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57.

des de la

e.

appliquer un topique chaud fur l'eftomac. L'empereur confidérant ces paroles, voulut être traité & comme prince, & à la maniére des particu. liers, & il fit l'un & l'autre de ces remédes. C'étoit là un excellent fujet pour la médecine.

L'empereur Adrien [c] dit en mourant: Le grand nombre des médecins a fait périr le monarque.

On dit que le feu maréchal d'Eftrées, qui a vécu environ cent ans, faifoit venir les médecins, quand il étoit malade, qu'il prenoit beaucoup de plai fir à leur converfation, qu'il les laiffoit difcourir, tant qu'ils vouloient, fur fon mal, & ordonner les remédes qu'ils jugeoient à propos, qu'enfuite il les païoit bien, & n'éxécutoit aucune de leurs ordonnances. C'étoit, fuivant les incrédules, un moïen für de concilier les interêts de la méde cine avec les fiens.

La médecine n'a pas des principes Incertitu-plus certains fur le régime que fur les nédecine remédes. C'eft un précepte aflez gé fur le régi- néral d'éviter les excès de la bouche [d] plus pernicieux que le glaive: Hippo. crate [e] recommandoit d'être fobre à l'égard de la nourriture & de la boif fon, d'être réfervé fur le fommeil, & fur les plaifirs de Venus, en un mot d'ufer de tout modérément. Sextus

Tom. I.

[ε] Πολλοι ιατροί Βασιλέα απώλεσαν. Xiphil. è Dion. lib. 69. C'étoit une efpéce de proverbe: il le trouve cité dans Pline le naturalife plus ancien qu'Adrien Plin. lib 29. c. 1. Senarius eft, ut putant, Menandri Comici: o l'arp είσοδος μ' ἀπώλεσεν. Harduin.nor. in Plin. loc. citat.

[d] Plures occidit gula quam gladius.

[ε] Σιτία τοτά, υπηι, ἀφροδίσια πάντα Mirpia. Hippocr. ap. Stob. Jerm. 99.de Sa

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Empiricus, Celfe, & Avicenne confeillent cependant de furcharger quelquefois l'eftomac, & ils regardent comme défavantageufe à la fanté une fobrić. té toujours égale. Trop de diéte perd les uns [f], la gourmandife eft l'écueil des autres.

Ariftote [g], Avicenne, Actuarius, l'échole de Salerne font d'avis qu'il eft plus fain de manger davantage à diner, & peu à fouper, parce que la chaleur naturelle eft augmentée par celle du foleil, & la digeftion aidée par l'exercice. Hippocrate [b], Celse, & Galien [] confeillent de préférer le fouper, parce qu'il y a plus d'intervalle de ce repas à celui qui le fuit; que les vapeurs des aliments excitent à dormir; que le fommeil facilite la digeftion, qui d'ailleurs fe fait mieux dans le repos, & pendant la fraîcheur de la nuit, par laquelle la chaleur & les efprits font répercutés en dedans. Cette derniére raifon eft oppofée au fentiment de ceux qui croient que pendant la nuit, la tranfpiration eft plus abondante.

Celfe [k] confeille de ne faire qu'un repas, & de ne prendre dans le refte de la journée, que quelque nourriture féche fans boire. C'eft ainfi que Sénéque en ufoit: Je dîne de pain fec, ditil [, & fans me mettre à table.

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tem frugalitas: ubique naufragium eft.

Petron.

[g] Ariftot probl.§. 1. quaft. 54.

[b] Hippocr. aphor. lib. 1. aphor. 15. [i] Galen. de fymptom lib. 1. Idem de tuenda fanit. lib. 5. Id. de diffolutione continuâ.

[4] Si prandet aliquis, utilius eft exiguum aliquid fumere, & ipfum ficcum fine carne, fine potione. Celf. lib. 1.

c. 3.

[] Panis deinde ficcus, & fine menfâ prandium, poft quod non fint manus lavandæ. Sen. epift. 83.

58.

Il faut être

Macrobe [m] foutient que la fimpli cité des mets eft plus faine, fe digére mieux, & engendre bien moins de corruption.Et dans le chapitre fuivant, il prouve que la multiplicité des mets eft meilleure pour la fanté, & plus convenable à la diverfité des humeurs dont le corps eft compofé: une nourriture variée fournit des aliments aux différentes humeurs, au lieu qu'il eft dangereux qu'une feule nourriture ne faffe trop dominer une feule forte d'humeur: fi cette nourriture unique eft d'une fubftance groffière d'un fue épais, elle chargera trop l'eftomac & rendra le fang moins fluide; fielle eft d'une fubftance légére, & d'un fuc peu folide, elle appauvrira le fang,& le pri. vera de la quantité néceffaire d'efprits. Les uns croient que toutes les heures du jour ou de la nuit font indiffé. rentes pour le fommeil, lorfqu'il eft également réglé ; les autres regardent le fommeil de la nuit, comme beaucoup plus falutaire : & le docteur Cheyne en donne cette raifon, que lorfqu'il eft jour, & que le foleil eft fur notre horizon, le fommeil augmente trop la tranfpiration infenfible, & par là devient nuisible à la fanté.

