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Plutarque rapporte que dans la pefte qui fit beaucoup de ravage à Athé nes, au commencement de la guerre du Péloponnéfe, Acron fit allumer de grands feux dans toutes les rues pour purifier l'air. Dans une autre pefte d'Athénes, une femme fongea que le Scythe Toxaris l'avertiffoit de la part de Minerve,que la pefte cefferoit,fi l'on arrofoit les rues avec du vin, ce qui aïant été fait, la peste ceffa effectivement. Ne diroit-on pas que la conftitution répandues du corps humain change, à juger d'elle cer par les maladies, dont quelques-unes & ignorées font fort répandues dans certains temps, dans d'au- & font ignorées dans d'autres. Hippocrate [b] a écrit que les femmes n'avoient jamais la goute. La lépre qui faifoit autrefois tant de ravages, eft deve nuë fi rare, qu'on n'en fait prefque plus mention, au lieu que la petite vérole i redoutable aujourd'hui n'a pas même été connue des anciens.

Maladies'

dans

tains temps,

Les médecins de l'antiquité dont les ouvrages nous reftent, Hippocrate, Celfe, Galien n'en ont rien dit: & une preuve qui n'eft pas moins forte, c'eft que parmi tant d'auteurs de fatires & d'épigrammes, aucun n'a parlé des fuites de ce mal fi fujétes à effacer la beauté.

C'est dans les médecins Arabes [[ qu'on trouve les prémiéres nouvelles de cette maladie; ce qui a porté quelques-uns à croire qu'elle avoit paffé en Europe par les conquêtes des Maures. Du temps d'Omar fucceffeur de Mahomet, elle parut dabord en Egypte, d'où elle fe répandit dans la Syrie, la

[b] Hippocr. fect. 6. aphor. 29.

Maximus ille medicorum, & hujus fcientiæ conditor, fœminis nec capillos defluere dixit, nec pedes laborare. Sen. epift. 95.

[c] M. Freind, bift, de la médecine, de

Paleftine, & la Perfe, & fort peu après, le long des côtes d'Afie, dans la Lycie & dans la Cilicie: & enfin au commencement, du huitième siècle, on la vit s'étendre dans les provinces maritimes de l'Afrique, &.bientôt après paffant la Méditerranée, fe jetter dans l'Espagne. Avicenne traite fort au long de la petite vérole, auffi bien que de la rougeole. Il les décrit très clairement par les accidents qui les accompagnent; il diftingue les bons lignes des mauvais; il enfeigne fort exactement la maniére de les traiter, & même de prévenir ou d'effacer les marques.

13.

Maladies

Grecs

décrites

bes.

Les médecins Arabes ont encore décrit plufieurs maladies inconnues aux inconnues Grecs, comme une forte de lépre; un aux Ge mal qu'on appelle Epine venteufe, qui par les Araeft une espéce de corruption des os, qui les fait enfler & groffir extraordinairement, & une autre maladie causée par un petit ver [4] qui nait entre cuir & chair, & s'y proméne parcourant toutes les parties du corps.

Opinions

ne des ma

Les médecins font fort partagés fur 14 l'origine de ce fléau du libertinage, diveries qu'on appelle les maladies vénérien. fur l'origi nes. Les uns en ont attribué l'origine ladies ve aux débauches des femmes, & ils ont ci- nériennes. té plufieurs paffages d'anciens auteurs, qui décrivent des fymptomes pareils. Ils croient qu'Hippocrate [e] en a parlé, en décrivant une forte de contagion; d'autres ont cherché la fource de ce mal dans les influences malignes de certains Aftres ; d'autres dans la ceffation des bains ufités par les anciens; un quatriéme fentiment dans la cor

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ruption produire par la nourriture de la chair humaine, qui avoit été étalée publiquement & vendue pour du thon, lorfque les François affiégeoient Naples vers la fin du xv. fiécle. Quelques-uns ont rapporté l'origine de cette maladie à un grand débordement d'eaux qui arriva fous le Pontificat d'Aléxandre VI. dans le temps que Charles VIII. faifoit la conquête de l'Italie. Fracaftor en attribue la cause à l'air dans le poëme [f] qu'il a composé à ce fujet, & dont la beauté peut être comparée aux géorgiques de Virgile.

