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CHAPITRE VIII.

LE PROFIT.

§ 1. Notion et raison du profit

Le profit est la rémunération du travail du chef d'industrie.

Cette rémunération est incertaine, variable, alcatoire; car il paye des sommes fixes pour la rente, le salaire et l'intérêt, et il ignore ce que lui rapportera la vente de ses produits.

Au bout de l'an, il fait le calcul de tout ce que son industrie lui a coûté, et il déduit ce total de tout ce qu'elle lui a rapporté. La différence est son profit.

Le profit est donc l'excédent du prix obtenu des produits de l'entreprise, sur les frais de toute espèce qui ont été faits pour les créer.

Dans le profit il y a deux éléments. Le premier rému nère l'habileté et le zèle de l'entrepreneur. Il est d'autant plus grand dans une industrie, que celle-ci exige plus de connaissances, plus de préparation c qu'elle est moins attrayante. Dans chaque industric il varie beaucoup d'après les qualités de chaque entre

preneur; c'est de ces qualités que dépend principalement le succès; où l'un se ruine, l'autre s'enrichit.

Le second élément est le risque. Le cultivateur enscmence un champ : que vaudra la récolte? Peut-être serat-elle anéantie par la grêle. Les risques moyens doivent être couverts par une prime d'assurance augmentant le profit; plus une entreprise est chanceuse, plus le profit doit y être grand.

Dans les différentes industries, les profits tendront à se niveler, parce que les gens entreprenants, munis de nouveaux capitaux, s'engagent dans celles qui rapportent des profits exceptionnels; mais ce nivellement ne s'opère jamais exactement, parce que les fluctuations de l'industrie et du commerce font sans cesse varier le taux des profits.

§ 2. Le taux des profits est-il en raison inverse
du taux des salaires?

Considérant la richesse produite comme une quantité fixe, Ricardo et son école en ont déduit que les profits ne peuvent augmenter qu'aux dépens des salaires.

Si un entrepreneur peut exceptionnellement réduire les salaires, il est certain que, ses frais diminuant, son profit augmentera. Mais ses concurrents obtiendront bientôt les mêmes avantages, et, les frais de production diminuant, les prix de vente baisseront, et le profit

sera le même.

Ce qui est plutôt vrai, c'est que le profit étant aussi la rémunération d'un travail, il baissera ou augmen

tera en même temps que le salaire. Celui qui gagne gros peut et doit bien payer ses ouvriers.

Aux États-Unis, le profit et le salaire sont élevés. Dans les États de l'Europe occidentale, ils le sont tous deux beaucoup moins.

§ 3. Le profit tend à diminuer.

Plus le travail est productif, mieux le grand produit qu'il crée peut rémunérer à la fois le maître et les ouvriers.

Dans les pays neufs, où les sources de richesse sont nombreuses et peu exploitées, maîtres et ouvriers peuvent gagner beaucoup.

Dans un vieux pays, où tout est déjà exploité, il faut un travail persistant pour gagner de quoi vivre, et une habileté ou une chance exceptionnelles pour faire fortune.

Donc le profit tend à diminuer à mesure que se restreint le champ d'emploi relativement au nombre de ceux qui cherchent à employer leurs facultés et leurs capitaux.

La baisse des profits est arrêtée par tout perfectionnement des procédés du travail qui lui permet de produire ou davantage, ou à moindre frais.

Les chemins de fer, par exemple, ont offert à beaucoup de gens l'occasion de s'enrichir.

On voit ainsi tout l'avantage que la science apporte aux maîtres et aux ouvriers.

CHAPITRE IX.

LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL.

§ 1. Ce qu'est l'intérêt.

Le concours que le troisième facteur, le capital, apporte à la production doit être rémunéré à son tour. La rémunération qu'il reçoit s'appelle l'intérêt.

Pour les capitaux fongibles et circulants que l'emprunteur consomme, l'intérêt se calcule ordinairement en pour-cent par année: ainsi cinq francs pour un prêt de cent francs pendant un an. Pour les capitaux fixes que l'emprunteur doit restituer tels qu'ils sont, la rémunération est en rapport avec le service rendu et la dépréciation probable.

Dans l'intérêt que l'on paye pour jouir d'un capital, on peut distinguer deux éléments : le premier est une prime d'assurance, qui doit couvrir les chances de perte du capital prêté; le second est simplement le loyer du capital.

Dans un pays où il y a de mauvaises lois et de mau vais juges, celui qui prête un capital risque de ne jamais le recouvrer. Il stipulera donc une prime de tant pour cent, qui, en moyenne, le couvrira de ce risque.

C'est pour ce motif que le taux de l'intérêt est toujours très élevé en Orient, quinze ou vingt pour cent et même davantage.

Voulez-vous réduire le taux de l'intérêt, faites de bonnes lois et nommez des juges intègres.

Celui qui prête un capital s'en prive: celui à qui il est prêté en jouit et en tire un profit; il est donc naturel que le second paye au premier une indemnité, un loyer pour cette jouissance.

Le taux de ce loyer scra élevé s'il y a peu de prêteurs, relativement au nombre des emprunteurs; il sera bas s'il y a beaucoup de prêteurs et peu d'emprunteurs. C'est la loi générale de l'offre et de la demande.

Mais quand y a-t-il beaucoup de prêteurs en quête d'un placement? Quand il y a beaucoup de personnes assez riches pour pouvoir épargner et assez économes pour le vouloir. En Hollande, dès le dix-septième siècle, l'intérêt était tombé à trois et même à deux pour cent. Chacun travaillait, commerçait, et personne ne dépensait tout son revenu. Descartes en fut très frappé : Ibi nemo qui non exercet mercaturam, dit-il.

Quand y a-t-il beaucoup d'emprunteurs? Lorsque l'esprit d'entreprise est développé, et qu'en même temps la nature offre à l'industrie des emplois nombreux et rémunérateurs.

Aux États-Unis, quoique les capitaux ne manquent pas, comme la plupart des entreprises: mise en culture des terres vierges, achat de terrains à bâtir, construction de maisons, mines, usines, chemins de fer, donnent de grands profits, dix, vingt, trente pour cent, l'homme entreprenant sera prêt à payer le capital six et huit pour cent l'an. De grandes fortunes se font rapidement. On

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