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nature avait fait pour Descartes, avant sa naissance; et comme par la boussole elle avait réuni les parties les plus éloignées du globe, par le télescope rapproché les dernières limites des cieux, par l'imprimerie elle avait établi la communication rapide du mouvement entre les esprits, d'un bout du monde à l'autre.

Tout était disposé pour une révolution; déjà est né celui qui doit faire ce grand changement; il ne resta à la nature que d'achever son ouvrage, et de mûrir Descartes pour le genre humain, comme elle a mûri le genre humain pour lui. THOMAS. Eloge de Descartes.

THOMAS (Antoine-Léonard),

Né en 1732, mort en 1785. Il se distingua comme orateur et comme poète. Ses Eloges de Sully, Descartes, Duguay-Trouin, &c. sont des chefs-d'œuvre de style et d'éloquence.

a Vasco de Gama, illustre navigateur portugais qui, le premier, doubla le cap de Bonne-Espérance, en 1497.

b Le Mexique et le Pérou.

Nicolas Copernic, célèbre astronome, né en Prusse en 1473, mort en 1543. Il découvrit le vrai système du monde.

d Tycho-Brahé, né en Danemark en 1546, mort en 1601. La grande éclipse de soleil en 1560 développa son goût pour l'astronomie, et il s'y livra entièrement. Craignant d'adopter le système de Copernic, qu'il croyait contraire à ses opinions religieuses, il en inventa un mixte, plus embarrassant que les autres. C'est cependant à juste titre qu'on l'a surnommé le restaurateur de l'astronomie.

e Képler, né dans le duché de Wittemberg en 1571, et mort en 1630. C'est à lui qu'on doit les expériences démonstratives sur la vraie cause de la pesanteur des corps.

f Galilée, né à Pise, en 1564. Il découvrit les quatre satellites de Jupiter et des taches au soleil et à la lune. L'inquisition, ayant pris ombrage du système qu'il enseignait, celui de Copernic, qui est le mouvement de la terre autour du soleil, il passa deux ans dans les prisons du saint-office, ce qui a fait dire spirituellement à Casimir Delavigne

"Galilée expia par deux ans de prison,

L'inexcusable tort d'avoir trop tôt raison."

Il fut obligé de se rétracter, et son livre fut brûlé. Il mourut en 1642, l'année même de la naissance de Newton.

¤ François Bacon, également célèbre comme philosophe et comme homme d'Etat, naquit à Londres en 1561. Après avoir occupé les premières charges de l'Angleterre, il mourut, dans la retraite et sans fortune, en 1626.

LE PONT-NEUF SOUS LOUIS XIII.

LE Pont-Neuf était d'ordinaire le point central où se réunissaient les marchands d'orviétan1 et de baume, les débitants d'élixir et de poudre de sympathie, les inventeurs de la panacée universelle, les arracheurs de dents; tous grands docteurs de la petite faculté. On y trouvait de plus les chanteurs de noëls, les escamoteurs2, les équilibristes; Tabarin et son théâtrea; par conséquent, force badauds et charlatans agissant réciproquement les uns sur les autres, par un grand pouvoir d'attraction.

Malheur au provincial, venu du Poitou ou de la Saintonge, jeté au milieu de cette cohue, et s'y fesant reconnaître à sa démarche gênée, à son air de circonspection, à son feutre1 à petit bord, ou à sa moustache écourtée! Il est bientôt le point de mire de tous, et les plus habiles opérateurs s'en emparent comme d'une proie pour leurs expériences.

Alors, assis malgré lui sur la sellette de la science, il se voit contraint de déguster3 des élixirs de toutes sortes; ses habits sont purgés de toute macule 6, par le frottement des pierres de propreté, qui ont le don de faire disparaître les taches, et, trois jours après, l'étoffe; son chapeau est remis à neuf, lustré, brûlé par des eaux dites de Jouvence; malheur à lui surtout, s'il a une dent douteuse dans la bouche: bonne ou mauvaise, elle lui est enlevée aux cris d'admiration du cercle! Trop heureux si, après avoir été martyrisé par les charlatans, il ne se retire pas encore dépouillé par les spectateurs; car le vol alors n'était pas seulement réputé métier de manants7, mais aussi délassement de gentilshommes.

P

X. B. SAINTINE.

SAINTINE (Xavier-Boniface),

Né à Paris en 1797. Auteur vivant. Nous avons de cet écrivain des romans et des pièces de théâtre qui jouissent d'une grande réputation.

Acteur renommé du xvIe siècle. Scaramouche et Turlupin florissaient vers le même temps.

b C'est-à-dire de la fontaine de Jouvence. Fontaine fabuleuse qu'on suppose avoir la vertu de rajeunir.

PASSAGE DU RHIN PAR LOUIS XIV.

Louis XIV avait pris les armes pour conquérir les Pays-Bas espagnols, sur lesquels Marie-Thérèse, sa femme, avait des droits. En 1672 il passe le Rhin, à la tête de 80,000 hommes, et envahit la Hollande. Cette guerre fut terminée par la paix et Louis XIV en dicta les conle Traité de Nimègue en 1678.

ditions.

