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les Septante 1 577 ans, Jofeph en comp

te 1697.

L'églife a jugé ces questions fiindifférentes,qu'après avoir fuivi avec faint Jérôme la fupputation de l'Hébreu dans la vulgate,elle a laiffé celle des Septante dans fon martyrologe.

C'eft fur Akiba qu'eft tombé le foup. çon d'avoir altéré le texte Hébreu de la Genéfe [f]. Cette altération fe rapporte à l'âge qu'avoient les Patriarches, lorfqu'il leur naiffoit des enfants. Il eft notoire que les Patriarches à la naif fance de leurs enfants étoient plus vieux felon la bible des Septante que felon la bible Hébraïque. Le plus grand nombre préfére le texte Hébreu au texte Grec : des fçavants d'élite foutiennent l'autre fentiment. Le pére D. Paul Pezron qui fuit cette derniére opinion [g], croit que les Juifs ont altéré le texte Hébreu dans le temps qui s'eft écoulé depuis la ruine de Jéru falem fous Tite, jufqu'à la douzieme année de l'empereur Adrien, que c'est dans la verfion des Septante qu'on doit chercher la vraie chronologie, & non dans le texte Hébreu qui a été corrompu, ainsi que cet auteur [b] prétend le prouver.

Les Chrétiens preffoient les Juifs par les traditions des Juifs mêmes, qui portoient que le Chrift viendroit aprés fix mille ans : cela les embaraffoit beaucoup, & c'eft pourquoi il eft dit dans le Talmud qu'Akiba & Samfaï fupputoient les années, dont on tiroit contr'eux de fi forts arguments. Pour éluder cette objection, ils prirent le parti vraisemblablement d'altérer le texte Hébreu de l'écriture dans le cal

[f]Diet. crit. de Bayle, not. fur Akiba. "Ig] De l'antiquité des temps, e. 16. [b]Lep.Pezron de l'ant,des temps rétabliez. - Ibidem, c. 4.

cul de l'âge des Patriarches, & de retrancher par cette fauffeté environ quinze fiécles [7], pour prouver que le temps du Meffie n'étoit pas en core arrivé.

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Le pére Tournemine [k] avoue qu'il eft difficile de concilier unefpace de temps auffi court que celui qui réfute du texte Hébreu avec la difperfion des peuples fur la terre, peuples fur la terre, & l'établissement des anciens roiaumes qui fubfiftoient au temps de la fortie des Ifraëlites de l'Egypte, & il propofe une conjecture qui donneroit à cet intervalle de temps, qui s'eft écoulé depuis le déluge jusqu'à la fortie de l'Egypte, l'étenduë qui paroît néceffaire, & qui conferveroit le texte Hébreu en entier. Il croit que dans le chapitreonzième de la Genése, il faut foufentendre au texte Hébreu le nombre cent, lorsqu'il est parlé de l'âge auquel les Patriarches ont eu leurs enfants; que ce nombre exprimé au prémier article de Sem n'avoit pas be loin d'être répété aux articles d'Arphaxad, & des Patriarches fuivants, de même que fi un hiftorien écrivoit qu'Henri IV. eut Louis XIII. en 1601. que ce dernier eut Louis XIV. en 638. & Philippe de France en 640. le nombre mille qui eft capital, fe pourroit foufentendre aifément.

Cette conjecture ne léve pas toutes les difficultés; mais elle augmente l'étenduë de cet intervalle.

Avant que d'entrer dans aucune differtation de l'arrangement des temps, Des Cycles il faut fe faire une idée claire du cycle [] du foleil, du nombre d'or, & de l'indiction.

Le cycle folaire ou des lettres do

[k] Le p. Tournemine, differtat, chronolog. à la fin de fon édition des notes de Menochius fur l'écriture.

[1] Un cycle eft une fuite de nombres e

minicales, étoit une révolution de vingt-huit années, aprés lefquelles les jours de chaque femaine fe trouvoient marqués dans le même ordre & par les mêmes lettres: & l'année civile avoit le même commencement, que l'année du même quantiéme qui lui répondoit dans les autres cycles c'est-à-dire, que la prémiere année d'un cycle commen. çoit par le même jour & étoit marquée de la même lettre, que toutes les prémiéres années des autres cycles, & ainfi de toutes les années fuivantes. Tout le myftére confifte donc en ce que l'année ordinaire eft compofée de 365. jours qui font cinquante-deux femai. nes & un jour, ainfi le dernier jour de l'année eft le même jour de la semaine que le prémier, & l'année d'aprés commence par le jour fuivant.En fuppofant donc qu'une année non biflextile a commencé par le Dimanche, l'année d'aprés commence par le Lundi. Sans les biffextes le cycle folaire s'acheve roit en fept ans, mais les bifextes ajoû tant un jour à l'année de quatre en quatre ans,il falloit faire le cycle de vingthuit années, pour revenir au même commencement & retrouver la même fuite de jours & de lettres.

