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diéte. La bonne chére appefantit lefprie [m], & eft une fource de maladies. Timothée difoit, que ceux qui avoient foupé chez Platon [n],s'en trouvoient bien encore le lendemain. Sénéque raconte de lui-même [a], qu'après avoir foutenu par les confeils de fon précepteur Attalus un noviciat d'une année entière dans la fecte de Pythagore, fans manger ni chair ni poiffon, il lui fembloit que fon efprit en étoit devenu plus léger & plus vif.

Pline [p] croit que la qualité de la Bourriture influe beaucoup fur la difpofition de l'efprit, & que l'ufage des lentilles caufe la tranquillité & la modération de l'ame.

Pétrone [9] regarde comme une préparation néceffaire à ceux qui veulent appliquer leur efprit aux plus fublimes connoiffances, de fuivre les loix de la plus exacte frugalité, qui répande la pâjeur fur le vifage.

Palaméde préferva En] le Camp des Grecs de la pefte,en ordonnant une diéte générale & beaucoup d'exercice.

Pour une maladie de la rate [ship

At vigilando nimis, corpus corrumpitur & mens. Præterea procul eft moeror pellendus, & omnem

Triftitiam de corde fuga. Nam mace

rat artus.

Deformatque ipfum corpus, canofque capillos.

Ante diem reddit, contra præcordia læta.

Ætatem efficiunt viridem, robufta

que membra. Marcell. Paling, zodiac.in leone, lib. 5.

[m] Nec mente quidem rectè uti poffumus multo cibo & potione repleti. Cic. Animum, quoque prægravat unâ, Atque affligit humi divinæ particulam

a uræ. Hor.

Cùm fit tam pulchrè, tam bellè vivat apud te,

pocrate confeille au malade de fendre du bois pendant plufieurs jours,de luter fortement,& de faire beaucoup d'exercice.

Dans l'hydropifie [t] il faifoit entreprendre quelque travail fort pénible, qui procurât la fueur & le fommeil.

Augufte [] par principe de régime jouoit à la paume & au balon; & dans le récit qu'Horace [x] fait d'un voïage dans lequel il accompagnoit Mécénas, on lit que ce favori d'Augufte alloit s'exercer à la paume.

Pour être pleinement convaincu[y]de la néceffité de l'exercice en général, il ne faut qu'envifager avec attention la stru&ture du corps humain. C'eft un assemblage merveilleux de tuïaux de differents diamètres entrelacés & repliés fur eux-mêmes en mille maniéres, au travers defquels différents liquides doivent couler fans ceffe, pour leur donner divers ébranlements que ces liquides en reçoivent à leur tour. Or il eft cer tain que l'exercice met en mouvement touts les muscles du corps, & donne des fecouffes réïtérées à toutes les autres parties tant intérieures qu'extérieu

Ad Damam potius vis tua febris eat?

Mart.

[n] Plutarch.de fanitate tuendâ. [] Agiliorem mihi animum effe cre. debam. Sen epift 108.

[P] Equanimitatem fieri vefcentibus lente. Plin. lib. 18. c. 12.

[q] Artis feveræ fi quis amar effectus, Mentemque magnis applicat, prius

more

Frugalitatis lege palleat exacta. Perron. [r] Philoftr.in heroïc.

[s] Hippocr. de locis in homine :
[t] Id de ratione victûs in acutis,
[u] Suet. in Oftav. c. 83.

[x] Lufum it Mecenas, dormitum ego, Virgiliufque,

Namque pilâ lippis inimicum, & ludere crudis. Hor.

[y] Mém.del Acad des bell,lettr.3.1.p.97.

64. De Tea

cice.

res. Par là les fibres acquiérent une flexibilité, qui en facilite les vibrations; & le fang fubtilifé & comme broïé par la fréquente percuffion de ces mêmes fi. bres, parcourt avec plus de viteffe les routes embarraffées d'une circulation, qui doit le porter jufqu'aux derniers replis de ce labyrinthe de vaiffeaux. Il réfulte de tout cela plufieurs avantages, qui contribuent à maintenir la machine dans le meilleur état,où elle puiffe être, la digeftion des aliments en eft plus parfaite; les glandes deftinées à féparer du fang certaines liqueurs utiles ou fuper flues,en confervent leur tiffûre plusouverte; les efprits animaux tiennent les filets nerveux dans une tenfion proportionnée aux befoins de ces mêmes filets; ceux-ci en reçoivent d'autant mieux l'influence du fuc nourricier qui doit s'infinuer dans leurs pores; les voies de la tranfpiration infenfible, qui eft comme le dernier terme de cette admirable méchanique, en deviennent d'un commerce plus libre; en un mot le corps fe procure par l'exercice un embonpoint, une foupleffe, une force, & une légére. té, qu'il attendroit en vain des autres reffources, aufquelles il a recours pour fa confervation.

