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trois mille ans depuis leurs prémiéres obfervations jufqu'à l'entrée d'Alexandre dans Babylone; & en remontant de-là au temps où l'écliptique auroit dû être perpendiculaire à l'équateur, fui vant le fyftéme de la diminution de fon obliquité d'une minute en 100. ans. M. de Louville trouve trois cents quatrevingt-dix-fept mille cent cinquante de nos années de trois cents foixante-cinq jours & fix heures, qui font celles, dont il faut cent pour la diminution d'une minute. Or il prouve que les années Chaldéennes, auffi-bien que les Egyptienes n'étoient que de 360. jours, & par conféquent il en faudra 402942. pour arriver à l'époque de l'écliptique perpendiculaire à l'équateur; ce qui ne différe que des 8. ans, de l'époque que donnoient les Chaldéens à leurs prémiéres obfervations.

Si le fyftéme de M. le chevalier de Louville eft vrai, l'écliptique viendra dans cent quarante mille ans à fe confondre avec l'équateur, fuppofé que la terre dure encore. Alors on aura pendant un certain nombre d'années ou mê me de fiécles, un équinoxe perpétuel, tel que l'ont les habitants de Jupiter, dont l'écliptique eft à peu près confon que avec fon équateur; après quoi l'é cliptique paffera de l'autre côté.

1

Les raifons de ce nouveau fyftéme ne peuvent foutenir un examen fort aprofondi, mais le fyftéme conferve toujours en foi une forte de magnificence, qui n'eft détruite

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par aucune impoffibilité.

La raifon la plus apparente eft fondée fur la latitude donnée à l'écliptique par l'obfervation de Pythéas, mais on fçait le peu de jufteffe, qu'avoient les obfervations des anciens, dépourvus des inftruments qui ne font en ufage que depuis environ un fiécle. Pytheas mérite perfonnellement très peu de confiance, & Strabon [m] le traite de grand menteur.

Aucune obfervation des autres aftronomes n'a le même rapport au systéme de M. le chevalier de Louville [n]. Prolémée a cru l'obliquité de l'écliptique conftante, & pour la déterminer, il s'eft rapporté à Eratofthéne, ou Hipparque beaucoup plus anciens que lui, & a fixé cette obliquité à 2 3. degrés, 5 i. minutes, 15. fecondes. Pappus 270. ans après Prolémée, fous Théodofe, donne pour une chofe commüe, que l'obliquité de l'écliptique eft de 23. degrés, 30. minutes. Albatégni 740.ans après Prolémée trouve cette obliquité de 2 3. degrés, 35. minutes, & illa fuppofe conftante. Régiomontant la met de 23. degrés, 30. ou 31. minutes. Copernic de 23. degrés, 28. minutes & demie.

A l'égard des autorités Egyptiennes & Chaldaïques,elles ne font en aucune façon favorables à ce fyftéme Les Prêtres Egyptiens dirent à Herodote [o], que durant onze mille trois cents quarante ans, le foleil avoit quatre fois changé d'Orient & d'Occident, qu'il s'étoit levé deux fois, où préfentement

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il fe couche, & qu'il s'étoit couché deux fois,où nous le yoïons lever maintenant; & que néanmoins ce prodige n'avoit apporté aucun changement dans l'Egypte, foit à la terre pour la production des fruits, foit au feuve, pour les débordements ordinaires, & que les maladies n'en avoient pas été plus fréquentes, ni la vie des hommes moins longue.

Si ces prêtres Egyptiens avoient eu une idée femblable à celle de M. le chevalier de Louville, fur la variation de l'obliquité de l'écliptique, ils au roient dû dire que ces changements de la courfe du foleil, au lieu de n'apporter aucun changement remarquable, avoient tellement dérangé l'ordre des faifons, que l'Egypte avoit eu trois fois des jours & des nuits de fix mois & des nuits d'une durée fort inegale, & trois fois un équinoxe continuel. Car pour que le foleil eût changé quatre fois fa courfe au point qu'il fe fut levé deux fois où il fe couche maintenant,&qu'il fe fût couché deux fois où il fe léve, il faudroit que l'écliptique aiant accom pagné le mouvement des poles de l'équa. teur,fauf la petite variation de fon obliquité, eût parcouru une révolution & demie de toute l'orbite, dont le quart. ne peut être parcouru,dans l'hypothéfe de M. de Louville qu'en 540000. ans. Ainfi les aftronomesEgyptiens auroient fait achever à l'écliptique en 11340. ans un chemin qui ne peut fe faire, fuivant l'hypothefe nouvelle, qu'en trois millions deux cents quarante mille ans. Ce qui n'auroit pu arriver, fans que les quatre points cardinaux du globe terreftre cuffent eu fucceffivement &à trois différentes reprifes l'écliptique à leur Zénith & à leur horizon; & que par une conféquence néceffaire elleseuffent éprouvé fucceffivement & à trois différentes reprises les phénoménes des

