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RACINE , fait briller sa profonde sagesse.
Le mérite en repos s'endore dans la paresse :
Mais par les Enyieux un génie excité,
Au comble de son art est mille fois monté.
Plus on veut l'affoiblir , plus il croit & s'élance.
Au Cid persécuté Cinna doit sa naissance ,
Et peut-être ta plume aux Censeurs de Pyrrhus,
Doir les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus.
Moi-même dont la gloire ici moins répanduë
Des pâles envieux ne blesse point la vûë , (mis,
Mais qu'une humeur crop libre , un esprit peu sou-
De bonne heure a pourvu d'utiles Ennemis :
Je dois plus à leur haine , il faut que je l'avouë,
Qu'au foible & vain talent dont la France me louë.
Leur venin qui sur moi brûle de s'épancher ,
Tous les jours en marchant m'empêche de broncher.
Je songe à chaque trait que ma plume hazarde ,
Que d'un wil dangereux leur troupe me regarde.
Je sçais sur leurs avis corriger mes erreurs ,
Et je mets à profit leurs malignes fureurs.
Si-tôt que sur un vice ils pensent me confondre,
C'est en me guérissant que je sçais leur répondre :
Et plus en criminel ils pensent m'ériger ,
Plus croissant en vertu je songe à me venger.
Imite mon exemple : & lors qu'une cabale ,
Un flot de vains Auteurs follement ce ravale,
Profite de leur haine , & de leurs mauyais sens :
Ris du bruit paffager de leurs cris impuissans.
Que peut contre tes vers une ignorance vaine ?
Le Parnasse François, ennobli par ta veine
Concre tous ces complors sçaura te maintenir ,
Et soulever pour coi l'équitable Avenir,
Et qui, voyant un jour la douleur vertuelle

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De Phèdre malgré soi perfide , incestueuse ,
D'un si noble travail justement étonné,
Ne benira d'abord le siécle fortuné,
Qui rendu plus fameux par tes illustres veilles ,
Vid naître sous ta main ces pompeuses merveilles ?

Cependant laisse ici gronder quelques Censeurs,
Qu'aigriffent de ces vers les charmances douceurs,

(2) Et qu'importe à nos vers que Perrin les admire, * Cor. Que * l'Auteur du Jonas s'empresse pour les lire ? ras, dõ Qu'ils charmenc de Senlis le Poëte idiot, Mr.Def.

Ou le fec Traducteur du François d'Amyot. preaux parle Pourvû qu'avec éclar leurs rimes debitées ( tées ailleurs

Soient du Peuple , des Grands , des Provinces goû-
Pouryâ qu'ils puissent plaire au plus puiffant des

Rois :
Qu'à Chantilli Condé les fouffre quelquefois :
Qu’Enguien en soit touché, que Colbert & Vivonne
Que la Rochefoucaut, Marsiac & Pompone,
Et mille autres qu'ici je ne puis faire entrer
A leurs traits délicacs se laissent pénétrer.
Et plût au Ciel encor, poar couronner l'ouvrage ,
Que Montaufier voulůt leur donner son suffrage.
C'est à de cels Lecteurs que j'offre mes écritse
Mais pour un tas groffier de frivoles Esprics ,
Admirateurs zèlés de toute æuvre insipide

Que non loin de la place où Brioché s préside, § Fa

Sans chercher dans les vers ni cadence ni son , Joueur Il s'en aille admirer le sçavoir de Pradon. de Ma. rionetre, logé

(2) Horace, Lib. I. Sat. X. vs. 78. proche Men moveat cimex Pantilius? Les Co-Plocius, & varius , Mecænas , Virgiliusque, médiés. Valgius, & probet hæc OEtavius opimus , atque

Fuscus į & hæc utinam Viscorum laudet uterquee

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meux

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EPITRE VIII.

AU ROY,

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fans apas ,

GRAND
RAND RO, cesse de vaincre , ou je ceffe

d'écrire,
Tu sçais bien que mon stile eft né pour la Satire;
Mais mon esprit contraint de la desavoüer,
Sous ton règne étonnant ne veut plus que loüer.
Tantôt dans les ardeurs de ce zele incommode ,
Je songe à mesurer les syllabes d'une Ode,
Tantôc d'une Enéide auteur ambitieux,
Je m'en forme déja le plan-audacieux.
Ainfi toûjours flaté d'une douce manie
Je sens de jour en jour dépérir mon génie,
Er mes yers en ce stile , ennuïeux,
Deshonorent ma plume, & ne t'honorent pas.

