tombe naturellement dans la superstition. (Encyclop. VII, 27.) 36. FOIBLE. INCONSTANT. LÉGER.

VOLAGE. INDIFFERENT.

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Une femme foible est celle à qui l'on reproche une faute, qui se la reproche à elle-même, dont le cœur combat la raison, qui veut guérir, qui ne

guérira jamais, ou qui ne guérira que bien tard : une femme inconstante est celle qui n'aime plus ; une légère, celle qui déjà en aime un autre; une volage, celle qui ne sait si elle aime et ce qu'elle aime; une indifférente, celle qui n'aime rien. (La Bruyère, Caract. chap. 3.

Les femmes accusent les hommes d'être volages; et les hommes disent qu'elles sont légères (a); ( Idem, chap. 4.)

(a) Voyez tome I, art. 204. Dans celui-ci, les mots foible et indifférent ne sont synonymes ni entre eux ni avec les trois autres; mais par respect pour l'intégrité du texte, j'ai laissé tout, persuadé qu'il feroit plaisir, et qu'il suftiroit d'y ajouter cette uote. (B.)

37. INDIFFÉRENCE. INSENSIBILITÉ.

* Ces deux termes étant appliqués à l'ame, la peignent également comme n'étant point émue par l'impression des objets extérieurs qui semblent destinés à l'émouvoir. (B.)

* L'indifférence est à l'ame, ce que la tranquillité est au corps; et la léthargie est au corps, ce que l'insensibilité est à l'ame: ces dernières modifications sont l'une et l'autre l'excès des deux premières, et par conséquent également vicieuses.

L'indifférence chasse du cœur les mouvements impétueux, les désirs fantasques, les inclinations aveugles; l'insensibilité en ferme l'entrée à la tendre amitié, à la noble reconnoissance, et à tous. les sentiments les plus justes et les plus légitimes.

L'indifférence détruisant les passions, ou plutôt naissant de leur non-existence, fait que la raison sans rivales exerce plus librement son empire : l'insensibilité, détruisant l'homme lui-même, en fait un être sauvage et isolé, qui a rompu la plupart des liens qui l'attachoient au reste de l'uni

vers.

Par l'indifférence, enfin, l'ame tranquille et

calme ressemble à un lac dont les eaux sans pente sans courant, à l'abri de l'action des vents, et et n'ayant d'elles-mêmes aucun mouvement particulier, ne prennent que celui que la rame du batelier leur imprime : et, rendue léthargique par l'insensibilité, elle est semblable à ces mers glaciales, qu'un froid excessif engourdit jusque dans le fond de leurs abîmes, et dont il a tellement durci la surface, que les impressions de tous les objets qui la frappent, y meurent, sans pouvoir passer plus avant, et même sans y avoir causé le moindre ébranlement ni l'altération la plus légère. L'indifférence fait des sages, et l'insensibilité fait des monstres. (Encyclop. VII, 787.)

28.

SENSIBLE.

TENDRE.

La sensibilité tient plus à la sensation ; la tendresse, au sentiment. Celle-ci a un rapport plus direct aux transports d'une ame qui s'élance vers les objets; elle est active celle-là a une relation plus marquée aux impressions que les objets font sur l'ame; elle est passive. On s'attache un cœur sensible; le cœur tendre s'attache lui-même.

La chaleur du sang nous porte à la tendresse; la délicatesse des organes entre dans la sensibilité. Les jeunes gens seront donc, plus tendres que les vieillards; les vieillards plus sensibles que les jeunes gens; les hommes peut-être plus tendres que les femmes; les femmes plus sensibles que les hommes.

La tendresse est un foible; la sensibilité, une foiblesse (a) la première est un état de l'ame, et la seconde n'en est qu'une disposition. Le cœur tendre éprouve toujours une sorte d'inquiétude analogue à celle de l'amour, lors même qu'il n'aime point un tel objet en particulier; le cœur sensible, quoiqu'ouvert, pour ainsi dire, de tous (a) Voyez art. 33.

les

les côtés à l'amour, est calme et tranquille tant qu'il ne ressent pas les atteintes de cette passion.