Un exercice varié doit être beaucoup plus fain. La nature fe fait une habitu de d'un même exercice toûjours continué. Il n'y a que quelques parties du corps qui en profitent, & peutêtre mê me au préjudice des autres.

Efculape ordonnoit [z] de faire beaucoup d'exercice, de monter à cheval, de chaffer, de faire des armes ; & il prefcrivoit à chacun fuivant fon tempérament & fes forces, l'efpéce & la quantité de mouvements dont il devoit ufer. Il paffe pour l'inventeur de la médecine

[z] Galen. de fanit. tuend. lib. 1. c. 8. [4] Αι ἐπ' ἄκρον ευεξίαι σφαλερόν, Hippocr.

appellée Gymnaftique, ou qui confite dans l'exercice du corps.

65.

Danger

Hippocrate eft d'avis [a], qu'une fanté vigoureufe & forte, eft la plus expo- d'une lanfée aux grandes maladies: & cette difpo- té d'athlé fition a été appellée par les anciens [b], le danger d'une fanté d'Athléte.

C'est encore une maxime d'Hippocrate, que le corps ne peut denieurer dans une même fituation. Ainfi lorsque la nature n'a plus à augmenter,ni à produire, il eft utile de lui donner à réparer & à fortifier. Il en est dans les cho

fes naturelles, comme dans les morales. L'oifiveté eft la caufe des défordres. En occupant l'activité de la nature, on l'empêche de fe porter au mal. Ce principe eft excellent pour maintenir la fanté, pourvû qu'on évite les diffipations exceffives de la chaleur & de l'humidité radicale.C'eft ce même principe, qui doit convaincre de l'utilité du travail & de l'exercice.

te.

66.

veHer l'air.

L'ancienne médecine recommandoit 11 fain qu'on cînt la chambre d'un malade bien de renoufermée, ce qui peut être d'une très dangereufe conféquence, & pour le malade, & pour ceux qui le gardent. Car il eft certain qu'il arrive à l'air de la chambre en peu de jours, ce qui arrive à l'eau d'un bain, qui fe falit & fe cor. rompt en peu d'heures. Il eft fain en quelque état qu'on foit, de renouveller de temps en temps l'air de fa chambre; & il eft important pour un malade, que l'air qu'il refpire, foit calme, modérément chaud, purifié par du feu, fans mauvaise odeur, & renouvellé de temps en temps.

Çardan [c] eft d'avis que l'air renfermé & fans mouvement fuffit pour donner la pefte. Un air bien tempéré eft avantageux, fuivant Ariftote, non

[6] Valere pancraticè. [c] Cardan, de fubtilir. lib. a.

67.

fation des fels conte

l'air.

feulement au corps, mais à l'entendement. Pétrarque [d] prétend que l'air le plus ferein, n'eft pas le plus falutaire, & que les climats nébuleux de l'Occident font préférables pour la fanté.

Il y a des températures d'air plus favorables les unes que les autres, ou contraires à certaines parties du corps.L'air de l'Attique [] étoit mauvais pour les jambes,celui de l'Achaïe pour les yeux. Un auteur moderne a expliqué deChryftalli- puis peu dans une lettre [f] la nature des fels contenus dans l'air, & la ménus dans thode de découvrir leurs figures & leurs qualités. Il indique la maniére dont il a chryftallifé ces fels, & la forme des microscopes, dont il s'eft fervi enfuite pour examiner leurs figures, & l'arrangement de leurs parties. Ces obfervations peuvent conduire à une connoiffance très utile de la qualité de l'air, & des maladies qui en dépendent. Plus on s'efforce de pénétrer dans la De la cir- connoiffance de la nature, plus on rencontre de doutes. Les uns s'attachent aux faveurs & aux propriétés des aliments & des remédes; ceux qui font cette étude, emploient les termes impofants, d'amers, d'acides, d'alkali, de fulphureux, de falins, fans connoître ni où résident ces qualités, ni quel le eft leur puiffance. Ces termes réuffif fent fort, les hommes étant encore très difpofés, comme ils l'étoient du temps de Pline [g], à donner leur confiance à ce qu'ils n'entendent pas, & à méprifer ce qu'ils comprennent.