poles & de l'équateur de la terre. On ne peut faire quadrer l'hypothéfe du chevalier de Louville avec le difcours des prêtres Egiptiens, rapporté par Herodote; ces deux idées n'ont rien de femblable. Celle du chevalier de Louville fe rapporte à un mouvement réglé de l'écliptique, qui de perpendiculaire qu'elle étoit à l'équateur,la feroit devenir paralléle, & même paffer de l'autre côté de l'équateur. L'idée des prêtres Egyptiens s'applique à une révolution du foleil fort différente, qui lui avoit fait changer quatre fois, difoient-ils, d'Orient & d'Occident, s'étant levé deux fois, où il fe couche. La prémiere de ces idées a pour objet la révolution de l'écliptique; la feconde fuppofe la révolution de l'équateur. On ne pourroit donc combiner ces deux hypothéfes, fans renverfer touts les principes de la fphére. Car il faudroit joindre la révolution de l'équateur à celle de l'écliptique, & faire paffer l'équateur par la même route, que le chevalier de Louville a fait tenir

l'écliptique. Il eft évident que cette route coupe fucceffivement les cercles de déclinaifon dans touts leurs points, & que les poles de l'écliptique s'y meuvent le long du colure des folftices. Les poles de l'équateur, qui font immobiles, auroient donc parcouru un chemin immenfe; la pofition de la fphére fut devenue tour à tour droite, oblique, & paralléle par rapport à un même Zénith; les quatre points cardinaux du globe terreftre auroient changé continuellement, & les poles de l'équateur paffant par les parties oppofites de la fphére, la longueur des jours & des nuits eût varié dans les mêmes Zones, jufqu'à avoir alternativement un équinoxe continuel, & des nuits & des jours de fix mois, de vingt-quatre heures, ou de différentes inégalités. Si l'Egypte

n'eût pas été au nombre des parties du monde qui euffent eû la fphére entiérement paralléle, on y eût au moins remarqué de grandes viciffitudes dans la chaleur & la froideur du climat, & dans la durée des jours & des nuits. Dailleurs il n'y a aucune proportion des mouvements dans les deux hypothéfes. Si la révolution de l'écliptique fe faifoit avec la viteffe que les prêtres Egyptiens attribuoient à la courfe du foleil, il faudroit que l'écliptique achevât en onze mil trois cents quarante ans une révolution & demie d'orbite, dont le quart ne peut être parcouru, fuivant le chevalier de Louville, qu'en cinq cents quarante mil ans, & l'une de ces viteffes furpafferoit l'autre environ trois cents fois. Mais il eft inutile de s'embarraffer des conféquences qui fui vroient du difcours des prêtres Egyptiens; il n'a aucun rapport avec la diminution lente & fucceffive attribuée par le chevalier de Louville à l'obliqui.. té de l'écliptique ; & l'idée des prêtres Egyptiens ne leur étoit venue que du changement des faifons dans lesquelles leurs fêtes arrivoient, parce que toutes leurs années étoient de 360. jours juf tes. L'hypothefe d'une variation fucceffive & réglée de l'écliptique n'eft pas nouvelle: d'anciens aftronomes ont foutenu cette opinion, mais elle ne peut être appuiée fur les autorités Egyptien nes & Chaldaiques tirées d'Hérodote & de Diodore de Sicile, ainfi que je l'ai prouvé. Aujourdhui l'opinion la plus commune des aftronomes eft que l'obliquité de l'écliptique a des variations, mais qui ne font pas réglées, & quel, ques-uns ne les regardent que comme un mouvement de trépidation.