La sensibilité nous oblige à veiller autour de nous pour notre intérêt personnel: la tendresse nous engage à agir pour l'intérêt des autres.

L'habitude d'aimer n'éteint point la tendresse ; l'habitude de sentir émousse la sensibilité.

L'homme sensible est souvent d'un commerce fort difficile, il faut toujours ménager sa délicatesse l'homme tendre est d'une humeur assez égale, ou du moins dans une disposition toujours favorable; il veut toujours vous intéresser et vous plaire.

Le cœur sensible ne sera pas méchant, car il ne pourroit frapper autrui sans se blesser lui-même; le cœur tendre est bon, puisque la tendresse est une sensibilité agissante. Je veux bien que le cœur sensible ne soit pas l'ennemi de l'humanité; mais je sens que le cœur tendre en est l'ami.

Le sensible est affecté de tout; il s'agite: le tendre n'est affecté que de son objet ; il y tend. Le cœur sensible est compatissant; le cœur tendre est de plus bienfaisant.

Il est peu d'ames assez dures pour n'être pas sensibles aux malheurs d'autrui; la plupart ne sont pas assez humaines pour en être attendries: on plaint les malheureux, on ne les soulage guère. La sensibilité s'allie donc avec une espèce d'inhumanité et si cela n'étoit pas, détourneroit-on sitôt les yeux de dessus l'infortuné souffrant Iroit-on si vîte en perdre l'idée dans des distractions frivoles ou même agréables ? Vous l'avez vu avec émotion, vous en avez été affecté jusqu'aux larmes: eh! qu'importe ? vous pouviez le secourir, vous ne l'avez pas fait. C'est à cet homme, qui peut-être d'un œil sec, mais avec une ardeur inquiète, vole lui chercher des remèdes à quelque prix que ce soit, revient avec une ardeur impa

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tiente les lui appliquer, et ne cesse de lui donner ses soins que quand ils lui sont inutiles; c'est à cet homme que la nature a donné un cœur, un cœur tendre c'est lui que j'embrasse au nom de l'humanité.

Je ne décide point si la sensibilité est un vice comme le prétendoient les Stoïciens : il est certain au moins que c'est en général une qualité fort équivoqué, et par conséquent qu'elle n'est pas toujours la marque d'un coeur bien fait. Elle répondra, par exemple, aux services qu'on vous rendra, mais elle grossira les offenses que vous recevrez; elle prendra part aux maux d'autrui ; mais elle aggravera le poids des vôtres. Parcourez ainsi les différentes veines, vous y trouverez avec l'or un alliage bien impur. Cependant on lui fait grace, on lui applaudit quelquefois ; pourquoi ? parce qu'elle est voisine de plusieurs bonnes quafités, avec lesquelles elle est souvent unie, et avec lesquelles on la confond presque toujours; parce qu'elle n'offense pas directement la société, et qu'elle est directement opposée à l'un des vices dont la société s'offense le plus.

Le beau défaut, que celui d'être trop tendre ! Avec ce défaut, nous fermerons volontiers les yeux sur les défauts d'autrui ; nous serons attentifs sur nous-mêmes, pour nous corriger des nôtres; nous serons officieux et reconnoissants: nous pardonnerons avec plaisir ; nous ne nous offenserons même pas, dès que nous aimerons les hommes. (M. l'Abbé Roubaud, Merc. de Fr. Oct. II. vol. 1759.)

39. COQUETTERIE. GALANTERIE.

*Chacun de ces deux termes exprime un vice qui a pour base l'appétit machinal d'un sexe pour l'autre. La coquetterie cherche à faire naître des désirs; la galanterie, à satisfaire les siens. (B.)

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