Macrobe [m] foutient que la fimpli cité des mets eft plus faine, fe digére mieux, & engendre bien moins de corruption.Et dans le chapitre fuivant, il prouve que la multiplicité des mets eft meilleure pour la fanté, & plus convenable à la diverfité des humeurs dont le corps eft compofé: une nourriture variée fournit des aliments aux différentes humeurs, au lieu qu'il eft dangereux qu'une feule nourriture ne faffe trop dominer une feule forte d'humeur: fi cette nourriture unique eft d'une fubftance groffière d'un fue épais, elle chargera trop l'eftomac & rendra le fang moins fluide, fielle eft d'une fubftance légére, & d'un fuc peu folide, elle appauvrira le fang,& le pri. vera de la quantité néceffaire d'efprits, Les uns croient que toutes les heuxes du jour ou de la nuit font indiffé. rentes pour le fommeil, lorfqu'il est également réglé, les autres regardent le fommeil de la nuit, comme beaucoup plus falutaire : & le docteur Cheyne en donne cette raifon, que lorfqu'il eft jour, & que le foleil eft fur notre horizon, le fommeil augmente trop la transpiration infenfible, & par là devient nuisible à la santé. Il faut être pour l'être Ce feroit une contrainte auffi im. vieux de portune qu'inutile d'avoir une atten, bonne heure tion continuelle à fa fanté & c'eft [n] long-temps.une ennuïeufe maladie que l'excès du régime. Mais nous fommes dans la trifte néceffité de choisir entre la fanté & les plaifirs; & un ancien proverbe latin [o] dit qu'il faut être vieux de bonne heure, pour l'étre longtemps. Ceux qui mangent fouvent & ré. glément aux mêmes heures, fans at [m] Macrob.faturnal. lib.7.c. 4 & 5. [n] Réfléx.du duc de la Rochefouc.refl. [] Mature fias fenex, fi diu velis 298. tendre jamais le befoin de leur eftomac, chargent une digeftion qui n'eft pas encore achevée, de l'embarras d'une nouvelle digeftion. Par là Pestomac fe remplit de fuperfluités, & envoie dans toutes les parties des fucs nuifibles. Mais lorsque vous mettez un intervalle un peu long entre deux repas, vous donnez à l'oftomac le temps de fe débarraffer de tout ce qui eft fuperflu; les mauvais fucs fe convertiffent en une bonne substance & l'eftomac eft en état de recommencer avec force une nouvelle digestion. Suivant ces raisonnements, plufieurs eftiment qu'il vaut mieux n'être pas fort régulier dans les heures de fes re. pas, qu'il eft avantageux de fentir quelquefois la faim, & plus expédient de prendre davantage de nourriture à la fois & plus rarement. Bacon parle d'un Anglois plus que centénaire, qui étoit dans des principes oppofésil rapportoit la longue vie à ce qu'il avoit toûjours mangé avant que d'avoir faim, & prévenu la foif de même. Ce qui est bien éloigné de l'exacte diéte de Louis Cornaro noble Vénitien, qui parvint à une extréme visilleffe, après avoir réduit fa nourriture avant l'âge de 50. ans à moins de trois onces par jour. Les médecins méthodiques [p] laiffoient écouler trois jours avant que de donner[glaucune nourriture à leurs ma. lades;& dans la fuite ils ne leur faifoient prendre de la nourriture que de deux jours l'un. Celfe obferve que la plûpart des anciens médecins attendoient jufqu'au cinquième & fixième jour à donner de la nourriture aux malades, effe fenex. Erafm. adag. chil. 1. centur. 2.prov. 59. [p]Galen. method, medend.lib.10.c.6. [9] Ce qui les fit nommer diatricarii, ་ mais que cela ne peut tout au plus être peu de mal à fa fanté; que c'eft fe priver par l'habitude, d'un reméde qui feroit fort falutaire en plufieurs occa fions; que fi l'usage dà vin eft séduis fant, parce que vous y fentez une chaleur & une force, qui n'eft pasà beaucoup près dans l'eau, c'est ce qui vous doit convaincre, que: fon ufage continuel altére les forces & diminus la chaleur dans notre corps. Car cette chaleur & cette force que vous éprou vez, eu bûvant du vin, eft momen tanée; c'eft l'effet d'un mouvement forcé des efprits; plus la liqueur, que vous bûvez eft fpiritueufe, plus vous fentez qu'elle vous échauffe, plus