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remédes qui croiffent dans des païs fi reculés, n'y croiffent pas pour nous, Les feuls remédes que la nature avoue [n], font des remédes familiers, que l'on trouve aifément, que l'on prépare fans dépenfe, & qui font tirés à peu de frais des mêmes chofes dont nous

vivons.

Suivant ce raifonnement de Pline, il faudroit fe fervir de toutes les pro. ductions de la nature, dans l'état qu'el les fortent de fon fein. La terre ne nous produit pas le pain tel que nous le mangeons: quelqu'un s'avise-t'il de dire qu'il vaut mieux fe nourrir du blé dans l'état qu'on le moiffonne Pline n'eft pas mieux fondé en ce qui regarde les remédes tirés des païs loin. tains. Il fe peut que fi nous connoif fions bien toutes les proprietés des plantes qui croiffent chez nous, nous pourrions nous paffer de la plupart de celles que nous tirons des païs éloignés: mais étant convaincus combien nos connoiffances font bornées à cet égard, pourquoi refuferions-nous de nous prévaloir de ce qui a été découvert ailleurs? Il n'eft pas [o] impoffible, que nous n'aïons dans nos jardins & dans nos bois d'autfi bons fébrifuges que le Kinkina; mais jufqu'à ce que nous les connoiffions, pourquoi nous priverions nous de cette merveilleufe écorce qu'on peut avoir aifé

[n] Hæc fola naturæ placuerat effe remedia, parata vulgo, inventu facilia, aç fine impendio, & quibus vivimus. Poftea fraudes hominum, & ingeniorum capturæ, officinas invenere iftas, in quibus fua cuique homini venalis promittitur vita. Statim compofitiones & mixturæ inexplicabiles decantantur. Arabia atque India in medio æftimantur: ulcerique parvo medicina à Rubro mari imputatur; cùm remedia vera quotidie pauperrimus quifque cnet. Nam fi ex horto petantur, aut herba vel frutex quæratur, nulla artium vilior

ment? A la verité, c'est un abus & une tromperie [p] d'emploier des remédes compofés, lorfque des médicamens plus fimples & purement naturels peuvent fuffire.

Les Médecins cependant font excu fables de fatisfaire l'imagination de leurs malades, qui n'ont de confiance aux médecins que lorsqu'ils ordon nent beaucoup de remédes, & en apparence fort compofés & fort rares. Galien raconte [9], qu'un malade lui répondit un jour: Gardez pour de pauvres gens ce que vous ordonnez-là ; il me faut quelque réméde d'un plus grand prix.

Plufieurs.

par les mé.

bes.

La médecine a été enrichie par les 400 Arabes de plufieurs médicaments fim- remédes ples, dont les Grecs n'ont point par- compofés lé. Tels font divers purgatifs tirés des decins Ara plantes, comme la manne, le féné la rhubarbe, la caffe & autres. Ils ont rendu commun dans la médecine l'ufage du fucre, en introduifant les firops & les conferves. Plufieurs confections viennent d'eux, & entr'autres le kermés, dont la base est le fuc d'une petite coque produite par des vers très petits. Ils nous ont les prémiers indiqué plufieurs fortes d'aromates, comme le mufc, la mufcade, les cloux. de girofle & autres, dont les Grecs n'ont eu aucune connoiffance. Ils ont auffi introduit dans la médecine les

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47.

te de l'antimoine.

pierreries, & l'or & l'argent en feuil-
les, les faifant entrer dans diverfes
compofitions,

L'antimoine à été une pomme de dif-
Mécouver corde pour la médecine. Ce reméde
a excité des difputes fort vives, & qui
ne font affoupies que depuis peu de
temps. Avant le douziéme fiécle l'anti-
moine n'entroit que dansla compofition
du fard. Environ ce temps-là, un reli-
gieux nommé Bafile Valentin cher-
chant la pierre philofophale, fe fervit
de l'antimoine pour avancer la fonte
des métaux. Il en jetta un jour à des
pourceaux; & il remarqua que ces
animaux, après avoir été exceffivement
purgés, engraifférent beaucoup. Per-
fuadé par cette expérience que s'il en
faifoit prendre aux moines fes confré-
res, il rendroit leur fanté parfaite, il en
compofa des remédes & des breuvages
qui firent mourir touts ceux qui en
avalérent. Ce violent purgatif tira de
ces prémiers ravages l'étymologie de
fon nom, & il fut appellé antimoine,
comme contraire aux moines. Bafile
Valentin travailla cependant à préparer
ce minéral, & lorfqu'il crut avoir
trouvé les moïens d'amortir les qualités
redoutables de fon foulfre, il publia
un livre qu'il intitula [r], le char de
triomphe de l'antimoine, où il foutint
que c'étoit un remède à toutes fortes de
maux. Je m'étonne qu'il ne lui ait
pas donné un autre nom; car l'éty-
mologie de celui que' ce minéral por-
toit, n'étoit guéres honorable à frére
Valentin.

