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Rétiré de la Cour & non mis en oubli,
Plus d'un Héros épris des fruits de mon écude,
Vient quelquefois chez moi goûter la solitude.
Mais des heureux regards de mon Aftre étonnant
Màrquez bien cet effet encore plus surprenant,
Qui dans mon souvenir aura coujours fa place,
Que de cant d'Ecrivains de l'Ecole d'Ignace ,
Ecant, comme je suis ami li déclaré,
Ce Docteur toutefois fi craint fi révéré,
Qui contr'eux de fa plume épuisa l'énergie,
Arnauld, le grand Arnauld fit mon apologie.

Mr Ar Sur mon tombeau futur , mes vers, pour l'énoncer, nauld a

fait une Courez en lettres d'or de ce pas, vous placer. DislerAllez jusqu'où l'Aurore en naiffant voit l'Hydaspe e tation Chercher , pour l'y graver, le plus précieux Jaspe. où ilme

justitie Sur-tout , à mes Rivaux sçachez bien l'étaler. Mais je vous reciens trop. C'est assez vous parler. mes

CenDéja, plein du beau feu qui pour vous le transporte, leurs & Barbin impatient chez moi frape à la porte.

c'estion

dernier Il vient pour vous chercher. C'est lui : j'entens fa Ouyram voix.

ge A Dieu, mes Vers, adieu pour la dernière fois.

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contre

EPITRE XI.

A mon Jardinier.

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L

Aborieux Valet du plus commode Maître ,
Qui , pour te rendre heureux ici-bas , pouvoic

naître ?
ANTOINE , Gouverneur de mon Jardin d'Auteuil,
Qui dirige chez moi l'If & le Chévre-feuil,
Et sur mes Efpaliers, industrieux Génie,
Şçais si bien exercer l'Art de la Quintinie;
(1) O! que de mon esprit triste & mal ordonné,
Ainsi que de ce champ par toi si bien orné,
Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines,
Et des défauts sans nombre arracher les racines !
Mais parle : Raisonnons. Quand du matin au soir,
Chez moi poussant la bêche, ou portant l'arrofoir ,
Tu fais d'un sable aride une terre fercile ,
Er rends tout mon Jardin à tes loix fi docile :
Que dis-tu , de m'y voit rêveur , capricieux,
Tantôc baissane le front, tantôt levant les yeux,
De paroles dans l'air par élans envolées,
Effrayer les Oiseaux perchés dans mes allées ?

Ne soupçonnes-tu point, qu'agité du Démon, * Mau. Ainsi que ce * Coufin des quatre Fils Aimon, gu, Dont tu lis quelquefois la mervcilleufe histoire ,

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(1) Horace , Liv. I. Ep. XIV. 25. 4. parle ainsi à son Mepayer:

Certemus , spinas animo ne ego fortiùs , an tu Evellas agro ; & melior sit Horatius, an res.

Je rumine , en marchant , quelque endroit du Gri

moire : Mais non : Tu te souviens qu'au Village on t'a dit, Que ton maîcre est nommé, pour coucher par écrit Les faits d'un Roi plus grand en sagesse , en vaillen

ce ,

ces

Que Charlemagne aidé des douze Pairs de France ; Tu crois qu'il y travaille , & qu'au long de ce mur Peut-être en ce moment il prend Mons & Namur.

Que penserois-tu donc, si l'on e’alloit aprendre,
Que ce grand Chroniqueur des gestes d'Alexandre ;
Aujourd'hui méditant un projec tout nouveau ,
S'agire , se démène , & s'use le cerveau ,
Pour te faire à coi-même en rimes insensées
Un bizarre portrait de ses folles pensées?
Mon Maîcre , diras-tu , passe pour un Docteur ,
Ec parle quelquefois mieux qu'un Prédicateur.
Sous arbres

pourtant, de si vaines fornetres
Il n'iroit point troubler la paix de ces Fauvetres ,
S'il lui falloit toujours, comme moi , s'exercer ,
Labourer , couper , tondre , aplanir , palisser ,
Et dans l'eau de ces puits-fans relâche tirée ,
De ce sable étancher la soif démesurée.