Ce feroit une contrainte auffi im. vieux de portune qu'inutile d'avoir une atten, bonne heute tion continuelle à fa fanté & c'est [n] long-temps.une ennuïeufe maladie que l'excès du

pour l'être

régime. Mais nous fommes dans la trifte néceffité de choisir entre la fanté & les plaifirs; & un ancien proverbe latin [o] dit qu'il faut être vieux de bonne heure, pour l'étre longtemps.

Ceux qui mangent fouvent & ré. glément aux mêmes heures, fans at

[m] Macrob.faturnal. lib. 7.c. 4. & 5. [n] Réfléx.du duc de la Rochefouc.refl. 298. [] Mature fias fenex, fi diu velis

tendre jamais le befoin de leur eftomac, chargent une digeftion qui n'eft pas encore achevée, de l'embarras d'une nouvelle digeftion. Par là lef tomac fe remplit de fuperfluités, & envoie dans toutes les parties des fucs nuifibles. Mais lorsque vous mettez un intervalle un peu long entre deux repas, vous donnez à l'oltomac le temps de fe débarraffer de tout ce qui eft fuperflu; les mauvais fucs fe convertiffent en une bonne fubftance & l'eftomac eft en état de recommencer avec force une nouvelle digestion. Suivant ces raifonnements, plufieurs eftiment qu'il vaut mieux n'être pas fort régulier dans les heures de fes re. pas, qu'il eft avantageux de fentir quelquefois la faim, & plus expédient de prendre davantage de nourriture à la fois & plus rarement.

Bacon parle d'un Anglois plus que centénaire, qui étoit dans des principes oppofés; il rapportoit la longue vie à ce qu'il avoit toûjours mangé avant que d'avoir faim, & prévenu la foif de même. Ce qui eft bien éloigné de l'exacte diéte de Louis Cornaro noble Vénitien, qui parvint à une extréme vicilleffe, après avoir réduit fa nourriture avant l'âge de 50. ans à moins de trois onces par jour.

Les médecins méthodiques [p] laiffoient écouler trois jours avant que de donner[glaucune nourriture à leurs ma. lades,& dans la fuite ils ne leur faifoient prendre de la nourriture que de deux jours l'un. Celfe obferve que la plûpart des anciens médecins attendoient jufqu'au cinquiéme & fixième jour à donner de la nourriture aux malades,

effe fenex. Erafm. adag. chil. 1. centur. 2.prov. 59.

[p]Galen, method, medend.lib.10.c.6. [9] Ce qui les fit nommer diatsitarii.

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59.

de l'eau.

mais que cela ne peut tout au plus être pratiqué qu'en Egypte & en Afie, parce que la difpofition de ces climats le permet. Il eft d'avis de pouffer la diéce auffi loin, que le malade le peut foutenir.

L'ufage de l'eau devient affez à la De l'ufage mode. Sil y a un reméde univerfel, c'eft l'eau que la nature nous préfente prefque partout. Selon Pindare [], L'eau eft ce qu'il y a de meilleur dans la nature. Pliftonicus difciple de Praxa gore, & contemporain d'Erafiftrate, avoit compofé un livre intitulé de Fufa ge: de l'eau pour la fante.. Plufieurs mo dernes ont porté beaucoup plus loin les effets attribués à l'eau. M. Frederic Hoffman a compofé une differtation pour prouver que l'eau commune eft le reméde univerfel. M. Hancocke dans un difcours intitulé le Grand Fébrifuge, foutient que l'eau commune eft le meilleur reméde pour les fiévres, & vraisemblablement pour la pefte. Ma Smith dans. fon traité des vertusmédi cinales de l'eau.commune, lui attribuë la vertu de prévenir & de guérir toute forte de maladies. Il n'y a point de fi bon digeftif,& nous avons l'expérience, que tout ce qui fe raccornit dans les liqueurs fpiritueufes, fe diffout facile ment dans l'eau. Une autre preuve.très affûrée du bien que l'eau fait à l'efto mac, c'eft la douceur qu'elle procure à Thaleine. Ceux qui font contraires à lufage continuel du vin, fe. fondent fur ce qu'il attaque les nerfs, & qu'il porte le trouble dans toute la machine parle mouvement violent qu'il donne aux efprits, ainfi qu'on peut le remar quer dans le temps même & dans les fuites de l'yvrefle. Ils disent que celui qui en ufe modérément, ne fait qu'un

