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2o L'apprentissage, dans la première période, devra être compatible pour l'adolescent avec un certain degré de la vie de famille.

3o Ceux qui dirigeront l'apprentissage, étant dominés par une conception sociale et morale de la vie industrielle, seront disposés par cela même à apporter tous les amendements compatibles avec les nécessités de la vie industrielle; cette modification volontaire est la seule efficace, et sans elle les interventions légales deviennent finalement illusoires et toujours onéreuses.

4o L'intervention constante du sacerdoce tendra à ramener à l'esprit d'ensemble, sans lequel on ne peut convenablement remédier aux inconvénients particu

liers.

5o Enfin, les décisions légales intervenant à un certain degré viendront perfectionner un tel ensemble.

Ainsi la fixation des heures de travail devra être établie, au double point de vue de la santé de l'adolescent et de sa participation à l'enseignement systématique. Du reste, dans le sacrement de l'initiation, l'apprentissage aura été institué socialement comme condition du service actif des êtres collectifs, ce qui offrira un type constant propre à diriger tous les efforts.

Il est évident que ces considérations s'appliquent à toutes les industries quelconques. Mais les diversités objectives créent de grandes différences dans les diverses industries, en tout ce qui regarde la durée et le caractère de l'apprentissage ainsi que le nombre des apprentis; nous ne pouvons donner évidemment ici que des indications sommaires à ce sujet. L'apprentissage agricole a un caractère admirablement conservateur et moral et présente une stabilité naturelle; son défaut spontané est surtout dans le manque du point de vue abstrait et général. Dans l'agriculture, les industries extractives nous offrent

Des particular

propres aux divers c

Janisation de la transition,

un cas particulier : elles ont, en effet, des caractères analogues à ceux de la grande industrie.

L'industrie manufacturière présente deux cas, suivant qu'il s'agit de la petite ou de la grande industrie. Et d'abord par un entraînement aveugle, où l'on systématise d'une manière absolue la situation actuelle, l'on voudrait supprimer la petite industrie au profit de la grande, comme au profit de la grande propriété, la petite propriété ; c'est là une tentative irrationnelle et dangereuse; elle est contraire à la nature des choses. Le règlement de l'apprentissage dans la petite industrie ne présentera jamais de grandes difficultés ; le problème est surtout dans l'apprentissage propre à la grande industrie.

Le commerce et la banque offrent pour l'apprentissage des particularités spéciales et le problème ne présente pas de difficultés exceptionnelles.

Enfin, il est clair qu'il faudra, dans cette conception de l'apprentissage, tenir compte de la grande distinction entre les patrons et les exécutants.

La transition vers cet état normal, ainsi indiqué d'une manière sommaire, s'organisera à mesure que la doctrine directrice surgira de plus en plus. C'est là la condition capitale de tout perfectionnement efficace; ce n'est que par une entente commune sur le but à atteindre et sur les lois nécessaires de l'organisation et de l'évolution des sociétés, qu'on arrivera à déterminer le concours, absolument indispensable, des volontés.

Le problème de l'apprentissage, d'abord national, deviendra occidental et de plus en plus planétaire, en rapport avec l'évolution nécessaire de notre espèce.

MATÉRIAUX

POUR SERVIR A LA

BIOGRAPHIE D'AUGUSTE COMTE

Nous publions aujourd'hui quelques documents inédits, parmi lesquels, une lettre de M. d'Aguiard à Auguste Comte et la réponse de ce dernier, qui complèteront les renseignements déjà publiés dans la (4e série de la Correspondance inédite d'Aug. Comte), relatifs au conflit d'Auguste Comte avec la famille de Clotilde de Vaux. Quelques autres lettres adressées à Aug. Comte avec ses réponses, pourront paraître n'offrir qu'un intérêt secondaire; mais il nous semble, quand il s'agit d'Aug. Comte, que rien de ce qui le concerne ne peut être négligeable. Notre but étant surtout un but de conservation, nous laissons à la postérité le soin d'apprécier l'importance et l'utilité de cette publication.

Lettre de M. J. N. d'Aguiard et réponse d'Auguste Comte (1).

Paris, le 10 avril 1846. Rue Guy-la-Brosse, no 6.

Monsieur Auguste Comte,

Monsieur,

J'ai cru qu'en vous disant, moi et M. le Dr Cherest dans notre lettre du 8 courant que nous nous présente

(1) Sur le dos de la lettre, de la main d'Auguste Comte (Reçu le vendredi 10 avril 1846. Réponse le lendemain matin).

rions chez vous comme venant de la part de M. Maximilien Marie pour vous demander des explications sur certaines imputations que vous aviez fait peser sur lui et sur sa famille, nous vous avions suffisamment instruit du sujet de notre visite; quoiqu'il en soit il m'est impossible, pour le moment, d'être plus explicite. Je suis fàché de ne pas pouvoir vous remercier de l'accueil amical que vous me proposez, en me présentant seul chez vous: il a été blessant pour mon co-conciliateur, M. le Dr Cherest, je ne puis point m'en honorer. Je ne puis pas non plus me présenter seul chez vous pour un tel motif : cette démarche serait inutile pour l'affaire dont M. Maximilien Marie nous a chargés; cependant, Monsieur, un homme, un homme qui a été votre ami, dévoué jusqu'à se compromettre, se trouve offensé, injurié par vous, prétendiez-vous vous soustraire à toute explication de vos actes envers lui? avoueriez-vous ainsi vos torts envers lui? je ne le pense pas je me plais à voir en vous l'auteur de la Philosophie positive, l'homme qui a si bien invoqué comme lien moral et comme maintien de l'ordre social, le respect que les hommes se doivent entre eux. Conséquemment, Monsieur, et puisque vous nous avez mis dans l'impossibilité de traiter personnellement avec vous, nous vous demandons de la part de M. Maximilien Marie de vouloir désigner deux de vos amis qui se chargent de nous donner les explications que nous vous demandons.

.

Votre serviteur,

(Réponse.)

Monsieur,

J. N. D'AGUIARD.

(Copie conforme.)

Puisque vous croyez ne devoir pas venir seul chez moi pour les éclaircissements demandés, j'accepte volontiers

la voie indirecte que vous me proposez. Je vous offre donc, à ma place, mon plus intime ami, M. Lenoir (19, rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel), bien connu déjà de la famille dont vous êtes l'organe ses soixante-sept ans l'autorisent naturellement à attendre votre visite. En ce qui me concerne, je ne tiens nullement à deux représentants, il me serait même impossible d'en indiquer un second qui convînt assez à un tel cas. Rien n'empêchera, je l'espère, de s'entendre avec le seul M. Lenoir, qui possède toute ma confiance, et dont je ratifie d'avance les explications quelconques.

Cette démarche terminera bientôt, sans doute, à la satisfaction générale, un incident qui, autant que je puis l'entrevoir, me semble gravement dénaturé d'après une vicieuse interprétation de quelques paroles échappées peut-être à la plus légitime émotion. A jamais absorbé par une douleur qui ne saurait avoir d'égale, car je perds plus que personne, mon cœur n'aspire aujourd'hui qu'à s'abandonner librement à sa juste mélancolie, sans y mêler aucune irritation étrangère. Les dispositions conciliantes toujours spontanées chez l'organe que je choisis, se trouveront donc ici en pleine harmonie avec mes propres tendances.

Samedi matin, 11 avril 1846 (7 h.).

A M. D'AGUIARD.

Votre dévoué serviteur,

Ate COMTE.

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