Le cycle lunaire ou le nombre d'or donna plus de peine à régler. La nouvelle lune naturelle eft le jour où elle paroît nouvelle, en fortant de la con, jonction avec le foleil qui la faifoit difparoître par l'éclat de fes raïons. La nouvelle lune civile est le jour mar qué pour tel dans le Calendrier, & qui étoit indiqué par le nombre d'or ainfi nommé parcequ'il étoit ordinaire.

qui fe fuccédent fans interruption & de fuite depuis le premier jusqu'au dernier, d'où retournant immédiatement au prémier, ils gardent toujours entr'eux le méme or dre par une circulation continuelle,

ment diftingué par des lettres dorées :

L'année des Grecs étoit divifée à l'éxemple de tout cercle, en 360. de. grés,& partagée anciennement en 360. jours. Leurs mois étoient de trente jours. Leurs fêtes & la célébration des jeux Olympiques fixée au temps de la prêmiere lune aprés le folftice d'été, [m] les obligérent à faire des intercalations, qu'ils appelloient les myftéres des Olympiades.

Leurs aftronomes travaillérent à trouver un cycle qui ajustât le mouvement des deux luminaires, c'eft-à-dire, aprés lequel le foleil & la lune revins fent au même point, par l'intercalation ou infertion d'un ou de plufieurs mois lunaires.Car il eft néceffaire d'obferver qu'il y a prés d'onze jours de différence entre l'année folaire & l'année lunaire, c'est-à-dire,que le foleil met 365.jours 5. heures & 49. minutes à parcourir le Zodiaque, au lieu que la lune n'em. ploie que 354- jours & environ huit heures à fournir douze de fes révolu tions,& à le trouver douze fois en con jonction & en oppofition avec le foleil.

La prémiére tentative fut celle du cycle de deux ans, où l'on faifoit une intercalation d'un mois : ce qui n'étoit pas jufte.Car en deux ans les années folaires ne paffent les lunaires que de vingt-deux jours, & le mois lunaire qu'on ajoûtoit, étoit de vingt - neuf jours & demi.

On fe fervit enfuite du cycle de qua tre ans, mais on n'y trouva pas affez de jufteffe, car quatre années folaires paffent environ de quarante-trois jours & demi autant d'années lunaires;

[m] Scalig. de emendat. temp. lib. 1. Petav. de do&rinâ tempor. in paralip. & ration, tompor. part. 2. lib. 30

C. I.

& l'addition d'un mois lunaire, ou de vingt-neuf jours & demi ne fuffifoit pas à quatorze jours prés.Pour y rémédier on fit un nouveau cycle de huit ans, nommé du mot grec Octaëtéride, dans lequel on intercala trois mois. Ce cycle étoit beaucoup plus jufte, car la différence n'étoit plus que d'environ un jour & demi dans les huit années. Auffi ce cycle dura-t-il long-temps', mais à la longue l'erreur devint fenfible,& Méton Athénien publia fon cycle de dix-neuf ans ou Ennéadécatéride l'année 432. avant Jésus-Chrift, qui précéda celle où commença la guerre du Péloponnése. Ce cycle étoit compofé de dix-neuf années lunaires avec fept mois [n] d'in tercalation. Chaque année, où fe faifoit l'intercalation avoit treize mois, les autres années du cycle n'en avoient que douze. H ne s'en falloit que d'environ une heure & demie, que ce cycle ne ramenât les deux luminaires au mê me terme, en forte qu'à cette différence prés, on avoit la nouvelle & la pleine lune dans quelque année que ce fut du cycle, au même point qu'à pareille année du cycle précédent, ou dix-neuf ans auparavant. Méton avoit compofé fon cycle de fix mille neuf cents qua rante jours complets;Callippe [o]releva cette irrégularité,& aïant calculé dixneuf années folaires fur le pié de 6.939.jours & 18. heures, pour ajuster ces deux efpaces, ilimagina fon cycle ou fa période de 76. ans, qui étant compofée de quatre cycles de Méton retranchoit un jour à la fin de ces qua