11 n'étoit pas parlé de cette maladie au delà de deux cents quarante ans; & on a fait un conte d'un chirurgien nommé Thierri de Hére, qui fe mit à genoux dans l'église de S. Denys devant la représentation de Charles VIIL. Un religieux de l'abbaïe l'avertit qu'il fe trompoit, & que ce n'étoit pas l'image d'un faint, devant laquelle il prioit: Je le fçai bien, men père, répondit le chirurgien je connois la repréfentation du roi Charles VIII. pour l'ame duquel je prie, parce qu'il a apporté en France un mal, qui m'a fait gagner fix ou fept mille livres de rente.

Le fentiment le plus commun eft que les Espagnols qui s'embarquérent avec Chriftophle Colomb le prémier Septembre 1492. rapportérent cette maladie de l'Amérique comme file nouveau monde eût voulu fe venger par ce funefte préfent des cruautés de l'ancien. Ce qui eft de certain, dit l'auteur de la nouvelle hiftoire de S. Domingue [g], c'eft que les Caftillans n'avoient encore fréquenté que les femmes de l'ifle E pagnole, lorfqu'ils portérent en Euro

[f] Hieronym. Fracaft. de Syphilide feu morbo Gallico.

[g] Hift. de l'ifle Espagnole, ou de S. Domingue, par le P. Charlevoix. Mémoir. de

pe cette infâme & cruelle maladie, qui y a fait depuis de fi grands ravages.

Plufieurs de ces Espagnolsà leur retour, étant allé fervir dans les guerres de Naples, y femérent cette contagion qui fe répandit [b] abondamment dans l'armée des François, & par lefquels elle commença à être manifeftement connue, & à infecter toute l'Italie.

Ce mal a été nommé mal Espagnol, mal de Naples, & mal François. Il femble que les trois noms conviennent à fon origine, par rapport à ceux qui l'introduifirent,au lieu où il commença à fe répandre, & à ceux fur lesquels il exerça dans les commencements les plus grand ravages.

15.

Jean Gonfalve d'Oviedo ne trouvant point de foulagement à cette maladie, Remédes s'avifa que le païs d'où elle étoit origi- ladies. naire, devoit en fournir le reméde. Car les Botaniftes obfervent [i], que Dieu a fait naître en chaque païs les plantes les plus utiles aux hommes & aux animaux de ce même païs: jufqueslà que Solenander fe vante que par les fimples qui fe trouvent le plus communément dans un lieu, il peut conje&urer prefque avec certitude, quelles font les maladies aufquelles fes habitants font le plus fujets.

Oviedo fit le voïage de l'Amérique, & s'y guérit par l'ufage du bois de Gaïac, dont les naturels fe fervoient dans ces fortes de maux. Peu après les propriétés de la fquine & de la falfepareille contre cette maladie furent découvertes.

Jacques de Carpi, ainfi nommé parce qu'il étoit de Carpi dans le Modénois; & qui fe donnoit lui-même

Dddd 2

Trév. Septemb, 1731.

[b] Fallop. de morb. Gallic.

[i] M. Derham, théolog aftronom, liv. 10. ch.10.

16.

des méde

remédes

qu'ils emploient.

le nom de Jacques Bérenger, fut un des prémiers qui emploïa le mercure. Falloppe [k] rapporte que Jacques de Carpi gagna par ce reméde plus de cinquante mille ducats d'or. Fallope croit que la penfée d'emploïer le mercure, vint de ce qui eft écrit dans Mefué, & autres Arabes, que ces anciens médecins fe fervoient pour les maladies de la peau, de compofitions où entroit le vif argent.

La médecine [7] n'eft pas plus affuIncertitude rée des propriétés des remédes qu'elle cins fur les emploie, que de la nature des maladies qu'elle traite. En Egypte [m] il y avoit différents médecins pour toutes les fortes de maladie. Chaque médecin fe renfermoit dans une feule efpéce, s'appliquoit uniquement à la connoître, & ne pouvoit ordonner de remédes pour aucune autre forte de maladie.

