Page images
PDF
EPUB

nouvelles, des fentiments renouvellés des anciens, on a auffi en plufieurs occafions fait honneur aux anciens, de bien des chofes, aufquelles ils n'ont ja mais penfé, & dont l'invention a été le fruit des recherches laborieufes, ou des peniées heureufes des modernes, foit que la jaloufie, ou que la vénération pour l'antiquité ait fait naître cette derniére prévention.

Cependant Harvé, auquel on attribue la découverte de la circulation du fang, a reconnu [b] qu'elle fe trouve dans Ariftote. Mais cet aveu d'Harvé n'a t-il point été un artifice, pour engager à recevoir le fentiment qu'il propofoit, en l'autorifant d'un fuftrage, qui étoit, furtout alors, d'un fi grand poids? L'honneur de cette découverte n'eft pas attribué à Harvé, d'un consentement unanime. Almeloveen cite un paffage d'André Cefalpinus, qui contient fort clairement la doctrine de la circulation du fang. Jean Leonicenus dit que le pére Paul Sarpi auteur de la fameufe hiftoire du concile de Trente, & qu'on appelle communément Fra Paolo, découvrit la circulation du fang, & lesvalvules des veines, qu'il ne communiqua fon fecret, qu'au feul Aquapendente, qui ne fit pas difficulté difficulté de s'ouvrir à un jeune Anglois, nommé Harvé, qui étudioit fous lui à Padouë, & qui s'étant affuré de la circulation du fang par plufieurs expériences, s'en attribua la découverte. On trouve [c] que cette connoiffance de la circulation du fang eft fort ancienne parmi les mé decins Chinois.

La viteffe

Nos modernes ont prétendu con- 73. noître la viteffe du fang dans la circu- du fang. lation. Suivant le calcul [d] de Ro. calculée. hault, il fe fait trois circulations de tout le fang dans l'efpace d'une heure. Quelques phyficiens ont donné depuis Rohault une bien plus grande rapidité au cours du fang. Je fuppofe, dit le pére Regnault [e], que la cavité gauche du cœur contient deux onces de fang. Selon les obfervations de Lower, elle peut en contenir davantage. Je fuppofe que cette cavité se vuide à chaque battement du cœur. Une raifon entre plufieurs autres, pour le croire ainsi, c'eft qu'on voit le cœur d'une grenouille blanchir dans la fyftole, ou dans la contraction. Lifther prétend que le cœur bat 75. fois dans une minute: je fuppofe que dans une minute, il bat précisément 60. fois, c'est-à dire, une fois chaque feconde. Cela fuppofé, le cœur battra trois mille fix cents fois par heure: car 60. fois 60, ou le quarréde 60, eft ; 600.Par conséquent dans une heure il paffera par le cœur 7200.onces de fang, puifque chaque battement du cœur en pouffera deux onces dans l'aorte; fept mille deux cents onces de fang feront fix cents fois 12.nces, ou 600, livres de fang. Il paffera donc au travers du cœur la valeur de fix cents livres de fang en une heure, ou ce qui revient au même, 25. livres de fang pafferont par le cœur 24. fois en une heure, ou 576. fais chaque jour. Si la maffe du fang, comme le fuppofe comme le fuppofe Lower, monte à 25. livres, tout le fang paffera par le Hhhh 2

[b] Rapin, compar. de Plat. & d'Arift. part. 3. ch.6.Janus Leonicenus in metamorph. Efculap. Apollin. Theod. I ansson, ab Almeloveen, invent, nov. antiq. §. 28.

[c] Hift. dumonde de Cheureau, 8.7,liv. 9.p.379.

[d] Phyfig.de Rehault, part.4. c.14. [e] Lep, Regnault, entret.physiq.entret.8.

parties inté

lang.

cœur 14. fois en une heure, ou 576.fois chaque jour.

Les modernes prétendent auffi déFigure des couvrir la figure des parties intégrangrantes du tes du fang. Ils affurent qu'ils les voient avec le microscope; qu'on voit le fang, par exemple, couler dans les artéres & dans les veines des nageoires d'un poiffon, comme de petits grains d'un rouge noirâtre, qui font emportés dans une liqueur claire & tranfparente.