ANTOINE, de nous deux tu crois done, je le voi
Que le plus occupé dans ce Jardain ; c'est toi.
0! que tu changerois d'avis & de langage,
Si deux jours seulement libre du Jardinage ,
Tout-à-coup devenu Poëte & bel Esprit ,
Tu t'allois engager å polir un Ecric,
Qui dit, sans s'avilir', les plus petites choses,""
Fit, des plus fecs Chardons, des Oeillets & des

Roses :
Er sçüt même au discours de la Rufticité

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،، رز

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Donner de l'élégance & de la dignité ;
Un Ouvrage, en un mor, qui , jufte en tous ses

termes , * Avo-Sçût plaire à Daguesseau , * içût satisfaire termes; ca Gé- Sçûr, dis-je , contenter , en paroissant au jour , néral.

Ce qu'ont d'Esprits plus fins & la Ville & la Cour.
Bien-tôt de ce cravail revenu sec & pâle,
Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle :
Tu dirois reprenant ta pelle & ton râteau,
J'aime mieux mettre encor cent arpens au niveau,
Que d'aller follement, égaré dans les nuës,
Me lasser à chercher des visions cornuës,
Er

pour lier des mots si mal s'entr'accordans,
Prendre dans ce Jardin la Lune avec les dents.
Aprens donc, & viens ; qu'un Paresseux t'aprenne
ANTOINE , ce que c'est que fatigue , & que peine.
L'Homme ici-bas toujours. inquiet , & gêné,
Eft, dans le repos même , au travail condamné.
La fatigue l'y suit. C'est en vain qu'aux Poëtes
Les neuf trompeuses Seurs, dans leurs douces re-

traites,
Promettant du repos sous leurs ombrages frais :
Dans ces tranquiles Bois pour eux plantés exprės,
La Cadence ausfi-tôt, la Rime, la Césure ,
La riche expression, la nombreuse Mesure, i
Sorcières, dont l'amour sçait d'abord les charmer,
De fatigues sans fin viennent les consumer.
Sans cesse poursuivant ces fugitives Fées,
On voit sous les Lauriers halecer les Orphées.
Leur Esprit coucefois se plair dans son tourment's
Er se fais de fa peine un noble amusement in
Mais je ne trouve point de fatigue fi rude,
Que l'ennuyeux loifir d'un Mortel fans eauide

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Qui jamais ne sortant de sa stupidicé,
Soùcient, dans les langueurs de son oisiveté,
D'une lâche Indolence esclave volontaire,
Le pénible fardeau de n'avoir rien a faire.
Vainement offufqué de ses pensers épais ,
Loin du trouble & du bruit il croit trouver la paix.
Dans le calme odieux de sa sombre paresse,
Tous les honteux Plaisirs , Enfans de la molesse ,
Usurpans sur son ame un absolu pouvoir ,
De monstrueux defirs le viennent émouvoir,
Irritent de ses sens la fureur endormie ,
Ec le font le jouer de leur triste infâmie.
Puis sur leurs pas soudain arrivent les Remords":
Et bien-tôc avec eux tous les Fléaux du

corps,
La Pierre, la Colique, & les Gouttes cruelles,
Guénaud , Rajfsant , Brayer, * presqu'aussi cristes

qu'Elles , Chez l'indigne Mortel courent tous s'assembler, Méden

cin. De traveau douloureux le viennent accabler ; Sur le duvet d'un tic , théâtre de fes gênes , Lui font scier des Rocs , lui font fendre des Chênes, Et le mettent au point d'envier tom emploi. Reconnois donc, ANTOINE , & conclus avec moi , Que la Pauvreté mâle , active & vigilante , Eit, parmi les travaux, moins lalle , & plus come

tente,
Que la Richesse oisive au sein des voluptés.

Je te vai sur cela prouver deux vérités.
L'une , que le travail aux hommes nécessaire,
Faic leur félicité, plûtôt que leur misère, ..
Et l'autre, qu'il n'est point de coupable en re-

pos.
C'est ce qu'il faut içi montrer en peu

meux

de motsa

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