68.

culation des humeurs.

[d] Non ferenum omne ftatim optimum, immò verò provincias nebulofas ferenis effe falubriores, & in hoc Occidentem prælatum Orienti legimus. Petrarch. [e] Attide tentantur greffus, oculique in Achæis

Finibus; inde aliis alius locus eft inimicus

Les autres font dépendre toute l'aconomie animale du reffort des folides, qui font les nerfs, les artéres, les vifcéres, les muscles; & ils foutiennent que le fang, le chyle, la bile, & toutes les humeurs ne reçoivent leur mouvement & leur qualité, que de l'action & du reffort des folides.

69.

Diverfe

opinions

ftion.

Les médecins ne s'accordent pas mieux fur les principes de la digeftion, l'objet le plus important à connoître, puifque fur la dige l'origine principale des maladies eft un chyle aigre, mal-digéré, crud & groffier. Hippocrate, Galien & Avicenne font d'avis, que la digeftion des aliments fe fait par la chaleur de l'eftomac & par la coction; mais les os fe digérent en trois heures dans l'eftomac d'un chien, & l'eau bouillante dont la chaleur eft beaucoup plus grande, ne peut les diffoudre dans le même temps. Ceux qui boivent à la glace, ou qui prennent des liqueurs glacées, prétendent même que leur digeftion en eft aidée:

Erafiftrate eftime [b]que l'eftomac fe refferre pour embraffer plus étroitement les aliments & pour les broïer. Il fait confifter la digestion dans la trituration ou le faffement qui attenuë les parties des aliments, en les frottant les unes contre les autres à diverses reprifes long-temps réïtérées. Mais l'eftomac de plufieurs animaux digére les os. Le mouvement de l'eftomac qui n'est qu'un tissu de membranes molles, pourroit-il brifer des os pointus?

Ces

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Ces membranes n'en feroient-elles pas plûtôt percées & déchirées? On a trouvé dans les ventricules de quelques animaux, des os amollis par le milieu, tandis qu'ils étoient encore très durs par lesextrémités, qui devoient néanmoins avoir été bien plus expofées au frottement que le milieu. On voit les enfants digérer des viandes, qui ne pourroient être digérées par les hommes faits. Eft-il poffible que ces enfants aient les membranes de l'eftomac plus dures, ou qu'ils aient plus de force dans les mufcles qui doivent fervir à la trituration? Enfin on voit quelquefois que les mêmes perfonnes, qui digérent les viandes les plus folides, ne fçauroient manger de certains fruits, fans en fouffrir des indigeftions. Le broïement de ces fruits, qui font fort tendres, fe feroit-il plus difficilement que celui des viandes les plus dures?

Untroifiéme avis rejettant la coction & la trituration, attribue la digeftion des aliments à la fermentation & à la diffolution. Ces derniers médecins prétendent que les acides émanés des glandes de la bouche & de l'eftomac, & les fucs bilieux & pancréatiques mêlés enfemble altérent & changent tout ce qui defcend dans l'eftomac, dont la digef tion s'achève dans les inteftins. Le levain de ces parties hétérogénes s'infinuë dans les aliments, les diffout & les fépare. Mais fi cela fe passe ainfi, quand eft-ce que la médecine parviendra à connoîTom. I.

[i] Celf. prafat. lib. 1.

[k] Bayle républ.des lettr. Juin 1684.art. 2. Septemb. 1684. art. 1. Décemb. 1684. art. 13.Octob. 1685. art. 6.

Harvé a mis à la tête de fon livre de la génération: Ex ovo omnia.

[1] Diod. Sir lib. 1.

[m] Ariftot, ap. Jul. Scalig, adverf. Cardan, de fubtilit, exercit. 268.

tre l'affaifonnement, la mixtion & la température, que demande cette fermentation? Comment pourra-t-elle perfuader que les principes qu'elle prefcriroit à cet égard, convinflent à chaque eftomac en particulier?

Les fentiment de Pliftonicus affez femblable à celui de la diffolution, explique la faculté de digérer par la [i] putréfaction. Toutes ces opinions font. également fauffes fuivant Afclepiade: dont le fentiment étoit qu'il ne fe fait point de digeftion, & que les aliments fe portent & fe diftribuënt par tout le corps, cruds & comme on les a pris.

