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venir croyant au seul Dieu1. La politique lui persuadait à la fois le Christianisme, et l'en dissuadait.

Pendant qu'il doutait et délibérait, Chlotilde lui donnait un fils. La pieuse reine, profitant avec habileté de la joie du roi, exigea que l'enfant fût fait chrétien. Chlovis, déjà ébranlé, consentit. Il trouvait bon d'avoir cette occasion d'éprouver les dispositions de ses Francs. Le jeune prince eut donc le baptême. Mais, à quelques jours de là il mourut, et le roi, troublé, retourna en arrière et se repentit.

Chlotilde eut un second fils. Elle insista encore, et obtint encore pour lui le baptême. Mais voilà que l'enfant est tout à coup saisi du même mal que son frère. Chlovis éclate alors en reproches, s'imaginant que la colère de ses anciens dieux le poursuit. Chlotilde, deux fois malheureuse, est consternée et désespérée. Mère, elle pleure; chrétienne, elle prie. Avec elle, prient aussi ses Chrétiens. Enfin, la mort est fléchie, et l'enfant guérit. Chlovis, encouragé, commence à croire au Dieu de Chlotilde.

D'autres événements survinrent. Sur le territoire enfermé entre le Danube, le Rhin et le Mein, deux peuples étaient établis, les Suèves et les Allemands. L'exemple donné par les Francs, les Visigoths et les Bourguignons, les excitait à chercher à leur tour un meilleur établissement dans de plus heureuses contrées. Ayant uni leurs forces, ils marchent, et, rencontrant au passage, les Ripuaires, alliés des Francs, et enfants, comme eux, des anciens Sicambres, ils font effort pour les surmonter. Ceuxci appellent les Francs, et Chlovis accourt. Il n'avait garde de leur refuser une protection dont il comptait leur faire comprendre et payer le prix.

On combattit à Tolbiace, auprès de Cologne. Sigebert, de la race de Chlovis, gouvernait ce pays avec le titre de roi. Ce fut lui qui commença l'attaque, tombant sur les Allemands avec une grande résolution. Mais il succomba. Ses troupes, rebutées, reculèrent, et, renversé lui-même et blessé, son fils ne le retira qu'à grand' peine de la mêlée.

Tout fut alors, chez les Francs, terreur et désordre. Chez les Allemands, l'ardeur et l'acharnement redoublaient. En un instant, Chlovis, pressé et environné, se vit dans un extrême péril; il allait perdre sa gloire. Aurélian, alors s'approchant:" Chlovis," dit-il, "te fieras-tu toujours à tes dieux ?" "Non," reprit le roi; "ils sont vains. Je le connais bien à cette heure. Dieu des Chrétiens! sois-moi en aide; je me voue à toi." Et, disant ainsi, il s'élance. Le courage revient aux siens, et l'on ne fuit plus. L'ennemi s'étonne. Il poursuivait des troupes rompues, c'est lui maintenant que l'on va rompre et poursuivre ; il était vainqueur, le voilà vaincu.

Le carnage fut grand; le roi des Allemands fut tué; la nation passa sous le joug, et paya tribut.

...

"Nous renon

Chlovis vint à Reims. Là, ayant fait assembler les Francs, il se préparait à leur expliquer sa résolution. Mais, prévenu par des acclamations unanimes: çons les dieux mortels," criait le peuple: Remi1, et n'obéirons qu'au Dieu immortel."

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nous croirons

On prépara la solennité du baptême. L'église de SaintMartin fut parée avec une grande somptuosité. Trois mille catéchumènes des Francs suivirent le roi au baptême, et, quand ce prince s'avança, vêtu de blanc, pour le recevoir: "Sicambre,” lui dit saint-Remi, “humilie-toi et abaisse ta tête; brûle ce que tu as adoré, et adore ce que tu as brûlé." LE COMTE DE PEYRONNET.

PEYRONNET (Charles-Ignace, comte de),

Né en 1775; auteur vivant. Elevé au comble des honneurs politiques sous Charles X, il a vu tout à coup s'écrouler l'édifice de sa grandeur (à la révolution de juillet 1830). Nous avons de M. de Peyronnet l'Histoire des Francs.

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Chlovis, ou Clovis selon l'orthographe généralement adoptée, fils de Childéric, monta sur le trône des Francs en 481, à l'âge de quinze ans. Comme conquérant et premier roi chrétien, il est le véritable fondateur de la monarchie française. Il combattit Siagrius, général romain, en 485; les Allemands à Tolbiac en 496; Gondebaud, roi de Bourgogne, la même année; les Armoricains ou Bretons, en 503; Alaric,

roi des Visigoths, à Poitiers, en 507, etc. Il mourut à Paris en 511, e laissa quatre fils, Thierry (ou Théodoric), Clodomir, Childebert et Clotaire.

b Clotilde, fille de Chilpéric, roi de Bourgogne, était chrétienne, belle, spirituelle, bonne et pieuse; c'était une princesse accomplie. Gondebaud, son oncle, ayant massacré Chilpéric et toute sa famille pour s'emparer de la couronne, elle vivait renfermée dans le palais de l'usurpateur; mais le bruit de sa beauté étant parvenu jusqu'à Clovis, celui-ci la demanda en mariage à Gondebaud, qui n'osa la lui refuser; et il l'épousa à Soissons en 493.

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Les Allemands, ainsi que les Francs, naguère rivaux de gloire et de puissance, avaient ravagé les Gaules pendant deux siècles. Restés seuls dans leur ancienne patrie, ils se regardaient comme exclus d'un héritage qu'ils croyaient devoir être commun, et combattaient pour le

recouvrer.

d Les Francs étaient divisés en tribus: celle des Ripuaires et celle des Saliens, qui avaient Clovis pour roi, étaient les plus considérables. e Tolbiac, aujourd'hui Zulpich ou Zulz.

f Quelque temps après cette bataille, ce même fils (Clodoric), excité par les conseils de Clovis, assassina son père, et fut tué à son tour par des émissaires de Clovis, qui, par ce double crime, se rendit maître de la tribu des Ripuaires.