Hiftoire de

depuis fon

Paracelfe reproduifit l'antimoine au l'antimoine commencement du feiziéme fiécle. renouvelle. Depuis ce temps-là il fut décrié comment par me un poifon. La faculté de médecine Paracelle. en condamna l'ufage & déclara par un decret folemnel que l'antimoine avoit

Ir] Currus antimonii triumphalis,

une qualité venimeufe, qui ne fe pouvoit corriger par quelque préparation que ce fut.

Le parlement par fon arrêt de 1566. fit défenfe de s'en fervir; & Paulmier médecin de la faculté pour avoir contrevenu à cet arrêt, fut chaffé de la faculté en 1609. quoiqu'il fût en réputation de fçavant médecin. La rigueur de ce traitement caufa des murmures: les Empiriques fe fervoient utilement de ce reméde au préjudice de la médecine. Quelques médecins en devinrent jaloux, ils commencérent à l'emploïer fecrétement, & quelque temps après pour s'autorifer, ils le firent mettre au rang des purgatifs dans l'antidotaire fait en 1637. par ordre de la faculté de Paris.

Environ l'an 1650. plufieurs célé bres médecins s'étant ouvertement déclarés pour l'antimoine, l'ufage en devint très commun, & la question, fi l'on pouvoit s'en fervir, fut regardée dans l'échole, comme problématique. Jean Chartier avoit compofé un livre pour la défenfe de l'antimoine, intitulé le plomb des fages: Eufébe Renaudot mit au jour environ dans le même temps vers le milieu du dix-feptiéme fiécle le panégyrique de l'antimoine juftifié & triomphant. Jacques Perreau peu après écrivit contre, & donna à fon ouvrage le titre de rabat-joie de l'antimoine, & le célébre Gui Patin avoit un gros régiftre des malades tués par l'effet de l'émétique, qu'il appelloit le martyrologe de l'émétique, ou le témoignage de la vertu énétique. Enfin la conteftation s'échauffa fi fort, qu'on fut obligé d'avoir recours à l'autorité du par lement, qui ordonna que la faculté de médecine s'affembleroit pour dé

libérer

Jibérer fur ce fujet. En exécution de l'arrêt, les docteurs s'étant affemblés au nombre de cent deux, le 29. Mars 1666. il s'en trouva 92. qu furent d'a vis de mettre le vin émétique [s] au rang des remédes purgatifs, & fui>vant leurs avis, la faculté fit un decret pour en approuver l'ufage. Le ..dix Avril fuivant, le parlement fur le rapport de ce decret, rendit un arrêt par lequel il permit aux docteurs en médecine de fe fervir d'antimoine, 'd'en écrire, d'en difputer, & fit dé>> fenfe à toute perfonne d'en faire aucun ufage que par leurs avis. Ainfi cet arrêt leva les défenfes portées avant un intervalle précis de cent années.

43. Le fuccés

beaucoup

nation.

วร

Une attention d'une extréme con

des remédes féquence pour les fuccés des remédes, & qui eft ordinairement affez néglide l'imagi gée, c'eft de mettre l'efprit du malade[]dans une fituation de tranquil lité & de confiance, qui aide & qui facilite l'effet des médicaments: car: l'imagination eft la caufe d'un grand "nombre d'effets naturels, & de même qu'elle caufe quelquefois des maladies, > elle peut auffi les foulager & les gué,,rir. Cœlius qui feignoit d'avoir la goute [u], dit Martial, eft maintenant gouteux de bonne foi; tant l'étude & l'imagination de la douleur ont de puiffance!