CEPENDANT le roi fesait avancer ses armées vers le Rhin, dans ces pays qui confinent à la Hollande, à Cologne et à la Flandre. Il fesait distribuer de l'argent dans tous les villages, pour payer le dommage que ses troupes y pouvaient faire. Si quelque gentilhomme des environs venait se plaindre, il était sûr d'avoir un présent. Un envoyé du gouverneur des Pays-Bas, étant venu faire une représentation au roi sur quelques dégâts commis par les troupes, reçut, de la main du roi, son portrait enrichi de diamants, estimé plus de douze mille francs. Cette conduite attirait l'admiration des peuples, et augmentait la crainte de sa puissance.

Le roi était à la tête de sa maison et de ses plus belles troupes, qui se composaient de trente mille hommes: Turenne les commandait sous lui. Le prince de Condé avait une armée aussi forte. Les autres corps, conduits tantôt par Luxembourg, tantôt par Chamilli, fesaient dans l'occasion des armées séparées, ou se rejoignaient selon le besoin. On commença par assiéger à la fois quatre villes, dont le

nom ne mérite de place dans l'histoire que par cet événement: Rhinberg, Orsoy, Vesel, Burick. Elles furent prises presque aussitôt qu'elles furent investies. Celle de Rhinberg, que le roi voulut assiéger en personne, n'essuya pas un coup de canon; et, pour en assurer encore mieux la prise, on eut soin de corrompre le lieutenant de la place, Irlandais de nation, nommé Dosseri, qui eut la lâcheté de se vendre, et l'imprudence de se retirer ensuite à Maestricht, où le prince d'Orange le fit punir de mort.

Toutes les places qui bordent le Rhin et l'Issel se rendirent. Quelques gouverneurs envoyèrent leurs clefs, dès qu'ils virent seulement passer de loin un ou deux escadrons français; plusieurs officiers s'enfuirent des villes où ils étaient en garnison, avant que l'ennemi fût dans leur territoire; la consternation était générale. Le prince d'Orange n'avait point encore assez de troupes pour paraître en campagne. Toute la Hollande s'attendait à passer sous le joug, dès que le roi serait au-delà du Rhin. Le prince d'Orange fit faire à la hâte des lignes au-delà de ce fleuve, et, après les avoir faites, il reconnut l'impuissance de les garder. Il ne s'agissait plus que de savoir en quel endroit les Français voudraient faire un pont de bateaux, et de s'opposer, si on pouvait, à ce passage. En effet, l'intention du roi était de passer le fleuve sur un pont de ces petits bateaux inventés par Martineta; des gens du pays informèrent alors le prince de Condé, que la sécheresse de la saison avait formé un gué sur un bras du Rhin, auprès d'une vieille tourelle qui sert de bureau de péage, qu'on nomme Toll-huys (la maison du péage), dans laquelle il y avait dix-sept soldats. Le roi fit sonder ce gué par le comte de Guiche. Il n'y avait qu'environ vingt pas à nager au milieu de ce bras du fleuve, selon ce que dit dans ses lettres Pellisson", témoin oculaire, et ce que m'ont confirmé les habitants. Cet espace n'était rien, parce que plusieurs chevaux de front rompaient le fil de l'eau trèspeu rapide. L'abord était aisé: il n'y avait de l'autre côté de l'eau que quatre à cinq cents cavaliers, et deux faibles régiments d'infanterie sans canon. L'artillerie

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française les foudroyait en flanc. Tandis que la maison du roi et les meilleures troupes de cavalerie passèrent, sans risque, au nombre d'environ quinze mille hommes, le prince de Condé les côtoyait dans un bateau de cuivre.— 12 juin 1672. À peine quelques cavaliers hollandais entrèrent dans la rivière pour faire semblant de combattre ; ils s'enfuirent l'instant d'après, devant la multitude qui venait à eux. Leur infanterie mit aussitôt bas les armes, et demanda la vie. On ne perdit dans le passage que le comte de Nogent et quelques cavaliers qui, s'étant écartés du gué, se noyèrent; et il n'y aurait eu personne de tué dans cette journée, sans l'imprudence du jeune duc de Longueville. On dit qu'ayant la tête pleine des fumées du vin, il tira un coup de pistolet sur les ennemis qui demandaient la vie à genoux, en leur criant: "Point de quartier pour cette canaille!" il tua du coup un de leurs officiers. L'infanterie hollandaise désespérée reprit à l'instant ses armes, et fit une décharge dont le duc de Longueville fut tué. Un capitaine de cavalerie nommé Ossembroek, qui ne s'était point enfui avec les autres, court au prince de Condé, qui montait alors à cheval en sortant de la rivière, et lui appuie son pistolet à la tête. Le prince par un mouvement détourna le coup, qui lui fracassa le poignet: Condé ne reçut jamais que cette blessure dans toutes ses campagnes. Les Français irrités firent mainbasse sur cette infanterie, qui se mit à fuir de tous côtés. Louis XIV passa sur un pont de bateaux avec l'infanterie, après avoir dirigé lui-même toute la marche.

Tel fut ce passage du Rhin, action éclatante et unique, célébrée alors comme un des grands événements qui dussent occuper la mémoire des hommes. Cet air de grandeur dont le roi relevait toutes ses actions, le bonheur rapide de ses conquêtes, la splendeur de son règne, l'idolâtrie de ses courtisans, enfin le goût que le peuple, et surtout les Parisiens, ont pour l'exagération, joint à l'ignorance de la guerre, où l'on est dans l'oisiveté des grandes villes : tout cela fit regarder, à Paris, le passage du Rhin comme un prodige qu'on exagérait encore. L'opinion commune était

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