Leeuwenoek [fla même difcerné la figure de ces grains, en a déterminé la groffeur, & une des plus célébres académies de l'Europe admira fon adresse, fa pénétration & fa conftance dans ces recherches. Suivant les découvertes ou les conjectures de cet auteur, les parties du fang humain font autant de globules, qui ne font que vingt-cinq mille fois plus petits qu'un grain de fable; chacun d'eux eft compofé de fix avires; chacun tourne fur fon centre; ils font molets, flexibles & pefants; & de là vient que dès que le fang eft hors des veines, & que la férofité dans laquelle nagent fes globules, s'eft un peu refroidie, & a perdu fon mouvement, ils tombent au fond du vaif. feau, ils s'affaiffent, ils s'applatiffent les uns fur les autres, & laiffent audeffus d'eux ce fluide plus fubtil, qui

leur procuroit toute leur agitation.

des and

Ariftote a penfé des prémiers que fenti le fang fe faifoit au cœur; ce qui avoit renouv été rejetté comme une erreur; & qui enfin s'eft trouvé véritable par les expériences. Le canal thorachique, dont on a attribué la découverte à Pecquet en 1651. fe trouve dans un livre imprimé à Venife en 1561. composé par un médecin de Rome, nommé Barthélemi Eustache, Alméloveen prétend prouver qu'Hippocrate & Galien ont connu les voies lactées, dont on a attribué la découverte à un médecin Italien nommé Afellius; & que ces deux anciens médecins ont connu pareillement le canal pancréatique, dont la découverte a été attribuée à Virfungus anatomiste de Padouë en 1642.

Alméloveen montre encore que l'opinion qui a fait tant de bruit depuis quelque temps, que la génération de l'homme fe fait dans l'œuf, fe trouve dans Hippocrate & dans Ariftote.

Qu'importe après tout, que certaines connoiffances aïent été découvertes par les anciens ou par les modernes ? L'honneur du médecin confifte bien moins dans des inventions nouvelles, qu'à conduire avec sagesse ceux qui ont recours à fes confeils.

[f] Obfervations faites avec le microfcop fur le fang, le lait, le fel &c, communiquées

àla focieté roïale d'Angleterre.

CHAPITRE CINQUIEME

De la Chimie .

SOMMAIRE.

1. Divers objets des chimistes. 2. Albert le grand a cru la tranfmutation des métaux poffible. 3. Définitions de la chimie. 4. But général de la chimie . 5. Des cinq principes des chimistes . 6. Divifion des fels en acides & alkali. 7. Explication de lafermenta

de chimie. 29. Auteurs fuppofés des livres de chimie. 30. De l'ancienneté de la chimie. 31. Preparation ufitée par les Grecs, approchante de l'alambic. 32. Lapartie médecinale de la chimie eft la moins ancienne. 33. Le quatorzième fiècle a été l'âge d'or de la chimie. 34. Des chimiftes les plus célébres. 35. De Géber. 36. D'Héliodore. 37.D'Etienne. 38. D'Artephius. 39. De Raymond Lulle. 40. D' Arnauld de Villeneuve. 41. De Nicolaus Flammel. 42. De Jacques Cœur.43. De Paracelfe. 44. De Van-Elmont.

E nom feul de chimie femble an

LE

[ocr errors]

Divers ob

tion. 8. Contradictions fur la qualite noncer [4] la fupercherie & la jets desChi

[ocr errors]

du vif-argent. 9. Différentes routes pour chercher la pierre philofophale 10. Découvertes utiles de la chimie. 11. Supercheries des chimistes. 12. Raifonnements les plus spécieux des chimiftes. . 13. Analogie du vif-argent de l'or. 14. Objection contre la chimie. 15. En fuppofant le fecret de teindre le mercure, ce ne feroit que de l'or apparent. 16. Si la tranfmutation étoit poffible, il ne pourroit y avoir de profit. 17. Exemples de la tranfmutation. 18. Longue vie d'Artephius. 19. Différence de Por potable commun & du philofophique. 20. Vertus de la femence aurifique. 21. De la Palingénéfie. 22. Impiétés & inepties des chimistes. 23. Leur obfcurité affectée. 24. Prophanations des myftéres par les chimistes. 25.La Toi fon d'or expliquée par la pierre philofophale. 26. S. Dominique, Albert legrand, & S.Thomas mis au nombre des chimistes. 27. Le pere Kir. cher attribue la chimie aux patriar ches,& à Salomon. 28. Etymologie

[a] Homo eft animal credulum & mendax.