Autant que la connoiffance des maJadies eft étendue, autant la différence des tempéraments eft extrême. Le kinkina refferre les uns, & produit l'effet d'une médecine aux autres. Albert le grand a écrit qu'une fille de Cologne mangeoit des araignées, comme une nourriture qui lui étoit fort faine. Ce qui fert d'aliment aux uns [n], cft un poifon fubtil pour les autres. Le ferpent mouillé de quelques goutes de falive humaine enrage, & fe dévore luimême.

Pline [] regarde les médicaments comme ennemis de l'eftomac. Et Plu tarque [p] dit qu'il ne faut fe fervir des

[k] Fallop. de morb. Gallic.

[1] Temeraria in totum, ut arbitror, medicina. Plin. lib. 25. c. 4.

[m] Herodot, Enterp.

[n] Tantaque in his rebus diftantia differitafque eft,

Ut quod alis cibus eft, aliis fuat acre

venenum.

vomitifs & des purgatifs que dans une grande néceffité; que les vomitifs ufent le corps & le détruifent ; que les purgatifs caufent un trouble qui corrompt les entrailles, & qu'ils y attirent plus d'humeurs qu'ils n'en évacuënt. S'il fe trouvoit une ville dans la Gréce, ajoûte-t-il, qui fut trop chargée de fes habitants,ou des Grecs naturels, & qu'on y fit venir encore des Arabes & des Scythes, cela paroîtroit ridicule à tout le monde. C'eft pourtant la même erreur où tombent ceux, qui dans la penfée de faire fortir de leurs corps des fuperfluités qui s'y rencontrent naturellement, y font entrer des drogues étangéres & nuifibles, ou des fatras de compofitions d'apothicaires, toutes chofes qui auroient plûtôt befoin d'être purgées & purifiées elles-mêmes, bien loin qu'elles puiffent purger nos humeurs.

17.

Syttéme

L'inventeur d'un nouveau systéme [4] prétend, que les petits infectes des inte dont la nature, felon lui, eft remplie, des. fe font une guerre continuelle entr'eux, qu'ils font la fource de toutes nos maladies, comme auffide notre fanté; que si les infectes qui ne fympatifent point avec nous, font victorieux, il importe alors d'envoïer des troupes auxiliaires aux vaincus, ce qui le peut aifément par le moïen des purgations, des reftaurants, des cordiaux, & autres remédes, qui font autant de détachemens d'infectes qui nous aiment. Mais c'eft un grand danger de livrer un état à des troupes étrangères, & après l'exemple

Sæpe etenim ferpens hominis contacta
falivâ
Difperit, ac se se mandendo conficit
ipfa. Lucret. lib. 4.

[o] Medicamentorum potus ftomacho inimicus. Plin lib. 26. c. 3.

[p] Platarg.de la confervation de la fanté. [q] Journ.des fçav. Avril. 1731.

18.

Fort réservés

ments.

de ce grand colosse d'empire Romain, qui a été détruit, pour avoir introduit dans fon fein les Barbares à titre d'alliés, on doit être fort réfervé dans le nouveau systéme à appeller les troupes auxiliaires qu'il nous offre ; Chryfippe & Erafiftrate défapprouLes grands voient l'ufage des purgatifs: Theffalus médecins les rejettoit [r]entiérement. Prenons, ur l'ufage difoit-il, un athléte tel qu'on voules médica dra, c'eft-à dire, l'homme le plus robufte & le plus fain que l'on puiffe trouver, & donnons lui un médica ment purgatif, nous verrons qu'encore qu'il n'eut rien avant cela que de bon & de fain en tout fon corps, ce que le médicament en fera fortir, fera très corrompu. Nous inférons de là, fans qu'on puiffe y contredire, que ce qui fort, n'étoit pas auparavant dans le corps de cet homme, puifqu'il fe por. toit bien. Nous en inférons en fecond Jieu, que le médicament a fait deux chofes en cette rencontre ; la prémiére, de changer en pourriture ou de corrompre ce qui n'étoit pas corrompu auparavant; la feconde, de faire fortir ce qui contribuoit à la fanté & à la force de cet homme. Theffalus ajoûte que les médecins de la fecte d'Hippocrate étoient des infenfés de ne s'appercevoir pas, que quand ils vouloient purger la bile, ils purgoient la pituite; & qu'au contraire, quand ils cherchoient à vui. der la pituite, ils vuidoient la bile,d'où

[r] Galen. contra ea que à Juliano in aphorifm. Hippocr. dicta funt. c. 8.