Erafiftrate & fes fectateurs par une opinion affez femblable à celle d'Afclépiade, doutoient fi la bile fe produit dans le corps, ou fi elle eft contenuë dans les aliments.

Incertitu

On ne trouve dans la médecine qu'incertitudes & contrariétes, fur la ma- des für la niére dont fe fait la génération. Plu- génération. fieurs modernes [k]ont adopté le fysté me général des œufs, beaucoup d'autres l'ont rejetté. Les Egyptiens croïoient [1] que la mére ne contribuoit en rien à la génération de l'enfant, & ne lui fourniffoit que la nourriture. Sentiment fuivi par [m] Ariftote & par plufieurs autres [n]philofophes. Lu. créce [o] dit que c'eft tantôt le pérc, & tantôt la mére, qui contribuë le plus à la génération : ce qui fe connoît à la reffemblance plus marquée, que l'en, fant tient de l'un ou de l'autre. Hhhh

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71.

Sentiments

Four des

tes.

72.

De la circu

fang.

Dans la médecine, comme dans la renouvel phyfique, on a qualifié de nouvelles dé1és donnés couvertes, plufieurs fentiments renoudécouver vellés des anciens. Les plus fçavants médecins ont été en difpute, fi la circulation du fang a été connuë d'Hippocrate, ou fi elle a été une découverte d'Harvé en 1628. Almélovéen [p] cite plufieurs paffages d'Hippocrate, pour a tion du prouver que cet ancien médecin a connu la circulation. Comme dans des pelotons, dit Hippocrate, [g] les fils reviennent les uns fur les autres, de même dans le corps, il fe fait un circuit, qui fe termine, où il a commencé. Hippocrate dit[r] que les veines portent dans tout le corps les efprits, le cours du fang, & le mouvement; qu'il en part plufieurs d'une feule, dont il ne connoit ni le commencement ni la fin, parce qu'un cercle n'a ni fin ni commencement. Quand la bile entre dans le fang, dit-il, [f] elle dérange [f] elle dérange la confiftence du fang, & trouble fon cours.

Almeloveen []cite plufieurs autres paffages d'Hippocrate, & des paffages de Galien, pour prouver qu'ils ont connu la circulation du fang.On trouve en plufieurs endroits des ouvrages d'Hippocrate [], les termes de circulations, de tournoïer, de tournoiment. D'au tres auteurs pour ne pas attribuer à Hippocrate une découverte qu'ils ont prétendu réfervée au fiécle précédent, ont expliqué cette circulation d'Hippocrate, comme le faifant par les mêmes

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vaiffeaux qui portoient & rapportoient le fang, du centre à la circonférence, & & de la circonférence au centre, par une maniére de flux & reflux, & fuivant le befoin & l'attraction de la nature: & quant à ce qui échapoit aux vaisseaux connus, il paffoit [x], selon lui, par des canaux infenfibles, & par des voies qu'on ne peut découvrir. Les anciens connoiffoient fi peu la vraie circulation du fang, qu'ils étoient dans l'opinion que les artéres ne devoient contenir aucun fang, mais feulement fervir de paffage aux efprits animaux .

Le cœur, dit Platon [y], qui eft en même-temps la fource des veines, & de ce fang qui tournoie rapidement dans toutes les parties, a été établi comme un commandant, afin que quand la colére s'allume, tout ce qu'il y a de sensible dans le corps, fe difpofe par l'ouverture de touts les pores,à écouter fes me. naces, & à obéir à fes commandements.

Ariftote[z] regarde le cerveau com me une maffe froide compofée de terre & d'eau, qui ne contient aucun fang, qui eft privée de fentiment, & de toute liaifon avec les autres parties du corps, Il dit [4] dans le même traité, que le fang paffe du cœur dans les veines, mais qu'il n'en vient d'aucun endroit dans le cœur. Comment ceux qui trouvent la circulation du fang dans Ariftote, s'accommodent-ils de ces paffages?

Il femble donc qu'il y ait une espéce de compenfation, & que fi les modernes ont donné pour des découvertes

[u] Tapioda, circulations. Περιφέρεσθαι, tournoier . Περιφορὴ, tournciment . Περιφερής, qui tournoie . [x] Hippocr. de morbis, lib. 4. [y] Plat. in Tim.

[z] Ariftot. de partib. animal, lib. 2. c. 7. [a] Id. loc. citat. lib. 3. c. 4.

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