8 Aurélian, ministre de Clovis, était gaulois et chrétien; ce fut lui qui négocia son mariage avec Clotilde.

1 Saint-Remi, ou Rémy, évêque de Reims, s'était concilié l'estime et l'amitié des Francs pendant la guerre de Soissons; ce fut lui surtout qui instruisit Clovis dans les vérités de la religion.

RÈGNE DE CHARLEMAGNEa.

CHARLEMAGNE Songea à tenir le pouvoir de la noblesse dans ses limites, et à empêcher l'oppression du clergé et des hommes libres. Il mit un tel tempérament dans les ordres de l'État, qu'ils furent contrebalancés, et qu'il resta le maître. Tout fut uni par la force de son génie. Il mena continuellement la noblesse d'expédition en expédition; il ne lui laissa pas le temps de former des desseins, et l'occupa tout entière à suivre les siens. L'Empire se maintint par la grandeur du chef: le prince était grand, l'homme l'était davantage. Les rois, ses enfants, furent ses premiers sujets, les instruments de son pouvoir, et les

modèles de l'obéissance. Il fit d'admirables réglements; il fit plus, il les fit exécuter. Son génie se répandit sur toutes les parties de l'Empire. On voit, dans les lois de ce prince, un esprit de prévoyance qui comprend tout, et une certaine force qui entraîne tout. Les prétextes pour éluder les devoirs sont ôtés, les négligences corrigées, les abus réformés ou prévenus. Il savait punir; il savait encore mieux pardonner. Vaste dans ses desseins, simple dans l'exécution, personne n'eut à un plus haut degré l'art de faire les plus grandes choses avec facilité, les difficiles avec promptitude. Il parcourait sans cesse son vaste empire, portant la main partout où il allait tomber. Ses affaires renaissaient de toutes parts, il les finissait de toutes parts. Jamais prince ne sut mieux braver les dangers, jamais prince ne les sut mieux éviter. Il se joua de tous les périls, et particulièrement de ceux qu'éprouvent presque toujours les grands conquérants, je veux dire les conspirations. Ce prince prodigieux était extrêmement modéré; son caractère était doux, ses manières simples; il aimait à vivre avec les gens de sa cour. Il mit une règle admirable dans sa dépense: il fit valoir ses domaines avec sagesse, avec attention, avec économie; un père de famille pourrait apprendre dans ses lois à gouverner sa maison. On voit dans ses capitulaires la source pure et sacrée d'où il tira ses richesses. Je ne dirai plus qu'un mot: il ordonnait qu'on vendît les œufs des basses-cours de ses domaines et les herbes inutiles de ses jardins, et il avait distribué à ses peuples toutes les richesses des Lombards et les immenses trésors de ces Huns qui avaient dépouillé l'univers.

MONTESQUIEU. Esprit des Lois.

MONTESQUIEU (Charles de SECONDAT, baron de),

Président au parlement de Bordeaux; né en 1689, mort en 1755. Montesquieu avait trente ans lorsqu'il publia les Lettres Persanes, satire pétillante d'esprit et pleine d'observations judicieuses et profondes. Sept ans plus tard, il fut reçu à l'Académie française, et publia son rapide et admirable tableau des Causes de la grandeur et de la décadence des Romains, sujet usé qu'il sut rajeunir par des considérations politiques de la plus haute portée et par d'éner

giques peintures. Parut ensuite l'immortel ouvrage de l'Esprit des Lois, l'œuvre de toute sa vie, et son véritable titre à la gloire. "Le genre humain," a-t-on dit, "avait perdu ses titres: Montesquieu les a retrouvés et les lui a rendus."

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Charlemagne, roi de France et empereur d'Occident, mort en 814.

BATAILLE DE BOUVINES.

Jean Sans-Terre, menacé dans sa couronne d'Angleterre par Philippe-Auguste et par ses propres sujets, se ligua contre le roi de France avec Othon IV, empereur d'Allemagne, et les comtes de Flandre et de Boulogne. Les armées se rencontrèrent à Bouvines, village du département du Nord à deux lieues et demie de Lille, le 27 juillet 1214. Les Français terrassèrent cette ligue européenne, et fondèrent en cette journée le premier monument de leur gloire nationale.

La bataille se donna le 27 juillet, un des jours les plus chauds de l'année, sous un soleil ardent, et dura depuis midi jusqu'à la nuit. Le roi, qui avait marché toute la matinée, ne comptait pas combattre dans ce jour. Il avait pris la résolution de faire reposer ses troupes harassées, et lui-même jouissait d'un peu de fraîcheur au pied d'un frêne, lorsqu'on vint l'avertir que les ennemis paraissaient. Il entendait déjà, dans les postes avancés, le cliquetis1 des armes. Aussitôt il reprend les siennes, fait une courte prière dans une chapelle qui se trouvait près de lui; et, comme il soupçonnait des traîtres dans son camp, il ima gine de les lier par une espèce de serment qu'ils auraient honte de rompre. Ce monarque fait poser son sceptre et sa couronne sur un autel portatif, à la vue de son armée; puis élevant la voix: "Seigneurs français," dit-il, "et vous, valeureux soldats, qui êtes prêts à exposer votre vie pour la défense de cette couronne, si vous jugez qu'il y ait quelqu'un parmi vous qui en soit plus digne que moi, je la lui cède volontiers, pourvu que vous vous disposiez à la conserver entière, et à ne la pas laisser démembrer par ces

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