Ainfi l'on voit que le chemin que M. le chevalier de Louville fait faire à l'écliptique environ en cinq cents qua

[p] Cic. de divinas, lib, 1.

rante mille ans, c'est à dire depuis la pofition où l'écliptique couperoit l'équateur à angles droits, jufqu'à celle où l'écliptique feroit confondue avec l'équateur, ce chemin, dis-je, que M. de Louville fait faire à l'écliptique en cinq cents quarante mille ans, n'eft que la fixième partie de celui que les Egyptiens faifoient faire au foleil en 11340. ans: & fuivant l'opinion de ces prêtres Egyptiens, l'obliquité de l'écliptique, au lieu de diminuer d'une minute en un fiècle, devroit diminuer de ce même intervalle environ en quatre mois, & d'un degré entier environ en 20. ans. La variation de l'écliptique, fuivant les Egyptiens, feroit donc environ 300. fois plus rapide, que fuivant M, le chevalier de Louville. D'où il résulte que l'opinion des Egyptiens, & celle de M. le chevalier de Louville ont été fondées fur desconjectures, qui n'ont rien de commun, & qu'il ne peut fe prévaloir de leurs prétenduës obfervations.

L'opinion des prêtres Egyptiens leur étoit venue, de ce que le foleil leur pa. roiffoit changer fa courfe, toutes les fois que leurs fêtes paffoient en différentes faifons de l'année; ce qui arrivoit en fort peu de temps, parce qu'ils divifoient la courfe du foleil, comme tout autre cercle en 360. parties, & faifoient leur année de 360. jours fans intercalation.

Quant au calcul de la chronologic Chaldaïque, on ne l'a jamais regardé comme produit par quelque raifonnement, ou par quelques obfervations.Ci. céron le traicte de folie [p], & au lieu de 403000 ans, il rapporte que les Chaldéens comptoient quatre cents foixan. te-douze mille ans depuis le commencement de leurs obfervations aftronomiques, jufqu'à l'expédition d'Alexan

dre:

23. Régle de

pler.

Liv. IV. Ο 537 environ les différences des diftances. qu'il y a de la terre, de Jupiter, & de Saturne jufqu'au foleil: & fur ce fondement, la diftance de Jupiter au foleil furpaffe de cinq fois & un peu plus, la diftance qu'il y a de la terre au foleil ; & la diftance de Saturne au foleil eft prefque dix fois auffi grande que celle de la terre au foleil.

.
dre:& Diodore de Sicile, cité par M. le
chevalier de Louville,fait compter [[9] à
ces Chaldéens; pour l'intervalle des
deux mêmes termes, non pas quatre
cents trois mille ans, mais quatre cents
foixante-treize mille ans, à peu près
comme Cicéron; ce qui détruit totale-
ment la prétendue jufteile de rapport,
qui paroilloit être entre le calcul des
Chaldéens, & le calcul du nouveau
fystéme.

C'est une découverte fort heureu
fe, & d'un grand ufage dans l'aftro-
nomie, que la régle [r] de Képler.Elle
établit que les diftances des planétes
d'un centre commun font entr'elles,
comme les racines cubiques des quar.
rés de leurs révolutions autour de ce
centre; & réciproquement que les ré-
volutions des planétes autour d'un cen-
tre commun font entr'elles, comme
les racines quarrées des cubes des dif
tances de ce même centre. Ne vous
effraicz pas, mon Lecteur, il n'y a
rien ici de fort difficile à comprendre.
-La révolution de la terre s'achève en
un an, celle de Jupiter en douze ans,
celle de Saturne en trente. Ainfi les
chiffres 1, 12, 30. expriment la du-
rée des révolutions de la terre, de Ju-
piter, de Saturne. Le quarré d'un, eft
un; le quarré de douze, eft cent qua
rante quatre, puifque douze fois dou-
ze, font cent quarante-quatre; le quar-
ré de trente, elt neuf cents. La racine
cubique d'un eft un; la racine cubique
de 144.eft 5. & un peu plus, la racine
cubique de 900. eft 10., un peu moins.
Donc les chiffres 1, 5, 10, expriment
Tom. 1.

[9] Ετῶν γὰρ ἐπλα κ τετ ταράκοντα μυριάδας, οι τρεις ἐπὶ ταύταις χιλιάδας εις Την Α' λε άνδρα διάβασιν γεγονέναικα παρισμέ σιν ἀφ' ὅτε το παλαιὸν ἥρξαντο τῶν ἄφρων τὰς παρατηρήσεις ποιεῖσθαι. Diod.Sic, lib.2.

Cette régle n'eft pas fondée fur des rapports numériques, qui n'auroient aucune folidité par eux-mêmes; elle a été vérifiée par toutes les expériences [s], & confirmée par les quatre fatellites de Jupiter, par les cinq fatellites de Saturne, par Mercure, & par Venus: & fe trouvant conftante & uniforme dans onze planétes, on n'héfite pas à en faire l'application aux quatre planétes qui reftent, fçavoir la terre, Mars, Jupiter, & Saturne.