Encor si ta yaleur à tout vaincre obftinée, Nous laissoit pour le moins respirer une année, Peut-être mon esprit prompt à ressusciter, Du tems qu'il a perdu sçauroit se r’aquirer. Sur les nombreux défauts, merveilleux à décrire Le siécle m'offre encor plus d'un bon mot à dire. Mais à peine Dinan & Limbourg font forcés, Qu'il faut chanter Bouchain & Condé cerraffés. Ton courage, affamé de péril & de gloire, Cours d'exploits en exploits, de victoire en victoire, Souvent ce qu'un seul jour te voic exécuter , Nous laisse pour un an d'actions à compter.

Que si quelquefois las de forcer des murailles, Le soin de ces sujets te rappelle à Versailles ,

Tú viens m'embarasser de mille autres vertus ;
Te voyant de plus près je t'admire encore plus.
Dans les nobles douceurs d'un séjour plein de char-

mes ,
Tu n'es pas moins Héros qu'au milieu des allar-

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De ton Trône agrandi portant seul tout le faix,
Tu cultives les arts , tu répands les bienfaits ,
Tu sçai récompenser jusqu'aux Muses critiques.
Ah! crois-moi,c'en est trop. Nous autres Satiriques,
Propres à relever les fortises du tems ,
Nous sommes un peu nés pour être mécontens ,
Notre Muse, souvent paresseuse & ftérile ,
A besoin , pour marcher, de colère & de bile.
Notre stile languir dans un remerciment :
Mais, GRAND Roi, nous sçavons nous plaindre

élégamment.
O! que fi je vivois fous les règ
De ces Rois nés yalets de leurs

proj
Et qui jamais en main ne prenans le i
Aux exploits de leurs tems ne prêtoient leur

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nom :

Que fans les fatiguer d'une louange vaine ,
Aisément les bons mots couleroient de ma veine.
Mais toujours sous ton règne il faut se récrier.
Toujours, les yeux au Ciel , il faut remercier,
Sans cesse à t'admirer ma critique forcée,
N'a plus , en écrivant , de maligne pensée ,
Et mes chagrins fans fiel & presque évanouis ,
Font
grace

à tout le siécle en faveur de Loü is. * La En tous lieux cependant la Pharsale * aprouvée , Phalale

Sans crainte de mes vers ya la tête levée. de Bre. bæuf. La licence par-tout régne dans les écrits.

Déja le mauvais Sens reprenant fes esprits,
Songe a nous donner des Poëmes Epiques,
S'empare des discours même Académiques,
Perrin a de ses vers obtenu le pardon:
Et la Scène Françoise est en proye à Pradon.
Et moi, sur ce sujet , loin d'exercer ma plume ,
J'amasse de tes faits le pénible volume,
Ec ma Muse occupée à cet unique emploi ,
Ne regarde , n'entend , ne connoît plus que toi.
Tu le sçais bien pourtant, cette ardeur empres-

sée
N'est point en moi l'effet d'une ame intéressée.
Avant

que

les bienfaits courussent me chercher , Mon zèle impacient ne se pouvoit cacher. Je n'admirois que toi, Le plaisir de le dire , Vint m'apprendre à louer au Sein de la Satire. Et depuis que tes dons sont venus m'accabler, Loin de sentir mes vers avec eux redoubler, Quelquefois, le dirai-je , un remord légitime, Au fort de mon ardeur vient refroidir ma rime. Il me semble , GRAND Roi, dans mes nouveaux

écrits,

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Ec

Que mon encens payé n'est plus du même prix,
J'ai peur que l'Univers , qui sçait ma récompense ,
N'impuce mes transports à ma reconnoissane ,

que par des présens mon vers décrédité, N'ait moins de poids pour toi dans la postérité,

Toutefois je sçai vaincre un remord qui te bleffe , Si tout ce qui reçoit des fruits de ta largeffe , A peindre tes exploits ne doit point s'engager, Qui d'un si jufte soin se pourra donc charger ? Ah! plûtôc de nos sons redoublons l'harmonie , Le zèle à mon esprit siendra lieu de génie.

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