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Du droit civil.

Le droit criminel a donc pour destination finale d'assurer la sécurité des individus, quant à leur personne et à leurs biens, et de faire l'éducation des criminels, en dehors, bien entendu, de ceux que l'on soumet à une élimination définitive. Mais il ne suffit pas d'assurer la sécurité individuelle; il faut aussi, et c'est une condition de la véritable indépendance, assurer la juste possession des biens et leur légitime appropriation contre toute tentative contentieuse effective ou possible: c'est là, la destination du droit civil, L'existence de la propriété individuelle, mobilière ou immobilière, instruments ou provisions, est une condition capitale du progrès matériel, moral et mental de l'Humanité. Tout ce qui est relatif aux biens proprement dits se rapporte nécessairement à la production, conservation et transmission. Nous allons considérer d'abord la production et la conservation sous un point de vue commun. Ces deux grandes fonctions économiques s'accomplissent par le contrat, c'est-à-dire par l'engagement réciproque des individus dans la série des transactions qui peuvent surgir entre eux. Sans doute, l'indépendance nécessaire à l'activité de chaque homme doit être profondément respectée; mais, néanmoins, l'intervention sociale devient, dans ce cas comme dans tous les autres, de plus en plus nécessaire, c'est-à-dire aussi inévitable qu'indispensable, puisque la plus simple transaction entre les individus. ne peut avoir lieu, au fond, sans le concours de la société correspondante, et que son exécution l'intéresse toujours plus ou moins profondément.

Le premier degré d'intervention sociale dans le contrat c'est de le rendre obligatoire, en donnant les moyens de remédier aux inconvénients de la mauvaise foi ou à ceux d'une fausse interprétation que comportent tou

jours des problèmes aussi indéterminés. En second lieu, la société intervient aussi nécessairement, d'une manière légitime, en assujettissant les contrats individuels à des prescriptions générales qui les empêchent de nuire à la société, ou qui même aident à la servir. Ces prescriptions générales se spécifient d'après les divers cas généraux, en faisant toujours concourir la triple considération d'assurer l'indépendance individuelle, le service social, et finalement de prendre toujours en considération la situation créée par la série des antécédents. Une telle théorie doit prendre en considération prépondérante la distinction entre les divers degrés d'appropriation, depuis l'appropriation purement publique, jusqu'à celle complètement privée, en passant par les degrés de l'appropriation familiale et semi-collective. Il faudra tenir compte aussi de la grande distinction entre les instruments et les provisions, distinction si capitale au point de vue social, et dont les légistes avaient si admirablement pressenti l'importance par la grande division des biens en meubles et immeubles.

Quant à la transmission, les règles qui y président, en respectant les dispositions spontanées de la nature humaine, les conditions de l'indépendance individuelle, doivent néanmoins être établies par des considérations d'ordre social; et quand nous demanderons la liberté de tester, ce sera non pas au point de vue d'un prétendu droit absolu de l'individu, mais par la considération de son efficacité sociale.

Évolution, état transitoire et normal du droit civil.

La morale pratique doit intervenir dans la systématisation du Droit civil, non seulement par les considérations sociologiques que nous venons d'indiquer, mais aussi par celle du perfectionnement individuel, sans le

quel toutes les interventions législatives resteraient insuffisantes. Le respect profond des obligations et des devoirs est la base de toute société, parce qu'il est le ́fondement du concours volontaire, sans lequel le concours involontaire serait absolument insuffisant.

Hygiène.

Mais il ne suffit pas, comme nous l'avons déjà dit, d'assurer la sécurité de l'individu et celle de ses transactions: il faut aussi assurer sa santé, condition essentielle pour atteindre le but de sa destinée, le service des êtres collectifs. De là, les arts qui se rattachent à l'hygiène et à la médecine, dont le Positivisme institue la systématisation, en morale pratique, par la double considération du point de vue social et moral.

Plus la société se développe, plus les relations se multiplient et les grandes concentrations humaines augmentent, et plus le problème de l'hygiène de l'individu devient inséparable de celui de l'hygiène de la Famille, de la Patrie et de l'Humanité. De là résulte la légitimité des prescriptions forcées imposées aux hommes. Mais ces prescriptions involontaires seraient souvent insuffisantes si l'individu n'était pas moralement disposé, par une longue et profonde éducation privée, à respecter, dans son hygiène intime, les prescriptions qui assurent sa santé ; car, il doit bien se porter, non seulement pour lui, mais pour les autres, et sa santé n'intéresse pas seulement sa propre personne.

Médecine.

Les mêmes considérations s'appliquent à la médecine; mais elle doit donner lieu, en outre, à quelques aperçus spéciaux. Le Positivisme apportera une grande lumière spéciale et générale dans la constitution de la médecine,

en y introduisant définitivement la familière considération de la réaction du moral sur le physique, du cerveau sur l'organisme. En outre, le Positivisme améliorera profondément l'art médical, en considérant la constitution pathologique, non pas seulement comme un phénomène individuel, mais de plus en plus comme un phénomène social dominé par le poids croissant des antécédents. Enfin, le Positivisme améliorera le médecin luimême en lui donnant une consécration sociale, en lui montrant le caractère profondément collectif de sa destination professionnelle, et en l'incorporant au fond au sacerdoce de l'Humanité.

Nous avons, je crois, défini ainsi les caractères généraux de la morale pratique, son plan et sa réaction sur l'ensemble de l'organisme social. Il nous faudra maintenant aborder sa réalisation effective en suivant l'évolution de l'individu de la naissance à la mort.

PIERRE LAFFITTE.

Paris, 18 décembre 1885.

MATÉRIAUX

POUR SERVIR A LA

BIOGRAPHIE D'AUGUSTE COMTE

49 LETTRES DE PIERRE LAFFITTE
A AUGUSTE COMTE (1)

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J'ai heureusement trouvé, à mon arrivée, ma mère en grand train de se rétablir; mais elle avait été effectivement, pendant quelques jours, dans un état d'autant plus

(1) Les trente-quatrième premières lettres ont été publiées dans les nos de la Revue Occidentale des 1er mars, 1er mai, 1er juillet et 1er septembre 1907.

(2) Sur l'enveloppe est écrite de la main d'Auguste Comte la mention suivante, qu'il a reproduite également en tête de la lettre :

(641)

(Reçu le mercredi 7 Guttemberg 64). (Réponse le lendemain).

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