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mieux, de votre Système de logique positive doit être bien près de sa terminaison. Il aura peu, mais il faut l'espérer, de solides lecteurs.

Je sens bien l'importance de concentrer à Paris la réorganisation sociale. Mais cependant, il faut pour qu'elle puisse, même à Paris, avoir l'ardeur suffisante, qu'elle se sente, en province, des points d'appui. Jusqu'ici rien ne fait prévoir un prochain développement à cet égard.

J'ai eu avec un jeune aspirant à la prêtrise catholique une conférence qu'il avait demandée. Je lui ai exposé de quelle manière le Positivisme entendait le rôle actuel du Catholicisme. Je lui ait fait comprendre que toute discussion dogmatique était impossible entre nous, puisque nous partions de principes radicalement diffé

rents.

C'est avec beaucoup de peine que j'ai pu éliminer une discussion, qu'il recherchait sans cesse, sur la croyance en Dieu.

La difficulté qu'il éprouvait à se tenir à un point de vue purement moral, la vive préoccupation dogmatique qui le dominait, m'ont mieux fait sentir, que le poids seul des évènements pourra mettre le sacerdoce catholique au point de vue convenable.

L'éducation si profondément subjective du clergé catholique, qui ressortait à chaque instant de notre causerie, m'a parfaitement expliqué l'absence absolue d'influence de ce clergé. Il ne touche en rien au fond habituel de la vie moderne. Aussi, en réalité, malgré toutes les apparences quelconques, n'a-t-il aucune espèce d'influence réelle. La vie réelle lui échappe, il ne la saisit et ne la touche par aucun point.

Cependant, ce jeune homme a été frappé du caractère élevé et modéré dont le Positivisme -envisage le rôle du Catholicisme. Le Positivisme donnera seul au Catholi

cisme, en complet discrédit réel, malgré les apparences contraires, une dignité qu'il a perdue. En attendant le plaisir de vous revoir.

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J'ai vu M. Ribet aujourd'hui. Il a enfin vendu son vin depuis quelques jours, et le voilà sorti de la très difficile situation dans laquelle il était engagé depuis longtemps. Aussi dans peu de temps vous aurez de ses nouvelles.

(1) Auguste Comte a écrit sur l'enveloppe un numéro d'ordre et une mention relative à la date de réception de la lettre de Pierre Laffitte. En tête de cette lettre, Auguste Comte a écrit de nouveau la même indication.

Voici cette mention :

(68 — 3e).

(Reçu le mercredi 23 Shakespeare 68).
(Retour le lundi suivant

Je partirai pour Paris, dans une huitaine, à moins que des affaires de famille où ma présence est tout à fait indispensable ne me retiennent quelques jours. Mais cela n'est guère probable et je ferai mon possible pour que cela ne soit pas.

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J'ai été tenu bien constamment, mon bon et vénéré Maître, au courant de votre lente convalescence. Malgré cela, je n'ai pas besoin de dire que je suis souvent assiégé des inévitables inquiétudes de l'absence. Mais la reprise constante de vos forces, et votre calme inébranlable nous sont une rassurante garantie. Seulement, la convalescence sera réellement aussi longue qu'on devait

(1) Sur l'enveloppe, et aussi en tête de la lettre de Pierre Laffitte, est écrite de la main d'Auguste Comte la mention suivante :

(Reçu le mercredi soir 14 Guttemberg 69) (Réponse le dimanche 18).

La réponse d'Auguste Comte a été publiée dans la « Correspondance inédite d'Auguste Comte, Deuxième série ». Paris, 1903, p. 197.

le supposer, après une secousse où les forces ont été directement affaiblies.

J'ai vu M, de Tholouze que j'ai trouvé de plus en plus positiviste. Il a été douloureusement affecté d'apprendre votre maladie. Il se propose, du reste, de venir vous voir à la fin du mois prochain.

Depuis le départ de M. Audiffrent, c'est Sophie qui me tient, avec sa bonté habituelle, au courant de votre état. J'ai trouvé mon beau-frère fortement dérangé. Mais il a enfin consenti, sur les instances de ceux qui l'aiment, à prendre du repos, et chaque jour, son état s'améliore. Il est probable que je l'accompagnerai pendant quelques jours aux eaux d'Arcachon ; ce voyage devant lui être utile, bien plus pour le repos forcé auquel il sera astreint, que pour l'action des eaux de mer. Les relations de la famille et de l'amitié sont douces, mais combien on y gagne en surface douloureuse.

J'ai enfin entrepris, avec le soin et le recueillement convenables, la lecture de la Logique Positive. Je me réserve le plaisir de vous communiquer plus tard mes impressions. Pour le moment, à l'inévitable intérêt philosophique d'une telle lecture, se joint l'intime sentiment de me trouver par là davantage avec vous.

Cadillac-sur-Garonne (Gironde).

A vous de cœur.

P. LAFFITTE.

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C'est le premier jour de l'année 53 de l'ère positiviste, ou 1865 de l'ère vulgaire, que Pierre Laffitte inaugura ici même la Fête de l'Humanité, d'une manière on ne peut plus modeste, c'est-à-dire par un discours devant une assemblée très peu nombreuse composée presque uniquement de positivistes.

Depuis cette époque, le nombre des assistants à cette solennité a graduellement augmenté, mais elle a toujours consisté exclusivement dans le discours de Pierre Laffitte. Chaque fois, il développait, sans s'astreindre à un ordre fixe et en s'inspirant au contraire des circonstances variables du moment, celui des principaux aspects du positivisme qui lui paraissait correspondre le mieux aux exigences de la situation. Très peu de ces discours ont été rédigés, le plus souvent par d'autres que l'orateur. La Revue Occidentale en a publié quelques-uns, dont trois concernant le premier mois du calendrier positiviste abstrait ou définitif, propre, suivant Auguste Comte, à l'état normal de l'Humanité: ce sont les discours sur l'union historique, sur l'union politique ou nationale et sur l'union communale.

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