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NÉCROLOGIE

Nous avons le regret d'apprendre la mort de M. Henry Dix Hutton, survenue le 10 décembre dernier (8 Bichat 119), à Donaghadée (Irlande).

Henry Dix Hutton, né le 3 octobre 1824, à Dublin (Irlande), est un des derniers disciples directs d'Auguste Comte; il fut en correspondance suivie avec le Maître dès la fin de l'année 1853 jusqu'à la mort de ce dernier.

Il fut admis comme membre de la Société positiviste le 11 octobre 1854, et resta toujours un fervent disciple d'Auguste Comte; il refusa de prendre parti dans la scission qui se produisit entre Richard Congreve et Pierre Laffitte ; cependant, il se sépara nettement de ce dernier lors de sa nomination à la chaire de l'Histoire générale des Sciences, au Collège de France, en 1892.

Henry Dix Hutton publia en 1890, à Dublin, les lettres qu'Auguste Comte lui adressa; il publia également plusieurs opuscules de propagande.

CHATEAUDUN.

J. S.

Le Propriétaire-Gérant : CH. JEANNOLLE.

IMPRIMERIE De la société TYPOGRAPHIQUE

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De l'Institution de la première enfance (1).

L'institution systématique de l'éducation humaine, ou de la direction de la vie, ne pouvait être constituée avant l'avénement du Positivisme; car le Positivisme seul a montré le but effectif de la destinée humaine et caractérisé les conditions qui permettent à chaque individu de l'atteindre, au moins dans une certaine mesure. J'ai établi, en effet, que la fin de l'existence de l'homme est de vivre pour et par la Famille, la Patrie et l'Humanité, sous un effort continu de perfectionnement physique et moral. Le Catholicisme, seul, a su, jusqu'ici, coordonner l'existence humaine, mais en lui donnant un but chimérique. Il en résulte que la vie réelle a été ainsi dirigée

(1) Résumé de la 3° leçon du cours de morale pratique professé salle Gerson, le dimanche 22 novembre 1885.

Position

de la question.

d'une manière seulement indirecte et, par suite, absolument insuffisante. Quant aux philosophes, quelle que soit la valeur, souvent remarquable, de leurs travaux spéciaux, aucun d'eux n'a conçu le but de la destinée humaine. C'est ce qu'il est facile de voir, depuis Aristote jusqu'à Rousseau et à nos contemporains. Et cette grande insuffisance venait, comme je l'ai mis en évidence, de la lacune sociologique qui empêchait de concevoir nettement les êtres collectifs par qui et pour qui nous vivons.

La vie fondamentale se compose donc du service effectif de l'Humanité, avec responsabilité de l'individu ; mais elle doit être nécessairement précédée d'un âge préparatoire où l'homme est définitivement rendu apte à la plénitude de la vie réelle. Cet àge préparatoire a, spontanément, une durée plus grande dans notre espèce que dans celles des autres animaux. Les philosophes y ont vu, avec raison, une des conditions de la supériorité de notre espèce, parce que la longueur même de cet âge préparatoire permet de profiter, par une éducation convenable, de l'expérience des autres. Mais il faut compléter cette vue, en remarquant que l'âge préparatoire augmente en durée (quoique non indéfiniment), à mesure que l'évolution humaine se complique, et que, pour les divers individus, à une certaine époque, elle est d'autant plus grande que la fonction à remplir dans la société est plus élevée. Quoi qu'il en soit, nous avons fixé la durée de cette période à vingt-un ans, ce qui est, comme on voit, une fraction assez considérable de la vie moyenne, et même de la vie qui atteint les limites normales.

L'âge préparatoire nous présente deux caractères essentiels 1o l'enfant est placé dans la dépendance et la tutelle de la famille, d'une manière tout à fait directe, et indirectement, sous celles de la Cité et de la Patrie;

2o l'individu, sous cette tutelle, reçoit, par le concours de la Famille et de la Cité, une préparation propre à le rendre apte à une vie active, avec pleine responsabilité.

Mais cette période préparatoire de la vie se partage en deux phases essentielles, d'inégale longueur : l'une, qui va de la naissance à quatorze ans, constitue l'enfance proprement dite, et est caractérisée par la domination directe de la Famille; la seconde, qui va de quatorze à vingt-un ans, c'est l'adolescence, pendant laquelle la Patrie et l'Humanité commencent à intervenir, pour préparer l'individu à la vie active, par une instruction systématique et un apprentissage spécial.

Mais la première phase elle-même, celle de l'enfance, se partage en deux parties successives: l'une de la naissance à sept ans, ou à la seconde dentition : c'est la première enfance; l'autre, de la seconde dentition à la puberté c'est la seconde enfance.

Nous allons étudier d'abord la théorie de l'éducation propre à la première enfance, et nous consacrerons une leçon à la marche de cette éducation spontanée et systématique. Mais cette théorie doit être précédée d'une autre où nous instituerons la première enfance avec l'étude des conditions sociologiques et morales de son évolution. Entre ces deux théories, il faut en intercaler une troisième celle de la morale personnelle, qui trouvera là, comme je vais l'expliquer, sa place naturelle.

Le but de la vie humaine, comme je l'ai si souvent dit, consiste dans le service des êtres collectifs et dans l'effort connexe de notre perfectionnement personnel. Or, pendant la première enfance, le service des êtres collectifs est nécessairement nul; au contraire, on peut et on doit ébaucher, dès lors, l'effort pour le perfectionnement personnel. Sans doute, il continue toute la vie; mais c'est là qu'est son point de départ. C'est donc là qu'il faut placer la théorie de la morale personnelle par la

quelle s'institue le perfectionnement de l'individu. Cette théorie fournira aux parents et aux maîtres la règle propre à diriger leur action.

Il nous faut maintenant instituer la première enfance. Par ce mot instituer, nous désignons l'opération systématique par laquel on établit et on démontre comment l'enfant est le germe, qui se développera graduellement, d'un organe futur des êtres collectifs.

Conception de l'enfant Le théorème fondamental qui domine toute cette théocomme un produit rie est celui-ci : l'enfant est un produit de l'Humanité ; et

de l'Humanité.

il s'agit, ici, non pas d'une métaphore, mais bien de l'énoncé précis d'un fait parfaitement scientifique. Nous savons, en effet, que toutes les impressions produites dans l'espèce humaine se transmettent par la génération. Tant qu'on ne concevait pas les fonctions intellectuelles et morales comme ayant pour siège le cerveau, la géné– ralité d'une pareille proposition pouvait être méconnue ; il n'en est pas ainsi maintenant. Ces influences modificatrices, que la génération transmet, sont cosmologiques, de famille, ou sociologiques; mais celles-ci modifient graduellement, et de plus en plus, les deux autres. Par conséquent, c'est par celles-ci qu'on peut, désigner l'action modificatrice transmise par la génération, et c'est ce qui nous permet de dire que l'enfant est réellement le produit de l'Humanité. Il vient donc au monde, sous tout le poids des fatalités antérieures, qui lui créent à la fois des difficultés à vaincre et les moyens pour y arriver.

Le catholicisme avait, à sa manière, entrevu cette grande proposition, et de Maistre s'est signalé en la mettant en lumière. La conception du péché originel était une manière vague, mais réelle, de représenter le poids des antécédents dans chaque existence. En second lieu, en considérant l'homme comme un enfant de Dieu, on posait la base de sa destination le service de l'Être su

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