[s] Ego autem medicamentorum dari potiones, & alvum duci, non nifi rarò debere concedo, Celf. lib. 3. 6. 4.

[t] Medicamentorum autem usum ex magnâ parte Afclepiades non fine caufâ fuftulit; & cùm omnia fere medicamenta ftomachum lædant, malique fucci fint, ad ipfius victus rationem potius omnem curam fuam tranftulit. Celf.

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27.

attribuoient

Hippocrate [a] examinoit la différence des faifons, le lever ou le coucher des aftres, le temps de certaines conftellations, comme de l'Arcturus, de la Canicule, des Pléiades. Il regardoit l'astronomie comme néceffaire au médecin, & il étoit perfuadé de la vertu des influences céleftes.

Il déféroit [b] beaucoup au pouvoir médecins des nombres, conformément à la docbeaucoup de trine de Pythagore, comme lorsqu'il dit, que la guérison eft fujéte à la rechute, fila fièvre quitte dans un jour pair.

vertu aux nombres.

C'étoit auffi l'opinion de la vertu des nombres, qui lui faifoit décider [c], que l'enfant né à fept mois pouvoit vivre, & que l'enfant né à huit mois ne pouvoit pas vivre. Sentiment fuivi par Galien, & dont on n'eft détrompé que depuis peu; les médecins modernes aïant reconnu, que plus la naissance de l'enfant approche du terme ordinaire, plus il eft fort, plus il eft en état de vivre.

Celfe [d] reconnoît que les nombres Pythagoriciens autrefois fort célébres, ont fait tomber les anciens médecins dans plufieurs erreurs.

Marfile Ficinexplique quel égard on doit avoir aux afpects des Planétes dans l'ufage des remédes. C'eft de Paracelfe & de fes difciples, qu'eft venue l'opinion d'une prétendue convenance du cœur avec le foleil, du cerveau avec la lune, de la ratte avec Saturne, du poulmen

[ a ] Hippoer. de diatá, lib. 1. ¿ de aere, acquis, & locis. Id. de humoribus, &lib. 4. de morbis.

[6] Hippocr. aphor, lib. 4. aphor. 61. [c] Hippocr. de feptimeftri partu. Id. de eftimeftri partu.

[d] Celf. lib. 3. c. 4.

[e] Medico autem citra omnem defec tum hoc confiftere debet, ut fciat in

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Paracelfe [e] compare l'homme ou le Parcelfe petit monde au grand. Le médecin, fort eteté dit-il, qui ne fçait pas s'orienter dans gie. le petit monde, qui n'y connoît pas la queue du dragon, & le bélier, les poles, le méridien, le couchant & le levant, ne mérite que d'être le médecin de Pilate.

Purgars

topiques.

Boyle [f] parle de quelques méde- 23. cins qui purgeoient par des topiques ou remédes extérieurs. Il rapporte qu'un chimiste s'étant apperçû qu'un de fes amis traitoit de vifion cette nouvelle maniere de purger, il lui frotta la main d'une huile, dont quelques moments après, cet incrédule fe fentit auffi preffè, que s'il eût pris le matin une médecine, mais fans tranchée,fans douleur, & fans intempérie.

Boyle témoigne qu'il s'eft guériluimême plufieurs fois de la fiévre, par un feul mélange de raifins de Corinthe, de houblon & de fel commun, broyés enfemble, & appliqués fur le poignet. Les crapauds préparés garantiffent de la pefte, parce qu'il en fort une espéce d'athmosphére de corpufcules, qui diffipent & émouffent ceux de la contagion. C'eft pourquoi Boyle déclare qu'il a beaucoup de penchant à croire que les préfervatifs [g] portés au col par les anciens n'étoient pas entiérement fuperftitieux ni inutiles.

Que ce feroit une médecine douce,

homine caudam draconis, & arietem & axem polarem, & lineam meridiona lem, & ortum, & occafum. Quæ frignorat, apage talem ad Pilatum.Paracelf. Paragran: trastat 2.

[f] Robert Boyle, de naturâ determinatá effluviorum.

[g] Les anciens appelloient ces préferva tifs, amuleta, phylacteria, &c.

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