[r] Arran Udap. Plin. Ol. 1. [Ch Elian, variar. hiftorias, lib. 2.

peu de mal à fa fanté; que c'eft fe priver par l'habitude, d'un reméde qui feroit fort falutaire en plufieurs occa fions; que fi l'usage du vin eft féduifant, parce que vous y fentez une chaleur & une force, qui n'eft pasà beaucoup près dans l'eau, c'est ce qui vous doit convaincre, que: fon usage continuel altére les forces & diminus la chaleur dans notre corps. Car cette chaleur & cette force que vous éprou> vez, eu bûvant du vin, eft momen tanée; c'est l'effet d'un mouvement forcé des efprits; plus la liqueur, que vous bûvez eft fpiritueufe, plus vous fentez qu'elle vous échauffe, plus vous croïez qu'elle vous fortifie. Celui qui boit un demi verre d'eau-de-vie, le trou ve pendant quelque temps plus fort,que s'il avoit bû un demi verre de vin. Tou tes les liqueurs fpiritueufes caufent du plus au moins un effet qui reffemble celui des remédes chimiques fort vio lents, qui mertent en mouvement tout ce qui refte de chaleur dans unntalade, pendant que leur opération dure, mais qui ont auffi cette fuite, que dès que leur opération a ceffé, cette même cha leur naturelle,qui avoit été épuisée par un mouvement violent & forcé, aban donne entiérement le malade.

Une loi de Zalenque[s]condamnoit à mort le malade, qui avoit bû du vin contre l'ordonnance du médecin, quand même ce reméde lui eût rendu la fanté.

Les liqueurs fpiritusufes ne relévent les forces, que pour les abattre pew après. Elles portent les puiffances & les refforts au delà de cette jufte éten due, que la nature leur a donnée, d'où étant de retour fur eux-mêmes, ils tombent dans la langueur. L'eau à·la Gggg 2

ab..37*

vérité prise en certaines occafions, ou en trop grande quantité, peut être nuifible, mais cela lui eft commun avec toutes les meilleures chofes. Le fenti ment contraire eft foutenu par des autorités d'un grand poids.

Hippocrate [] préfére l'ufage du vin mêlé avec l'eau en égale quantité : & faint Paul écrivant à Timothée, l'exhorte [u] à ne plus boire d'eau crue, mais à ufer d'un peu de vin, à caufe de fon eftomac, & de fes fréquentes infirmités.

Nous eftimons la fraîcheur de la boiffon très faine; & rien n'eft plus surprenant en fait de remédes, que les guérifons de toute forte de maladies [x], qu'un Capucin a opérées à Malte, en faisant prendre pour tout reméde à fes malades, grande quantité d'eau à la glace. Au contraire les Romains bûvoient chaud. On trouve cependant [y], que Neron faifoit chauffer l'eau, pour la faire enfuite devenir plus froide, par le moïen de la neige, fur quoi j'obferverai en paffant que d'habiles Phyficiens [z], qui en ont fait l'expérience, n'ont trouvé aucune différence fenfible de fraîcheur dans l'eau qu'on avoit fait bouillir, avant que de la rafraîchir. On lit dans Philon [a] que les Théra fons chau- peutes faifoient chauffer leur boiffon

des.

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Des boif

[1] Hippocr. aphor. lib. 7. aphor. 56.

[] Noli adhuc aquam bibere, fed modico vino utere, propter ftomachum tuum, & frequentes tuas infirmitates, S.Paul. epift. ad Timoth. c. 5. v. 23.

[x] Ces guérisons Je trouvent très auihentiquement arteftées dans des lettres etrites de Malte, & inferées dans les Mercures de France, des mois de Septembre, Novembre, & Decembre 1724.& dans ceux de Février, Mars, Avril, Juin, Juillet, & Désembre 1er. vol. 1725.

[y] Neronis principis inventum eft decoquere aquam, vitroque demiffam in

dans le fort de l'été, fous le climat le plus brûlant, en Egypte près d'Alexandrie. Quelques Modernes ont attribué l'exemption de la pierre & de la gravelle, & la longue vie des Chinois, à ce qu'ils boivent chaud en toute faifon.