vous croïez qu'elle vous fortifie. Celui qui boit un demi verre d'eau-de-vie,fe trou> ve pendant quelque temps plus fort,que s'il avoit bû un demi verre devin. Tou tes les liqueurs fpiritueufes caufent du plus au moins un effet qui reffemble a celui des remédes chimiques fort vio lents, qui mettent en mouvement tout ce qui refte de chaleur dans unntalade, pendant que leur opération dure, mais qui ont auffi cette fuite, que dès que leur opération a ceffé, cette même cha leur naturelle,qui avoit été épuisée par un mouvement violent & forcé, aban donne entiérement le malade. Une loi de Zalenque[s] condamnoit à mort le malade, qui avoit bû das vin, du contre l'ordonnance du médecin quand même ce reméde lui eût rendu la fanté. 59. de l'eau. L'ufage de l'eau devient affez à la De l'ufage mode. S'il y a un reméde univerfel, c'eft l'eau que la nature nous préfente prefque partout. Selon Pindare [], leau eft ce qu'il y a de meilleur dans la nature. Pliftonicus difciple de Praxagore, & contemporain d'Erafiltrate, avoit composé un livre intitulé de Fufa ge: de l'eau pour la fante. Plufieurs mo dernes ont porté beaucoup plus loin les effets attribués à l'eau. M. Frederic Hoffman a compofé une differtation pour prouver que l'eau commune eft le reméde univerfel. M. Hancocke dansum difcours intitulé le Grand Fébrifuge, foutient que l'eau commune eft le meilleur reméde pour les fiévres, & vraisemblablement pour la pefte. Ma Smith dans fon traité des vertusmédi cinales de l'eau.commune, lui attribuë la vertu de prévenir & de guérir couce forte de maladies. Il n'y a point de fi bon digeftif,& nous avons l'expérience, que tout ce qui fe raccornit dans les liqueurs fpiritueufes, fe diffout facile ment dans l'eau. Une autre preuve très affûrée du bien que l'eau fait à l'efto mac, c'est la douceur qu'elle procure à Phaleine. Ceux qui font contraires à l'ufage continuel du vin, fe fondent fur ce qu'il attaque les nerfs, & qu'il porte le trouble dans toute la machine parle mouvement violent qu'il donne aux efprits, ainfi qu'on peut le remar quer dans le temps même & dans les fuites de l'yvreffe. Ils disent que celui qui en ufe modérément, ne fait qu'un [r] Aparan Mis üdap. Plin. Ol. 1.. Les liqueurs fpiritusufes ne relevent les forces, que pour les abattre pew après. Elles portent les puiffances & les refforts au delà de cette jufte éten due, que la nature leur a donnée, d'où étant de retour fur eux-mêmes, ils tombent dans la langueur. L'eau à la Gggg 2 al. 37* infirmités. Nous eftimons la fraîcheur de la boiffon très faine; & rien n'eft plus furprenant en fait de remédes, que les guérifons de toute forte de maladies [x], qu'un Capucin a opérées à Malte, en faisant prendre pour tout reméde à fes malades, grande quantité d'eau à la glace. Au contraire les Romains bûvoient chaud. On trouve cependant [y], que Neron faifoit chauffer l'eau, pour la faire enfuite devenir plus froide, par le moïen de la neige, fur quoi j'obferverai en paffant que d'habiles Phyficiens [z], qui en ont fait l'expérience, n'ont trouvé aucune différence fenfible de fraîcheur dans l'eau qu'on avoit fait bouillir, avant que de la rafraîchir. On lit dans Philon [a] que les Théra. fons chau- peutes faifoient chauffer leur boiffon Go. des. [t] Hippocr. aphor. lib.7.aphor. 56. [] Noli adhuc aquam bibere, fed modico vino utere, propter ftomachum tuum, & frequentes tuas infirmitates, S.Paul. epift. ad Timoth. c. 5. v. 23. [x] Ces guérisons Je trouvent très auihentiquement atteftées dans des lettres étrites de Malte, & inferées dans les Mercures de France, des mois de Septembre, Novembre, & Decembre 1724.