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système de péna

améliorer sans les détruire, en utilisant les idiosyncrasies individuelles. En somme, l'individu répète l'espèce : or, le règlement de l'homme a dû suivre et non pas précéder son développement spontané qui seul pouvait expérimentalement indiquer dans quel sens devait agir l'action modificatrice. Les déclamations des moralistes sont, sous ce rapport, parfaitement absurdes quand elles s'appliquent aux écarts des populations primitives; car si ces dernières ne s'étaient développées spontanément, comment aurait-on su ce qu'il fallait régler et de quelle manière? Dans une certaine mesure, il en est de même pour l'enfant dont il faut suffisamment respecter la libre évolution, en profitant, bien entendu, de l'expérience acquise.

En conséquence, l'action de la Famille, avec son sysé considéré comme tème de récompenses et de punitions, constitue un vériprocédé général table procédé d'expérimentation qui est la plus précieuse

expérimentation.

source de la meilleure direction de l'enfant. On comprend, en effet, sans que j'y insiste, que la manière dont telle punition est acceptée, et les effets qu'elle produit, donnent immédiatement sur la nature spontanée de l'enfant de précieuses indications. C'est ainsi que l'on peut juger de sa gourmandise, de sa vanité, de sa modestie, de sa cupidité, etc., ce qui donne le moyen de bien choisir les punitions, de graduer leur intensité, et en même temps de connaitre sur quoi doit porter l'action modificatrice et de quelle manière elle doit s'y porter. La même observation s'applique aux procédés de récompense. C'est de cette manière qu'une mère intelligente et dévouée institue le véritable gouvernement de son enfant, en tenant compte des particularités effectives, sans oublier la limite générale, et plus ou moins idéale, que trace la morale systématique. La mère accomplira d'autant mieux ce grand office qu'elle y aura été préparée par une meilleure éducation systématique; mais, même

spontanément, cette expérimentation continue est la source d'une admirable connaissance de la nature humaine, quoique trop empirique. La pénalité involontaire, c'est-à-dire celle où l'autorité extérieure impose à l'individu des gênes et des privations, n'a de valeur réelle que quand elle est subie en partie volontairement, c'est-à-dire sans un esprit de révolte qui lui enlèverait toute son efficacité, pour conduire bientôt à un irrémédiable état de fureur. C'est ce qu'on oublie trop de nos jours. Le développement de l'esprit révolutionnaire a enlevé à la pénalité une partie de son efficacité, en lui ôtant ce degré de soumission volontaire que le catholicisme surtout avait essayé de lui donner. Ceci nous conduit à parler de la pénalité purement volontaire, c'est-à-dire de celle qui résulte des privations que l'on s'impose, des gênes artificielles que l'on se crée, essentiellement dans la satisfaction des penchants propres à la personnalité. Cette pénalité porte d'abord sur les diverses formes de l'instinct conservateur, puis des instincts sexuels, destructeurs et constructeurs, et enfin sur les manifestations diverses de la vanité et de l'orgueil. Pour bien comprendre le rôle de cette pénalité volontaire, il faut en suivre l'évolution, et c'est ce que nous allons faire sommairement.

tive du jeûne.

Chez les Grecs et les Romains, le système de ce que De la pénalité volo j'appelle la pénalité volontaire, c'est-à-dire l'ensemble faire. Théorie po des privations que l'on s'impose pour s'améliorer et se perfectionner, fut institué pour une destination précise la guerre. Néanmoins, il faut reconnaitre que les philosophes grecs conçurent le problème d'une manière abstraite, mais alors trop indéterminée. Socrate, notamment, insista sur ce procédé de perfectionnement, et les stoïques en firent une des bases de leur doctrine; mais c'est le catholicisme qui opéra, en Occident du moins, une systématisation complète à ce sujet, en lui donnant

