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Lorsqu'un pécheur émû d'une humble repentence ,
Par les degrés prescrits court à la Pénitence,
S'il n'y peut parvenir , Dieu fçait les suposer.
Le seul Amour manquant ne peut point s'excuser.
C'est

par
lui
que

dans nous la Grace fructifie.
C'est lui qui nous ranime , & qui nous vivifie.
Pour nous rejoindre à Dieu, lui seul est le lien,
Et sans lui , Foi , Vertus ; Sacrement , tout n'est

rien, A ces Discours pressans que sçauroit-on répondre ? Mais aprochez ; je veux encor mieux vous confon

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dre ,

Docteurs. Dites-moi donc : Quand nous sommes

absous, Le saint Esprit est-il, ou n'est-il pas en nous ? S'il est en nous , peut-il , n'étant qu'Amour lui

même, Ne nous échauffer poine de son amour suprême ? Et s'il n'est pas en nous, Satan toujours vainqueur Ne demeure-t'il pas maître de notre cour? Avoüez donc qu'il faut qu'en nous l'Amour re

naiffe ,

Et n'allez point, pour fuir la raison qui vous presle,
Donner le nom d'amour au trouble inanimé,
Qu'au cæur d'un Criminel la peur

seule a formé. L'ardeur qui justifie, & que Dieu nous envoye , Quoi qu'ici-bas souvent inquieté, & fans joye , Eft

pourtant cette ardeur, ce même feu d'amour, Dont brûle un Bienheureux en l'éternel séjour. Dans le fatal instant qui borne notre vie

que

de ce feu notre ame foic remplie ; Et Dieu sourd a nos cris , s'il ne l'y trouve pas , Ne l'y rallume plus'après notre trépas.

Il faut

*

Rendez-vous donc enfin à ces clairs fyllogismes,
Ec ne prétendez plus par vos confus sophismes,
Pouvoir encore aux yeux

du fidéle éclairé
Cacher l'Amour de Dieu dans l'Ecole égaré.
Aprenez que la gloire , où le Ciel nous appelle ,
Un jour des vrais Enfans doit couronner le zèle,

Et non les froids remords d'un esclave craincif, ** Mise- Où crut voir Abelli * quelqu'amour négatif. rable Mais quoi ? J'entends déja plus d'un fier Scholastidéfenfeur de

que,
la faul. Qui me voyant ici sur ce con dogmatique ,
se artri- En vers audacieux traiter ces points sacrés ,
cion.

Curieux, me demande , où j'ai pris mes degrés :
Etsi, pour m'éclairer sur ces sombres matières,
Deux cens Auteurs extraits m'ont prêté leurs lu-

mières.
Non. Mais pour décider, que l'homme , qu'un

Chrétien.
Eft obligé d'aimer l'unique Auteur du bien,
Le Dieu qui le nourrit , le Dieu qui le fit naître ,
Qui nous vint par la mort donner un second

être,
Faut-il avoir reçû le bonnet Doctoral ;
Avoir extrait Gamache , Isambert, & Duval ?
Dieu , dans son livre Saint, sans chercher d'autre

*Ouvrage,
Ne l'a-t'il pas écrit lui-même à chaque page ?

à
De vains Docteurs encore , ô prodige honteux !
Oferons-nous en faire un Problême douteux !
Viendront traiter d'erreur , digne de l'anathême,
L'indispensable loi d'aimer Dieu pour lui-même ;
Ec par un Dogme faux dans nos jours enfanté,
Des devoirs du Chrétien rayer la Charité !

Si

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Et par un Dogme faux dans nos jours enfanté,
Des devoirs du Chrétien ra'ier la Charice !
Si j'allois consulter chez Eux le moins sévère,
Ec lui disois : Un Fils doit-il aimer son Père ?
Ah! peut-on en douter, diroit-il brusquement :
Et quand je leur demande en ce même moment:
L'homme , ouvrage d'un Dieu seul bon , & feul ai-

mable ,

Doit-il aimer ce Dieu son Père véritable ?
Leur plus rigide Auteur n'ose le décider,
Et craint en l'affirmant de se trop hazarder.

Je ne m'en puis défendre ; il faut que je c'écrive
La Figure bizarre , & pourtant assez vive,
Que je sçus l'autre jour employer dans son lieu ,
Ec qui déconcerta ces Ennemis de Dieu.
Au sujet d'un Ecrit , qu'on nous venoic de lire ,
Un d'entr'eux m'insulta , sur ce que j'osai dire ,
Qu'il faut , pour être absous d'un crime confessé,
Avoir
pour

Dieu du moins un Amour commencé. Ce Dogme, me dit-il, est un pur Calvinisme.

, -, O Ciel me voilà donc dans l'Erreur dans le Schisme, Et partant réprouvé. Mais, poursuivis-je alors, Quand Dieu viendra juger les Vivans, & les Morts, Et des humbles Agneaux, objets de ta tendresse. Séparera des Boucs la troupe péchereffe , A cous il nous dira , sévère ou gracieux, Ce qui nous fit impurs ou juftes à ses yeux. Selon vous donc, à moi réprouvé, bouc infâme. Va brûler , dira-t-il, en l'éternelle fame, Malheureux, qui soûtins., que l'Homme dut m'ai

mer ,

Et qui sur ce sujet , crop prompe à déclamer, Prétendis, qu'il falloit , pour Aéchir ma Justice,

Que le Pécheur touché de l'horreur de son vice
De quelque ardeur pour moi sentît les mouvemens,
Ec gardât le premier de mes Commendemens.
Dieu , si je vons en crois me tiendra ce langage.
Mis à vous rendre Agneau, son plus cher héritage,
Ortodoxe Ennemi d'un Dogme si blâmé,
Venez, vous dira-t-il , Venez , mon Bien - aimé;
Vous , qui dans le détours de vos raisons subtiles
Embarrallant les mots d'un des plus Saints Conciles
Avez délivré l'homme, O l'urile Docteur!
De l'importun fardeau d'aimer fon Créateur.
Entrez au Ciel , Venez , comblé de mes louanges,
Du besoin d'aimer Dieu desabuser les Anges.
A de tels mots , fi Dieu pouvoir les prononcer ,
Pour moi je répondrois , je crois , sans l'offenser,
O! que pour vous mon caur moins dur , & moins

farouche,
Seigneur , n'a-t-il hélas ! parlé comme ma bouche ?
Ce feroit ma réponse à ce Dieu fulminant.
Mais , vous, de ses douceurs objet fort surprenant ,
Je ne sçai pas comment , ferme en votre Doctrine,
Des ironiques mots de sa bouche Divine
Vous pourriez sans rougeur , & sans confusion,
Soutenir l'amertume, & la dérition.

L'audace du Docteur , par ce discours frapée,

Demeura fans replique à ma prosopopée. * Deux

Il sortit couc à coup & murmurant tout bas Déien. Quelques termes d'aigreur que je n'entendis pas, leursd lafaur

S'en alla chez Binsfeld, ou chez Basile Ponce, * Airtió Sur l'heure, à mes raisons, chercher une réponse.

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Fin des Epitres.

L'ART POETIQUE EN VER S.

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