Diodore de Sicile [b] obferve que les Ithyophages, ou ceux qui fe nourriffent de poiffons, vivent moins longtemps, mais font plus exemts de mas ladies. Nous connoiflons l'erreur de cette opinion, par la longue vieillesse de plufieurs Religieux, qui ne se nourriffent que de poiffons. Un ancien proverbe [c], pour exprimer une fanté parfaite,difoit: Aussi sain qu'un poisson. Ariftote [d] obferve que les poiffons ne font jamais attaqués d'aucune pefti lence.

Les anciens commençoient leurs repas, par les nourritures douces, & par les vins affaifonnés de miel, fuivant ce précepte [], qu'ils regardoient comme fort important pour la fanté, de ne rien mettre dans un eftomac vuide, que de doux. Nous en ufons différemment, les viandes falées fe fervent aux entrées, & les mets doux & fucrés fe réservent pour la fin du repas.

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Le grand régime des anciens confiftoit à fe fervir du miel en dedans,

nives refrigerare. Ità voluptas frigoris contingit fine vitiis nivis....item calefactam magis refrigerari fubtiliffimo invento. Plin. lib. 31.c.3.

[x] M. de Mairan. differt. fur la glace, part. 2. ch. 1. Mariotte, mouvem. des eaux, p. 11. Perrault, effais de phyfiq.1.4. p. 325.

[a] Phil. Jud. de vita contemplat.
[b] Diod. Sic. lib. 3.
[c] Sanior pifce.

[d] Ariftot.hift. animant. l. 8.c. 19.
[e] ... vacuis committere venis
Nil nifi lene decet.

& de l'huile en dehors. Ce fut la réponfe de Démocrite, à celui qui lui demandoit [f], par quel régime il avoit pû parvenir à un âge fi avancé. Vedius Pollio [g], qui jouiffoit d'une fanté parfaite à cent ans paffés, fit la même réponse à Augufte.

Paul Jove aiant demandé à Leonicenus [b] par quel fecret il avoit confervé à l'âge de quatre-vingt-dix ans, une mémoire fûre, des fens entiers, un corps droit, & une fanté pleine de vigueur, ce médecin lui répondit, que c'étoit l'effet de l'innocence des mœurs, de la tranquillité de l'efprit, & de la frugalité. Vefpafien paffoit un jour de chaque Diéte de mois [], fans prendre aucune nourriVespasien. ture. Ne pourroit-on pas, en fuivant cet exemple, s'épargner bien des faignées, & des médecines qui ufent le tempérament?

61.

Un donneur d'avis (qui étoit à l'Hôpital) propofa [k] au roi d'Espagne, que touts fes fujets, depuis 14. ans juf qu'à 60. fuffent obligés de jeûner une fois la femaine au pain & à l'eau, en tel jour qu'on voudroit choisir, & que toute la dépenfe qui auroit été faite en ce

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jour là, fût évaluée en argent, & païće au roi d'Espagne. Nul ne dépenfe, difoit le donneur d'avis, moins d'un réal d'Efpagne par jour, il y aura plus de trois millions de perfonnes en la feule Efpagne qui feront tenues de jeûner, tellement qu'il fe leveroit toutes les femaines trois millions de réaux au profit du roi, par paroiffes, & fans frais. Ce jeûne offert à Dien eût été fort avantageux à l'ame, il eût été très falutaire au corps par le bon effet de la diéte; & l'état eût tiré une groffe fomme, en procurant ce double avantage à fes fujets. Mais on fçait fi peu gouter les bonnes chofes, que l'avis ne fit qu'exciter beaucoup de rifées, & que fon auteur demeura à l'hôpital.

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62.

Celfe confeille à un homme qui fe confeil de porte bien, d'éviter toute forte d'habi- Celle. tudes, de ne point confulter les médecins, de diverfifier fa maniére de vivre, de faire beaucoup d'exercice, parce que le travail affermit le corps, & fait durer la jeunesse .

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l'échole de

L'échole de Salerne recommande Triple préprincipalement [] trois chofes : Un cepte de efprit gai, un exercice modéré, & la Salerne. Gggg 3

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Præfertim hoc caveas tamquam letale

venenum,

Ne novus in ftomachum cibus intret, fi bene nondum

Confumptus fuerit prior, & digeftus ad unguem.

Nec non quâque die, jufte exerceto labore

Corpus, vel pedibus gradiendo, vel quid agendo,

Quo moti caleant artus, nam caufa caloris

Eft motus, ftomachumque juvat, roburque reducit,

Humorefque fupervacuos, putrefque refolvit.

Noli etiam juftâ vitam fraudare quie

te:

Corporis inftaurat fomnus vires animi

que:

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