[b] D.Albert. magn. de Alchim.

crédulité des hommes. Mais quelque décriée que foit la recherche de la pierre philofophale,touts les chimiftes n'en font pas également détrompés. Leurs opinions & leurs vûes font fort différen. tes. Les uns fe propofent uniquement de faire de nouvelles découvertes dans la connoiffance générale de la nature; les autres confidérent la chimie comme une fourçe de remédes, & mettent leur étude à les préparer; d'autres ont pour objet la tranfmutation des métaux, & s'appliquent à la recherche de la pierre philofophale,

miftes.

2.

la tranímu

Albert le Grand [b]croïoit la tranf Albert le mutation des métaux poffible,en les pu- grand a cru rifiant & féparant tout ce qu'il y a d'im- tation des pur.Il appelloit le plomb un or lépreux, métaux expreffion qu'il difoit être tirée d'Arif posible. tote. Il pofoit pour principe général que toute les métaux tirent leur origi ne du vif-argent & du foulfre.

[blocks in formation]

Suidas a défini la chimie[c] un art de compofer l'or & l'argent. On fe fert communément du mot mie. Hhhh 3

[ε] Χημεία ἦτε άργυπε ε' κρυσε κατασ xevyn. Suid, in voce Xnμua.

[blocks in formation]
[ocr errors]

cipes des

Cette réfolution des mixtes confifte en leur entiére décompofition. La chi. mie travaille à extraire les effences féminales des corps des trois régnes, végétal, minéral & animal: c'eft à-dire des plantes, des métaux, & des corps

animés.

Les cinq principes des chimiftes font Cinq prin- le foulfre, le Mercure, le fel, le phlegChimiftes, me, & la tête morte. Ces deux derniers font les principes paffifs de la chimie: ils ne font regardés, que comme les enveloppes qui enferment & retiennent les particules fubtiles & fpiritueufes. Les trois autres font les principes actifs.

Le phlegme eft cette humidité infipide & aqueufe qui fe trouve en touts les corps.

La tête morte eft le marc terreftre & groffier, qui refte des corps, dont on a tiré l'humidité & les fels..

Toute la fubftance impure étant féparée, l'effence féminale du fujet ( difent les chimiftes) fe trouve extraite en une forme liquide, que l'art & une longue digeftion peuvent réduire en poudre. C'est une fubftance effentielle en forme de liqueur, renfermant

toutes les propriétés fpécifiques du mixte, dont elle a été extraite, que les chimiftes appellent Mercure, semence, quintessence, ame du fujet, Protée, argent aqueux, efprit miné

ral &c.

Par le Mercure confidéré comme principe, on n'entend pas un vif-argent actuel, mais cette partie liquide, dont je viens de parler, ou l'humide radical qui eft dans touts les corps naturels.

Sa partie inflammable eft le soulfre. Ce principe actif de la chimie eft donc une fubftance oleagineufe, liquide inflammable. Elle fait la diverfité des couleurs & des odeurs : elle adoucit l'acrimonie des fels, lie les autres parties, & conferve les corps où elle abonde.

6. Divifies

des fels en acides &

alkali.