une destination déterminée, quoique chimérique : le ciel. Tous les chrétiens s'assujettirent ainsi à des procédés de privations relatives à toute la série des instincts depuis l'instinct nutritif jusqu'à la cupidité et l'orgueil et même à des souffrances spéciales: le jeûne devint obligatoire à des époques déterminées. Le jeùne, outre l'épargne des matériaux, qui a été bien loin d'être inutile à une époque. où ni leur quantité ni la date de leur reproduction n'étaient trop assurées, apprenait aux puissants et aux riches les douleurs de la privation et développait ainsi en eux la commisération pour les misérables. Quant au perfectionnement de l'effort sur soi-même, il était incontestable. Les moines, d'abord en Orient, puis en Occident, firent de ce système d'une vie de privations la base de leur institution; outre une expérimentation qui pourra servir pour une vraie théorie de la nature humaine, ils offraient un type idéal qui réagissait sur l'ensemble du public. De plus, les natures supérieures allaient de temps en temps, par une retraite plus ou moins prolongée, retremper dans une telle solitude les forces élémentaires de leur vie morale. Les hommes les plus éminents du moyen âge, dans l'ordre spirituel, subirent presque tous, au début de leur vie, l'action de cet énergique procédé d'éducation. Le bouddhisme avait, du reste, dans l'Extrême-Orient, précédé le catholicisme dans une telle voie. Le monothéisme islamique imita cet exemple : il fit de la privation du vin une obligation absolue pour tous les vrais croyants qu'il assujettissait, d'un autre côté, à une période de jeûne obligatoire.

Mais le mouvement révolutionnaire en critiquant, en Occident, les exagérations monastiques n'a pas su comprendre l'importance du système des privations volontaires et jusqu'ici ce grand procédé d'éducation a été détruit sans être remplacé. A mesure que la maladie révolutionnaire va croissant, on tombe dans un excès

contraire à celui du moyen-âge et l'abus, de plus en plus grand, des excitants artificiels tend à compromettre la race elle-même. Du reste, la supériorité morale, à ce sujet, des musulmans sur les chrétiens émancipés, rend plus évidente l'importance d'un procédé dont le Positivisme reprendra la systématisation.

des peines.

Sans doute le gouvernement de la mère sur l'enfant Système général utilisera pour son perfectionnement cette pénalité volontaire, sans jamais pouvoir dispenser de la pénalité forcée. Celle-ci doit être considérée de plus en plus comme le complément de l'action maternelle portant sur l'emploi de l'affection. Mais la crainte, sous ses aspects divers, ne pourra jamais, pas plus pour l'enfant que pour l'homme, être éliminée du gouvernement de l'espèce. Les principes fondamentaux sont, du reste, les mêmes : il en est un surtout principal, c'est que la fixité de la peine importe plus que son intensité. La peine s'étend, du reste, depuis la souffrance propre à la sensibilité, jusqu'aux émotions pénibles déterminées dans nos divers penchants personnels et même sympathiques.

Mais le gouvernement de l'enfant, comme celui de l'homme, suppose la récompense comme la peine. Les récompenses s'adressent, en général, aux mêmes sources que la pénalité proprement dite; pour les unes comme pour les autres, il faut que la sagacité maternelle sache, les principes généraux une fois admis, tenir compte des particularités propres aux deux sexes, et aussi de celles qui sont spéciales à chaque individu, ce qui suppose une connaissance délicate de la nature humaine, et en même temps la développe. Aussi les femmes qui ont été mères, et qui ont élevé leurs enfants, sont-elles arrivées à une connaissance souvent très profonde de notre nature morale, qui produira les plus grands effets quand elles auront participé à une meilleure éducation abstraite.

Système généra des récompenses

Position

de la question.

MARCHE DE L'ÉDUCATION
PENDANT LA PREMIÈRE ENFANCE (1)

I

Institution générale de l'éducation pendant la première enfance et sa marche de la naissance à deux ans.

Après avoir institué la conception générale de la vie préliminaire ou préparatoire, et spécialement de la première enfance, les conditions sociologiques et morales qu'elle subit dans son évolution, et donné la systématisation de la morale personnelle dont l'institution doit commencer dans cette première période de la vie, il nous faut terminer la théorie de l'éducation dans la première enfance par celle de la marche graduelle qu'elle doit suivre. Il faut d'abord nettement nous rappeler que le but de la vie préparatoire est de faire parcourir à un nouvel être la même évolution qu'a parcourue l'espèce, jusqu'à l'époque où il est destiné à vivre; car le point de départ, pour l'individu comme pour l'espèce, est identiquement le même et quoique, aux diverses périodes de l'évolution sociale, l'individu arrive au monde avec des aptitudes dont l'intensité n'est pas toujours la même, néanmoins il arrive nu, sans force et sans connaissances, comme notre espèce au point de départ. Il faut donc que, par l'action de la Famille, de la Patrie et de l'Humanité, on arrive à lui faire parcourir les diverses étapes qui le mettront à même d'agir dans une situation précise et déterminée de l'évolution humaine. C'est là le grand

(1) Résumé de la cinquième leçon du Cours de morale pratique faite, le dimanche 6 décembre 1885, salle Gerson, de trois heures à cinq heures.

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