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Aléxandre étant dangereufement malade [x] au commencement de la conquête de l'Afie, reçut une lettre 11 Tom. I.

[s] Journ.des/fav. du 7.Juin. 1666. [t] Hippocr. aphor. 33. lib. 2. Galen, in prognoft. Hippoc. lib. 1. c. 2.

[] Tantum cura poteft & ars doloris ! Desît fingere Caelius podagram.

Mart

[x] Arrian de expedis, Alex. lib. 2. Plu-\ tarih, in Alex Juftin, lib, ir, Val. Max, lib. 3.

par laquelle Olympias fa mére, ou Parménion l'un de fes généraux auquel il avoit le plus de confiance', ¦ lui marquoient de fe défier de Philippe fon médecin, & avertiffoient Alexandre que ce médecin étoit foupçonné d'une intelligence fecréte avec Darius. Aléxandre en prénant une médecine de la main de Philippe, lui donna cette lettre à lire, & tandis que le monarque avaloit le breuvage, il avoit les yeux attachés fur Philippe qui lifoit en même temps la lettre. Le médecin affura Alexandre de fa fidélité avec cet air tranquille, qui ne peut être infpiré que par l'innocen ce; & il lui recommanda fur-tout de chaffer de fon efprit ces foupçons & ces inquiétudes, comme très capables de troubler l'effet du reméde qu'il venoit de prendre.

44. Dureté du

Galien [y] & Palladius [z] rapportent que le médecin Callianax n'avoit médecin aucun ménagement pour les malades, Callianax. & qu'un d'eux lui aïant demandé un jours s'il étoit en danger de mourir de fa maladie, ce médecin lui répondit fort durement par un vers [a] d'Homére, dont le fens eft : Patrocle eft bien mort, qui valoit mieux que

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46.

Guérifon

zentule.

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voit, en belle humeur, deles exciter
à rire, de les diftraire de leur mal par
des chanfons, par la mufique, & tou
te forte d'amufements agréables.

Afclepiade faifoit confifter la mé
decine dans tout ce qui étoit capable
de flatter la nature. Un ancien méde-
cin pour remédier à certaines mala-
dies, ordonnoit la lecture des fictions
romanefques de Philippe d'Amphipo-
lis, d'Herodien, d'Amelius de Syrie.
Alphonfe [c] roi de Naples rétablit fa
fanté par la lecture de Q. Curce.

Martianus Cappella [d] affure que la fièvre le guérit par la musique; & qu'Afclepiade remédioit à la furdité par le fon de la trompette - Plutarque [e] & Martianus Cappella rapportent, que le Crétois Thalétas délivra les La cédémoniens de la pefte par la douceur de fa lyre.

Théophrafte

prétend que le fon de la flute eft un excellent reméde contre la goute fciatique; Théophrafte, & Démocrite donnent (g) le fon de la flute pour un antidote excellent contre la morfure de la vipére.

L'expérience nous apprend que la de la piquu-piquure de la tarentule le guérit par la re de la ta- mufique. Ce dangereux infecte est une efpéce de groffe araignée(b), qui a huit, yeux,& & huit pattes, On ne trouve de remède à sa morfure très venimeufe que dans certains airs qui excitent le » malade à danfer, Quand une perfonne fe trouve fans connoiffance (i) & fans mouvement, un joueur d'inftruments effaie différents airs. Le malade commence à remuer fucceffivement

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& en cadence les doigts, les bras, les « jambes, & le corps. Il fe léve, il danse « augmentant de force & d'activité. Vous en voiez tel danfer fix heures: fans difcontinuation. M. de S. André mé decin ordinaire du roi, dit dans fes " lettres, qu'il a vu un foldat Napoli- « tain mordu de la tarentule danfer deux « jours ou environ, prefque fans discontinuer, avec une jufteffe & une agilité furprenante. Quand on ceffe de jouer, le malade ceffe de danfer, on le met au lit pour reprendre fes, for- " ces. Le même air le tire du lit pour e une nouvelle danfe, exercice qui dure « fix ou fept jours. Le malade qui com- « mence à fe fentir fatigué, reprend la connoiffance & le bon fens peu à peu. Vous diriez qu'il revient d'un profond fommeil, fans fe fouvenir de la danfe. " Chaque malade veut un air fpécifi- « que toujours très vif. Le venin de la « tarentule épaidit le fang, & bouche plufieurs de fes conduits; de-là l'engourdiffement. Le fang épaiffi fournit peu d'efprits animaux; leurs conduits s'affaiffent dans le cerveau ; les nerfs " dépourvus d'efprits fe relachent; de-là « l'inaction, le défaut de connoiffance>«< & de mouvement. Mais les vibrations: desairs que l'on joue, agitent le fang & le reste des efprits animaux, qui fe multiplient bientôt par l'agitation. du fang. Agités & multipliés, ils cou-" lent dans les fibres & les nerfs; les " fibres & les nerfs mis à l'uniffon des « chordes fonores, reçoivent leurs vi-« brations; fe raccourciffent, s'allongent fucceffivement, d'ou vient le mouve