& dans ceux de Février, Mars, Avril, Juin, Juillet, & Désembre 1er. vol. 1725. [y] Neronis principis inventum eft decoquere aquam, vitroque demiffam in & de l'huile en dehors. Ce fut la réponfe de Démocrite, à celui qui lui demandoit [f], par quel régime il avoit pû parvenir à un âge fi avancé. Vedius Pollio [g], qui jouiffoit d'une fanté parfaite à cent ans paffés, fit la même réponse à Augufte. Paul Jove aïant demandé à LeoniceAus [b] par quel fecret il avoit confervé à l'âge de quatre-vingt-dix ans, une mémoire fûre, des fens entiers, un corps droit, & une fanté pleine de vigueur, ce médecin lui répondit, que c'étoit l'effet de l'innocence des mœurs, de la tranquillité de l'efprit, & de la frugalité. 61. Vefpafien paffoit un jour de chaque Vefpafien. Diéte de mois [i], fans prendre aucune nourriture. Ne pourroit-on pas, en fuivant cet exemple, s'épargner bien des faignées, & des médecines qui ufent le tempérament? jour là, fût évaluée en argent, & païće au roi d'Espagne. Nul ne dépenfe, difoit le donneur d'avis, moins d'un réal d'Espagne par jour, il y aura plus de trois millions de perfonnes en la feule Efpagne qui feront tenues de jeûner, tellement qu'il fe leveroit toutes les femaines trois millions de réaux au profit du roi, par paroiffes, & fans frais. Ce jeûne offert à Dieu eût été fort avantageux à l'ame, il eût été très falutaire au corps par le bon effet de la diéte; & l'état cût tiré une groffe fomme, en procurant ce double avantage à fes fujets. Mais on fçait fi peu gouter les bonnes chofes, que l'avis ne fit qu'exciter beaucoup de rifées, & que fon auteur demeura à l'hôpital. 62. Celfe confeille à un homme qui fe Confeil de porte bien, d'éviter toute forte d'habi- Celle. tudes, de ne point confulter les médecins, de diverfifier fa maniére de vivre, de faire beaucoup d'exercice, parce que le travail affermit le corps, & fait durer la jeuneffe. L'échole de Salerne recommande Triple préprincipalement [7] trois chofes : Un cepte de efprit gai, un exercice modéré, & la Salerne. Gggg 3 l'échole de Præfertim hoc caveas tamquam letale diéte. La bonne chére appefantit l'efprie [m], & eft une fource de maladies. Timothée difoit, que ceux qui avoient foupé chez Platon [n],s'en trouvoient bien encore le lendemain. Sénéque raconte de lui-même [a], qu'après avoir foutenu par les confeils de fon précepteur Attalus un noviciat d'une année entière dans la fecte de Pythagore, fans manger ni chair ni poiffon, il lui fembloit que fon efprit en étoit devenu plus léger & plus vif. Pline [p] croit que la qualité de la nourriture influe beaucoup fur la difpo fition de l'efprit, & que l'ufage des lentilles caufe la tranquillité & la modération de l'ame. pocrate confeille au malade de fendre du bois pendant plufieurs jours,de luter for. De tement,& de faire beaucoup d'exercice. cice. Dans l'hydropifie [t] il faifoit entreprendre quelque travail fort pénible, qui procurât la fueur & le fommeil. Augufte [] par principe de régime jouoit à la paume & au balon; & dans le récit qu'Horace [x] fait d'un voïage dans lequel il accompagnoit Mécénas, on lit que ce favori d'Augufte alloit s'exercer à la paume. Pour être pleinement convaincu[y]de la néceffité de l'exercice en général, il ne faut qu'envifager avec attention la ftru&ture du corps humain. C'est un asslemblage merveilleux de tuïaux de differents diamétres entrelacés & repliés fur eux-mêmes en mille maniéres, au tra vers defquels différents liquides doivent couler fans ceffe, pour leur donner divers ébranlements que ces liquides en reçoivent à leur tour. Or il eft cer tain que l'exercice met en mouvement touts les muscles du corps, & donne des fecouffes réïtérées à toutes les autres parties tant intérieures qu'extérieu Ad Damam potius vis tua febris eat? Mart. [n] Plutarch.de fanitate tuendâ. [o] Agiliorem mihi animum effe cre. debam. Sen epift 108. [P] Equanimitatem fieri vefcentibus lente. Plin. lib. 18. c. 12. [q] Artis feveræ fi quis amar effectus, Mentemque magnis applicat, prius more Frugalitatis lege palleat exa&â. Petron. [r] Philoftr.in heroïc. [s] Hippocr. de locis in homine: [r] Id de ratione vičtûs in acutis, [u] Suet. in Oftav. c. 83. [x] Lufum it Mecenas, dormitum ego, Virgiliufque, Namque pila lippis inimicum, & ludo re crudis. Hor. [y] Mém.de l'Acad des bell,lettrs.1.p.97. 64. |