[n] Les années où fe faifoient les addi tions des mois, étoient felon le pére Petau, les troifiéme, fixiéme, buittiéme, onziéme, quatorziéme, dix-septième, dixneuviéme: felon Doduvel, les troifiéme, cinquième, buitiéme, onzième, treiziénie, feiziéme, & dix-neuvième.

tre cycles, & n'étoit plus que de vingt. fept mille fept cents cinquante-neuf jours, au-lieu que les quatre cycles de Méton renfermoient 27760. jours,

Cette période de Callippe appro choit fort de la précifion la plus éxacte, quoiqu'il reftât encore fur le total une différence de prés de fix heures dans le retour au même point, & la rencontre des deux luminaires. Le cycle de Mé ton de dix-neuf ans, ou le nombre d'or fut adopté par les prémiers Chrétiens. Je paffe à une explication fommaire de ce qu'on doit entendre par indiction.

Quelques auteurs font remonter l'o. rigine des indictions à Jules Céfar; d'autresla rapportent à Augufte: le plus grand nombre en fait Conftantin l'inftituteur aprés la défaite du tyran Maxence. L'indiction étoit un cycle ou une révolution de quinze années aprés lesquelles on recommençoit à compter par un ainfi aprés avoir marqué ane année par la quinziéme de indiction, on charactérifoit l'année fuivante par la prémiére de l'indiction.

Les chronologiftes diftinguent trois fortes d'indictions; la Conftantinopolitaine, qui commence avec l'année vulgaire des Grecs au prémier Septembre; l'Impériale ou Céfarienne, qui commence au vingt-quatre Septembre, jour de la défaite de Maxence; & la Romaine ou Pontificale dont on fe fert dans les bulles de Rome, qui commence au prémier Janvier avec l'année Julienne. Mais d'autres [p]croïent que d'abord elle commença à Noël. L'année,

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Des pério

L'année 313.de l'ére Chrétienne paffe communément pour la prémiére des indictions. Le nom fignifie l'impofition d'un tribut. Il eft affez vraifemblable que c'étoit l'impofition des fommes que les provinces devoient fournir aux troupes pour leur fubfiftance;que cette impofition fe renouvelloit tous les ans un peu avant l'hyver comme la taille parmi nous, & que l'on en comptoit quinze de fuite, parce que les foldats Romains étoient obligés de fervir quinze campagnes. C'est l'opinion commune que Conftantin fubftitua les indictions aux Olympiades, par lefquelles on ceffa de compter vers ces temps-là.

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La période Julienne inventée par des tales. Jofeph Scaliger en 1582. eft une époque idéale & imaginaire, mais fixe pour éviter toute difpute de chronologie. Scaliger l'a compofée des trois cycles, du cycle folaire, ou des lettres dominicales, de 28. années; du cycle Junaire, ou du nombre d'or de 19.années; & de l'indiction de quinze années. Ainfi en multipliant 28. par 19. & le produit qui eft 532. par 15. il a compofé fa période de 7980. années Juliennes, de 365, jours & fix heures juftes, telles que Céfar les régla, lorfqu'il réforma le Calendrier Romain.

Scaliger prit les trois charactérifmes connus de la prémiére année qui lui vint dans l'efprit, & faisant un calcul rétrograde jufqu'à une année qui comptât un de cycle folaire, un de nombre d'or, & un d'indiction, il y fixa le commencement de fa période, au bout de laquelle il doit revenir perpétuellement un même nombre d'années, qui fe fuivront avec le même ordre des trois charactérismes. Cette période conftitue une époque invaria

Tom. I.

[q] Petiv. de doctrinâ tempor.

ble qui remonte au-delà de la création du monde, qui eft indépendante de toute difpute chronologique, & propre à être reçûë par ceux qui font de différents fentiments fur l'époque de la création du monde, ou fur les épo ques attachées aux événements réels & marqués dans l'histoire. Lorsqu'un chronologifte marque par exemple l'an du monde 3001, on ne peut comprendre ce qu'il entend, à moins que l'on en fçache combien il compte d'années depuis la création jufqu'à l'ére vulgaire : au-lieu que s'il marque l'an 3710. de la période Julienne, on conçoit clairement de quel temps il parle, parce que cette période ne varie point, & qu'elle eft uniforme pour touts les chronologiftes.

Si vous trouvez donc [q] qu'un fait eft arrivé, par exemple, l'an de la période Julienne 3700. il n'y aura qu'à fouftraire ce nombre de l'année 4714. de cette période, qui répond à la prémiére année de l'ére chrétienne : & vous connoîtrez que l'an 3700. de la période Julienne eft un espace de 1014. ans avant l'ére vulgaire.

