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phe de la raison sur l'instinct, la séparation de l'esprit et de la matière s'est opérée d'ellemême; et il a fallu admirer de plus en plus l'auteur des choses, à qui il a suffi, pour assu rer l'union de deux substances que leur nature semblait rendre incompatibles, de faire que l'une se sentit ou crût se sentir dans l'autre.

On a remarqué des jugemens, où les anciens philosophes ne voyaient que des sensations, de pures sensations. Cette découverte, comme un trait de lumière, a dissipé tout à coup les ténèbres qui obscurcissaient l'entrée de la science.

Les différens modes de la sensibilité ont été séparés les uns des autres. D'un côté, on a fait la part de ce que nous devons à chaque sens, et de ce que nous devons à leur réunion; de l'autre, on a marqué la différence qui se trouve entre les affections qui nous viennent du dehors, et celles que nous éprouvons par l'action de nos facultés intellectuelles et morales, soit dans le moment même qu'elles agissent, soit à la suite et en vertu de cette action. (2o. p., leç. 3o.) Dès lors on a pu assigner avec certitude la véritable origine des idées.

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L'origine, ou plutôt les diverses origines de nos connaissances ont donc été mieux ob

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servées. La nécessité de remonter à ces origines a été mieux sentie.

Če que l'homme doit à la parole pour former ses jugemens (Leç. 5.); pour s'élever, des premières abstractions aux notions les plus universelles, des rapports contingens aux vérités nécessaires; pour faire naître la raison, si on ose le dire, et pour lui donner tous ses développemens, a été reconnu, constaté.

Les règles de la méthode inconnues à ceuxlà même qui en faisaient un usage admirable, ont cessé d'être un mystère. On a su enfin quelles facultés doivent agir, et dans quel ordre elles doivent agir, pour assurer nos connaissances. On a su que l'artifice de la méthode, lorsqu'elle s'applique à des idées qui ne dérivent pas immédiatement du sentiment, consiste dans l'analogie de ces idées et dans l'analogie du langage.

Deux questions surtout, disons mieux, deux vérités qui sont au-dessus de toutes les autres vérités, ont été le but des méditations de la philosophie. Il n'est plus permis aujourd'hui à quiconque peut suivre le fil d'une démonstration, de mettre en doute la simplicité ou l'unité du principe qui pense; et, si les. preuves de l'existence d'un Dieu créateur et modérateur de l'univers ne pouvaient pas ac

quérir un nouveau degré de certitude, on a pu, du moins, leur imprimer le caractère d'une évidence plus frappante, plus générale.

De tels objets ont une dignité et une grandeur qu'on ne peut méconnaître. Ils élèvent la raison, ils l'ennoblissent; et celui qui voudrait les dédaigner, trahirait le secret d'une âme pauvre et commune, qui ne trouve des jouissances qu'en les cherchant hors d'elle

même.

Mais, si rien n'a droit de nous intéresser autant que l'étude de la philosophie; si l'on ne peut se défendre d'un sentiment de joie par l'espérance de connaître enfin ce qui nous touche de si près; il faut bien se dire que, dans l'état d'imperfection où se trouve jusqu'ici la langue des philosophes, rien aussi n'exige plus de persévérance dans la méditation, plus de recueillement dans la pensée, plus de bonne foi avec soi-même, et plus, en même temps, de cette esprit simple, naturel et naïf, qui n'ôte rien, n'ajoute rien, voit les choses comme elles sont, et les énonce comme il les voit. L'imagination serait ici le plus grand des obstacles. En s'interposant entre nous et la nature, elle nous en déroberait la

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vue; et nous serions éblouis par des fantômes. Il faudra cependant que nous arrêtions. quelquefois nos regards sur ces fantômes, pour apprendre à ne pas les confondre avec la réalité. Nous serons plus assurés de nous bien connaître, lorsque nous nous serons étudiés, et en nous-mêmes, et dans les opinions des philosophes.

Nul esprit ne peut suffire à ce double travail de critique et de méditation, si l'ordre n'en dispose les parties de telle sorte, que l'intelligence des premières facilite l'intelligence de celles qui suivent. Il faut donc qu'un lien commun les unisse, pour en former un système qui se développe de lui-même, et sans effort.

Ce système immense dans son étendue comprend deux systèmes principaux qui, à leur tour, se distribuent en autant de systèmes particuliers que la philosophie présente de questions à résoudre; il repose sur deux bases l'activité et la sensibilité.

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Le sophisme avait cherché à ébranler la première de ces bases. Nous avons mis nos soins les plus attentifs à la consolider, et dorénavant elle est inébranlable. L'àme de l'homme n'est pas une substance inerte; elle est une

puissance, une force pleine d'énergie; elle a des facultés qu'elle ne cesse d'exercer, et qui peuvent la rendre tous les jours plus éclairée, tous les jours plus libre.

Trompée par de fausses apparences, la philosophie avait cru voir ces facultés dans les sensations, ou dans les idées. Nous les avons séparées des unes et des autres. L'être qui sent agira sans doute; mais sentir n'est pas agir. L'être qui agit produira un effet; mais, cet effet n'est pas l'action.

Il ne suffisait pas d'avoir marqué les facultés par le caractère qui les distingue de ce qui n'est pas elles. Il fallait encore saisir le caractère qui les distingue les unes des autres, quoique toutes, dans leur principe, ne soient qu'une seule et même chose. Nous nous sommes assurés de ce qu'elles ont d'identique et de ce qu'elles ont de divers, en les voyant sortir d'une même source, non pas à la fois, ou successivement et comme au hasard, mais successivement et dans un ordre nécessaire; en sorte que celles qui sont composées n'auraient pu se produire, si les plus simples ne s'étaient montrées d'abord.

Alors le système des facultés de l'âme s'est laissé voir dans toute sa simplicité. Il comprend, il est vrai, deux systèmes particu

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