L'enfant, en participant aux fêtes communales, et au récit des diverses opérations collectives propres à la cité, de même qu'en apprenant à connaître les chefs qui dirigent la commune, acquiert la conception implicite de cet être collectif où vit sa famille et dans lequel elle se meut. Il y voit la division et le concours des fonctions sur une échelle peu étendue mais très précise : cette conception implicite, convenablement maniée, servira de base à des conceptions de plus en plus explicites, et finalement systématiques. Le cimetière et sa fréquentation poseront les fondements de la notion de la continuité qu'il appartient à la mère de développer. Enfin, il est évident que les rapports des communes entre elles et avec la Patrie donnent de celle-ci une première image, vague sans doute, mais qui est le point de départ d'une notion plus étendue. L'image du drapeau national, des fêtes patriotiques que la commune célèbre, seront un point d'appui à la mère pour développer, sans trop préciser, néanmoins, les notions et les sentiments de la vie collective générale. Enfin, le respect habituel des vieillards et la connaissance précise qu'en aura l'enfant, tout cela servira à instituer la culture générale de la vénération et un premier sentiment de la hiérarchie morale; grâce à la commune, l'individu, à cet égard, répètera l'espèce. Le mouvement de l'enfant dans la commune agrandit et développe en lui l'observation concrète par la construction graduelle de la notion de cette commune, qu'il découvre successivement. Dans cette découverte, où surgit l'esprit d'aventure propre à notre espèce, il y a une source précieuse d'éducation de la vie active. On y trouve même un premier germe d'une action collective dans les découvertes qu'il fait autour de sa maison d'abord, avec quelques-uns de ses petits camarades ; il y a l'état religieux dans la là un premier germe que développera surtout la seconde enfance. Pendant cette phase, il ne faut pas faire voyager l'enfant, la véritable éducation suppose toujours une intensité d'action prolongée sans dispersion. Enfin, voyons quel doit être l'état religieux de la première enfance. mière enfance. L'individu, je l'ai dit souvent, répète l'espèce, dans ses phases principales; d'après cela, la religion de la première enfance doit être celle du début de l'Humanité le Fétichisme. Il est alors essentiellement spontané et il importe de respecter cette spontanéité. Du reste, il ne faut pas croire que quand vous essayez de dépasser cet état, par un effort prématuré de théologisme ou de positivité, l'enfant vous comprend; non, il répète des mots, voilà tout. Ce fétichisme d'une si incomparable douceur lui sert à coordonner ses vues et ses sentiments. Il se crée, du reste, des fétiches spéciaux proprement dits: le plus souvent un joujou, un objet particulier de la maison, sans compter le lit, la table et la maison elle-même. Mais dans cette phase se posent aussi les bases de la religion finale. Vient d'abord le culte de la famille, car la mère est pour l'enfant la véritable déesse ; de telle sorte qu'il se trouve appliquer spontanément, comme l'espèce, le privilège du Polythéisme pour représenter les êtres collectifs. Conclusion. En résumé, on doit comprendre, d'après cette analyse qui n'avait pu jusqu'ici être convenablement faite, que dans cette phase de la première enfance se posent toutes les bases du développement ultérieur. L'évolution qui succédera graduellement à cette première période, agrandira, rendra de plus en plus explicite tout ce qui a été synthétiquement posé dès le début et le systématisera finalement, mais sans créer rien de nouveau. On verra, par suite, dans un cas aussi capital, une application du grand principe de la philosophie première : le progrès est le développement de l'ordre. Ainsi se posent, dès ce MATÉRIAUX POUR SERVIR A LA BIOGRAPHIE D'AUGUSTE COMTE DEUX LETTRES D'AUGUSTE COMTE A MONSIEUR VIEILLARD A Monsieur VIEILLARD, Représentant du Peuple. (Copie conforme). Monsieur, Je vous prie d'agréer mes sincères remerciements pour votre zèle persévérant en faveur de mon Cours philosophique sur l'histoire générale de l'Humanité. M. le Directeur du Comptoir d'Escompte vient de me montrer la salle du Palais National annoncée, dans votre billet d'hier, comme immédiatement disponible, pour cet enseignement gratuit. Elle m'a paru très convenable, à tous égards. Seulement on m'a déclaré que le Comptoir d'Escompte manquait entièrement du mobilier indispensable. Mais M. le Directeur m'a informé qu'il vous avait signalé cette difficulté secondaire, et que vous aviez bien voulu lui promettre d'y pourvoir, en obtenant du Garde-Meuble, des banquettes suffisantes, plus un fauteuil et un tapis vert pour le bureau. Je regarde donc comme surmonté aussi cet obstacle matériel et, dès demain, je vais écrire au Moniteur, ainsi qu'aux autres journaux habitués à publier mes annonces habituelles, afin d'indiquer la réouverture de ce Cours, tous les Dimanches, à midi précis, à partir du Dimanche 11 Mars, jusqu'à la fin d'Août. La gratitude que je vous dois ainsi sera certainement partagée par tous ceux de mes auditeurs qui connaissent les entraves, secrètes mais opiniâtres, qu'éprouve, depuis un an, cette opération philosophique et sociale, dont la paisible reprise est entièrement due à votre puissante intervention. Salut et Fraternité. AUGUSTE COMTE. Vendredi 2 Mars 1849. Si vous visitez cette salle, vous la trouverez placée très haut et d'un difficile accès. Mais cela ne me semble pas un inconvénient réel; puisque les purs curieux sont ainsi mieux écartés, sans détourner les auditeurs sérieux. A Monsieur VIEILLARD, Représentant du Peuple. (Copie conforme). Monsieur, Je connais trop, depuis longtemps, votre zèle civique et vos convictions philosophiques pour vous rendre aucunement responsable de l'avortement dont semble menacée la nouvelle négociation relative à mon cours |