Le fel chimique eft le troifiéme principe actif. C'eft la partie de l'effence féminale, où la féchereffe domine. Cette fubftance féche & plus ou moins acide, entre dans la compofition de touts les corps. On divife les fels en acides & alkali. Les acides font comme des petits dards pointus, roi des, longs, tranchants. Les alkali font des corpufcules pius groffiers, terreltres, poreux, & fpongieux, comme des fourreaux propres à recevoir les acides: les alkali font proprement ce qui fermente, les acides font le ferment. La matiére fubtile chargée des 7. acides s'infinue dans les alkali, dont Explication elle heurte & brise les petites cellules, mentation, & avec le fecours du reffort de l'air, elle les écarte de touts côtés : c'est dans ce mouvement intérieur des parties infenfibles que confifte la fermentation, que quelques modernes ont regardée comme le principe phyfique univerfel, réduifant touts les éléments à ces deux efpeces de fel alkali & aci

de la fet

Contradic

[ocr errors]

de. Car les particules infenfibles of frent un champ libre à l'imagination, qui n'y trouve aucun obftacle. Mais en eft-on plus avancé, lorfqu'on s'eft déterminé à la préférence des quatre éléments; ou de la matiére fubtile globuleuse, & branchuë,ou des atomes, ou des deux fels acide,& alkali; ou des cinq principes chimiques; ou des corpufcules animés, & des petits cirons ? &quel danger n'y a-t-il point de fonder des opérations réelles & fenfibles, fur des principes fi inconnus ?

[ocr errors]

On ignore la qualité du vif-argent tions fur la qui eft le fujet le plus ordinaire, fur qualité du lequel la chimie s'exerce. Les uns le vif-argent. tiennent chaud, fuivant le fentiment de Galien, de Rhafis, de Diofcoride: d'autres difent qu'il eft froid, comme Avicenne, & Matthiole. Paracelfe croit qu'il eft froid en dedans, & chaud en dehors: Pierre d'Apon, qu'il eft froid comme aqueux, & chaud comme fulphureux.

Différentes

Les Alchimistes cherchent la pierre ontes pour philofophale par des routes entièrechercher la ment oppofées, & il y a autant de efophale. fentiments différents fur la compofition du grand œuvre, qu'il y a de perfonnes qui y travaillent.

pierre phi

Roger Bacon eft d'avis que cette effence prétieufe doit s'extraire d'ailleurs, que de l'or & de l'argent qui ne peuvent la fournir. D'autres affurent qu'elle eft en touts lieux, qu'elle eft renfermée dans tous les êtres, que c'est le principe actif, univerfel, répandu dans toute la nature, que cependant la pierre philofophale fe trouve d'une maniére plus prochaine, & plus parfaite dans l'or. Jean d'Epagnet, & Arnauld de Villeneuve foutiennent que l'or feul peut produire la femence aurifique, & l'argent la femence argentifique & le Cofmo

polite fonde ce fentiment, fur ce que le métal engendre le métal, comme un animal engendre fon femblable comme une plante produit une autre. plante de la même espéce;& que les générations doivent fe faire dans le régne du minéral régne du minéral, comme dans les deux autres.

Géber tient qu'il y a trois principes productifs des métaux, l'argent vif le foulfre, & l'arfenic. Philalette dans fon vademecum, appelle l'arfenic une lune de race faturnienne, qui a contracté mariage avec un dieu belliqueux, qu'il nomme auffi le foleil des philofophes, & par lequel il entend l'or & l'argent commun, qu'on peut véritablement appeller le foleil de bien d'autres espéces de gens que les chimiftes. L'arfenic, fuivant Philalette, eft un troifiéme principe, une fubftance moïenne, corporelle l'égard du mercure, & fpirituelle à l'égard de l'or & de l'argent.

Riplée dans fes douze portes, admet auffi trois principes productifs des métaux, le mâle rouge, la femme blanche, & l'efprit de vie qui les unit. Artephius enfeigne la même doctrine, tantôt fous les noms du foleil, de la lune, & du mercure, tantôt fous ceux du roi, de la reine, & du bain, entendant par le roi ou le foleil, l'or & l'argent; par la reine ou la lune, l'arfenic; par le mercure ou le bain, le mercure animé, ou l'efprit féminal & aurifique. Flammel explique auffi trois fubftances, par l'énigme des deux dragons, fur lefquels Jafon verfa le jus préparé par Médée.

Plufieurs efpérent trouver la pierre philofophale par l'action du feu furle mêlange de l'or, de l'argent, & du

mercure commun. D'autres mettent l'origine de la pierre au ciel, & dans

« PreviousContinue »