Mais la période Julienne ne peut être d'aucun ufage dans tous les fyftémes, qui comptent plus de quatre mille fept-cents quatorze ans, depuis la création du monde, jusqu'à la venuë dú Meffie. La période Julienne eft trop courte pour ces fyftémes,elle n'atteint pas jufqu'à l'époque de la création du monde. Car le commencement de l'ére vulgaire dans la période Julienne eft fixé à l'année 4714. parce que la prémiére année de l'ére vulgaire avoit dix de cycle folaire avec la lettre dominicale B, deux de nombre d'or, & quatre d'indiction. Or dans les 7980. années dont la période Julienne eft com

M

pofée, tous ces charactérismes réunis ne peuvent convenir qu'à l'année 4714. de cette période.

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Une période nouvellement inventée a remédié à ce défaut effentiel. C'eft la période Louife [r] inventée par le pére Jean-Louis d'Amiens capucin, à laquelle il a donné le nom de Louis le grand en 1683. comme Jofeph Scaliger a donné le nom de Jules Céfarà la fienne. Cette période multiplie les cycles folaire & lunaire par le nombre de trente des épactes, au-lieu de les multiplier par le nombre de quinze des indictions: ce qui produit 15960. l'ére vulgaire fe rencontre dans cette période à l'an 7373. elle devance parconféquent la période Julienne de 2659. ans, & elle renferme toutes les fupputations des différents fyftémes dont les plus étendues ne vont pas à 7000. ans. Il y a la même facilité à expliquer les dates de la période Louife, que celles de la période Julienne Si Vous trouvez, par exemple, un fait daté, l'an de la période Louife 6359. il n'y aura qu'à fouftraire ce nombre de l'année 7373. qui répond au commencement de l'ére chrétienne vous connoîtrez que l'an 6359. de la période Louise eft l'an 1014. avant Jéfus-Chrift. Il ne manque [s] à cette période qu'un nouveau Scaliger pour lui donner cours. Car ce qui eft préfenté avec humilité & modeftie, & qui n'eft point revêtu de l'éclat de l'autorité, ou de la réputation, n'a guéres plus de fuccés dans l'empire des lettres, que dans celui de la fortune; & l'opinion à cet égard domine prefqu'autant fur les fçavants que fur le peuple.

&

Si l'on trouvoit une date de la pé[r] Atlas des temps du p. Jean Louis d'A

miens.

[s] Meth. pour étud l'hift, de M. l'abbé

riode Julienne qui excédât 4714. ans, ou une date de la période Louise d'un nombre qui furpaffat 7373. ans, il n'y auroit qu'à fouftraire l'un de ces deux nombres, de celui de la date, & le nombre qui refteroit feroit l'année de l'ére vulgaire. Ainfi pour connoître dans la période Louife, par exemple, la date de l'an huit mille trois cents foixante & treize, je fouftrais à ce nombre celui de 7373. qui répond au commencement de l'ére chrétienne, & le nombre de mille qui refte, marque l'an mil de l'ére vulgaire. Mais ces périodes font inutiles pour dater les années dépuis la venue de Jésus-Chrift, parce que l'ére vulgaire eft une date fixe, & commune à tous les Chronologiftes. Dans le fond ces périodes idéales ne font pas plus néceffaires pour les temps qui ont précédé la naissance du Sauveur. L'époque fixe & commune de l'ére Chrétienne peut fuffire à tous les temps. Celui qui date un fait mille ans avant l'ére vulgaire, n'a pas befoin d'expliquer s'il fuit le calcul d'Ufférius ou celui des tables Alphonfines: il fe fait entendre en général & dans touts les fyftémes, auffi-bien que celui qui date l'an 3714. de la période Julienne; ou l'an 6373. de la période Louife. L'ére chrétienne eft une échelle chronologique, d'où l'on peut remonter aufli aifément aux temps anterieurs, que defcendre aux temps poftérieurs jufqu'à nous. Mais il faut connoître les périodes imaginaires des chronologif tes pour, entendre leur langage: & c'eft une réflexion qui fe, préfente naturellement à ce fujet, que prefque toutes les fciences ont été rendues plus épineufes par le ftyle de ceux qui en ont traité.

Lenglet du Frefnoi, t. 1. c. 4.

[t] Diod. Sic. lib. 1. Plutarch. in Num. Varro, ap Laftant, lib.2.c. 13.

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