"

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[c] Deli. crit. de Bayle, not.C fur Naples.
[d] Martian. Capell. lib.9.
[e] Plutarch, de musica, & Martian.
Capell. lib.9.

If] Theophr. ap. Athen, deinopf. lib. 14.

[g] Theophr. & Democr. ap. Aul. Gell, lib. 4. c. 13. [b] Hift. de l'Acad. des fcienc, ann. 17.07.

P. 16.

[Lep. Regnault, entrer, phifiq, entreți¥4m=

"

>>ment fucceffif des doigts, des bras, des jambes, de la danfe. L'action de la danfe augmente l'agitation du fang, " & fait fuer. Le venin atténué & agi "té s'exhale peu à peu par la tranfpi»ration: à mefure que le venin s'exhale, >> le malade fe fent foulagé. Ce foula,,gement le rend fi conftant à danfer. Quand tout le venin eft diffipé par l'agitation & les fucurs, le fang re>> prend fa fluidité, fon cours.ordinaire: " & c'eft une forte de cure muficalefort >> étonnante.

"

47. Remédes pour provo

Heurnius (k) rapporte que Screvellius lui raconta l'an 1639. qu'il avoit traité un chirurgien frappé d'apoplexie, qui dès qu'il fe fentoit at taqué, crioit à haute voix. La peau d'un homme, la peau d'un homme. Screvellius étant en peine de fçavoir ce que cela vouloit dire, le chirurgien le pria de lui attacher au col la peau d'un homme, l'affurant qu'il avoit vû en Allemagne un médecin qui avoit été guéri par ce reméde. En effet Screvellius aïant demandé une peau d'homme à Pierre Paaw profeffeur d'anatomie à Leyde, & l'aïant attachée au col du chirurgien, il fut guéri incontinent après. Il y a apparence que l'imagination cut la meillure part à l'effet du reméde.

ternuëments.

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Afclepiade & fes fectateurs donnoient des remédes pour provoquer quer les é- les éternuements. La médecine eft aujourd'hui difpenfée de ce foin, chacun paroiffant continuellement occupé de fe purger le cerveau par de frequen tes prifes de tabac, dont le trop grand ufage attaque le genre nerveux,affoiblie la mémoire, caufe des tremblements, produit des obftructions qui font parler du nez, & rendent la re

[k] Journ, des fçav, du 26.Janvier, 1688. [Plin. lib. 29. c. 1.

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49.

Cautéres

Les cautéres étoient familiers [m] à Hippocrate. Dans l'hydropific nails unités par fante, il cautérifoit en huit endroits Hippocrate. vers la région du foie. Dans les douleurs de tête, il appliquoit aufli hujo cautéres fur cette partie. Il brûloit & cautérifoit la poitrines & le dos des phtifiques, & le ventre de ceux qui avoient la rate enflée. Les inftrument's dont il fe fervoit pour cet effet, és toient tantôt des fers chauds, tantôc des fufcaux de bouis qu'il trempoie dans de l'huile bouillante, tantôt une efpéce de champignon qu'il faifoit brûler fur la partie, & tamôt il y fais foit brûler ce qu'il appelloit du fin crud, c'eft-à-dire des écoupes, ou de la filaffe de lin, ou de la toile faite avec du fil de lin, qui n'a pas été blanchi à la leffive. Il faifoit un grand ufage de toutes ces matiéres de brûs ler dans les douleurs fixes, & atta chées à une partie. Dans la goute & dans la feiatique, il brûloit & cauté. rifoit les doigts des piés & des mains, & la hanche avec le lin crud.

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