La régle de Kepler a fon principe dans le méchanifme général de la nature: car, puifque la diftance des planétes d'un centre commun eft caufée par la force centrifuge, qui régle auffi la viteffe de leurs revolutions autour de ce centre, il doit y avoir une proportion entre les diftances des glo. bes qui tournent autour d'un même centre & les viteffes de leurs révolutions.

Cette proportion établie par la régle de Kepler, fait que la diftance connue d'une de ces planétes nous donne la diftance de toutes les autres.

L'éloignement du foleil, des planétes, & des fixes ne peut pas être déterminé, avec une précision exacte. Aaaa

[r] Hift. de l'Acad. des fcienc.ann.1705. β. 118. [s] Hift. de l'Acad. des fcienc ann. 1705. p 119.

C'est beaucoup de faire, à cet égard des calculs approchés. Nous nous contentons bien de connoître, à peu près, les distances des lieux, où nous avons même intention de voïager. Un homme qui veut aller de Paris à Orléans,fe tient fuffifamment inftruit de la dif, tance d'Orléans, lorfqu'il apprend que cette ville eft éloignée de Paris environ de foixante milles, quoiqu'il y ait peut-être une erreur de plus de huit ou dix milles, à évaluer ainfi cette distance.

Les calculs de l'aftronomie font fondés fur des régles d'optique fort certaines. A la vérité, l'application de ces régles n'eft pas fans incertitude, par les variations qui peuvent arriver dans les grandeurs apparentes des difques des globes céleftes.

Sur le fommet du pic de Ténériffe, le foleil, dit-on, ne paroît guéres plus grand qu'une étoile. Si le fait eft vrai, il y a lieu de fe perfuader que les grandeurs apparentes des planétes & des fixes n'y font pas diminuées à proportion de l'apparence du difque folaire. Je fuppofe des aftronomes dans un obfervatoire placé fur le fom. met de cette montagne, toutes les distances des planétes & des fixes, toutes les groffeurs de ces globes, toute la forme de l'univers, & l'arrangement entier des cieux vont recevoir de prodigieux changements par leurs nouvelles obfervations.

Le pére Mallebranche [remarque, que le diamètre de la lune s'aggrandit à notre égard à proportion, qu'elle s'éloigne de l'horizon, & que néanmoins la grandeur apparente de fon difque diminue. En effet, lorfque la lune fe léve ou fe couche, elle eft plus éloignée de nous, du demi-dia

métre de la terre, que lorfqu'elle est perpendiculairement fur notre tête; & c'eft la raifon pour laquelle fon diamétre s'aggrandit réellement à notre égard, fuivant les observations aftronomiques, lorfqu'elle monte fur l'horizon, parce qu'alors elle s'approche de nous. Mais en même temps, elle nous paroît plus petite à la vûë, & l'apparence de fon difque diminuë, quoique fon diamétre augmente par rapport à nous. Plufieurs philofophes attribuent ce phénoméne aux vapeurs qui s'élèvent de la terre qui rompant les raïons des objets, les font paroître plus grands. Le pére Mallebran che aime mieux en rapporter la caufe, à ce que, quand nous voïons la lune à fon lever ou à fon coucher, notre vûë, avant que de l'appercevoir, parcourant l'horizon fenfible, ou plufieurs campagnes, dont nous connoiffons à peu près la grandeur, nous jugeons de la grandeur de la lune, par la comparaifon de la grandeur connue de cet, te multiplicité d'objets, dont nous avons une fort grande idée; au lieu que la lune étant fur notre tête, nous ne rencontrons rien entre nous & elle, qui nous porte à augmenter par comparaifon le jugement de fa grandeur.

84.

parallaxe.

On mefure par la parallaxe la dif tance des corps céleftes; toute paralla- Ulage de la xe en général confifte, en ce qu'un même objet vû en même temps de différents lieux, eft rapporté à deux points différents. La parallaxe horizontale eft la plus grande de toutes, On entend par la parallaxe d'un aftre, l'angle formé par deux raïons vifuels, tirés l'undu centre & l'autre du point de la furface de la terre où eft l'ob fervateur. La trigonométrie fait connoître touts les côtés de ce triangle,

[] Lep. Mallebr. recherche de la verit. liv. 1, c.7. & 9.

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