Page images
PDF
EPUB

46.

niciens.

la lenteur des mouvements aufquels nos fens font accoutumés, elle n'a rien pour cela de plus difficile à Dieu qui a pu imprimer au ciel des étoiles fixes tel mouvement qu'il lui a plu.

Les Coperniciens repliquent qu'à Replique confidérer la puiffance de Dieu, on ne des Coper- doute point qu'il n'ait pu produire auffi facilement une viteffe qui nous feroit inconcevable qu'une viteffe proportion née à notre imagination; mais que s'agiffant de raifonner phyfiquement & felon la nature, les chofes les plus fimples, & les explications les plus aifées à comprendre doivent être préférées à celles qui font embarraffées, & même hors de la portée de notre entendement. Or cette rapidité incompréhenfible du ciel des étoiles fixes eft évitée par un mouvement de la terre, qui n'a rien que de naturel & de proportionné aux mouvements que nous connoiffons.

ture ne fe

téme de

47. Dailleurs le fyftéme de Copernic eft Le méchanifme généle feul qui embraffe le méchanifme géral de la na- néral de la nature, & qui y fatisfaffe. trouve que Car la terre ne peut être le principe dans le fy- d'aucun mouvement, parce qu'aucun Copernic. corps ne peut donner le mouvement s'il ne l'a lui-même. Par conféquent fi fi la terre étoit immobile, fuivant les fyftémes de Ptolémée & de TychoBrahé, la lune tourneroit autour de la terre, fans avoir aucun principe de mouvement dans fon centre. Le fo Jeil qui de l'aveu de Tycho-Brahé, donne le mouvement aux cinq planétes qui le fuivent, tourneroit lui-même autour de la terre fans aucun principe naturel de ce mouvement circulaire. Mais en le plaçant avec Copernic dans le centre du tourbillon, il tourne fur fon axe par le principe intérieur d'un mouvement

propre à tout corps en feu, & par la répercuffion de la matière qui l'environne, contre laquelle toutes les parties qui compofent le foleil font effort pour s'éloigner du centre par une des prémiéres loix générales du mouvement, fuivant laquelle tout corps qui décrit un mouvement circulaire tend à reprendre le mouvement direct, qui eft fon mouvement le plus naturel, & à s'échaper par la tangente du cercle.

Quatric me

tan.

Ce mouvement central du foleil est le prémier moteur univerfel dans tout fon tourbillon. Il eft le principe naturel & phyfique de l'agitation,que fes raions impriment à touts les globes qui l'environnent, & qui tournent autour de lui. Il y a un quatriéme fyftéme de Longomontan, difciple de Tycho-Brahé. fyfteme de Longomontan [o] a emprunté quelque Longo chofe de touts les autres fyftémes, & il a effaïé d'éviter ce qu'on leur objectoit de plus fort. Il voïoit qu'il étoit difficile dans celui de Tycho-Brahé de foutenir le mouvement incompréhensible des étoiles fixes; & qu'on avoit peine à s'accoutumer dans celui de Copernic à l'im menfité de l'efpace, qu'il met entre le ciel de Saturne & les étoiles fixes. Pour prévenir ces objections, il n'a fait qu'un changement au fyftéme de TychoBrahé, qui eft de donner à la terre le feul mouvement journalier de circonvalution fur fon axe. Par ce moien le foleil, les planétes, & les étoiles fixes ne tournent point en vingt-quatre heures autour de la terre, il ne reste aux étoiles fixes qu'une révolution fort lente,fuivant laquelle elles parcourent leur cercle environ en vingt-cinq mille ans, comme la lune fournit le fien environ en vingt-fept jours, & le foleil en un

[o] Le Nobl. tabl de philof.

49.

Celyftéme

an autour de la terre, & comme les autres planétes achévent la carriére de leur orbite autour du foleil, à proportion de leur éloignement & de la grandeur de cette orbite.

Ce fyftéme qui n'eft qu'une réformademeuré tion de celui de Tycho-Brahé, eft aifé fez obicurà foutenir; il évite les objections les plus fortes qui fe font contre les autres fyftémes: peu d'aftronomes néanmoins y ont applaudi, les uns vou lant que, fi la terre eft au centre, elle foit immobile, & les autres foutenant que, fi la terre a du mouvement, il doit être femblable à celui des autre planétes, & que fa terre doit avoir comme elles une révolution périodique autour d'un grand cercle.

t..

Coper

Ces fyftémes aftronomiques me paroiffent les opinions les plus magnifiques, les plus ingénieufes, & même les plus fenfées, mais je ne puis me perfuader que ce foit des vérités, ni que l'efprit de l'homme puiffe comprendre le grand ouvrage du créa

teur.

Le pére de Chales prétend qu'on peut Loutenir plus de vingt fyftémes ou hypothefes, qui expliquent avec une égale précision toutes les apparences des aftres, en regardant comme immobile quelqu'un des neuf termes de l'aftronomie, fçavoir les fept planétes, la terre & le firmament.

A

Le fystéme Le fytéme de Copernic eft entiérepris des ment pris des anciens. Il eft compofé en partie de l'opinion de Philolaüs, qui

C

ciens

[blocks in formation]

avoit établi l'immobilité du soleil [p], & le mouvement de la terre autour de cet aftre; ce qui fait la révolution annuelle & en partie de l'hypothéfe d'Héraclide de Pont, & d'Ecphantus Pythagoricien,qui avoient foutenu le mouvement journalier de la terre fur fon axe [9], pour rendre raifon du jour & de la nuit. On lit dans Archimède, qu'Ariftarque de Samos croïoit auffi le ciel & les étoiles immobiles,& que c'étoit la terre qui tournoit. Théophrafte attribuoit le même fentiment du mouvement de la terre[r] à Nicétas Syracufain, qui enfeignoit en même temps, que le ciel, le foleil,la lune,les étoiles, & toutes les planétes étoient immobiles, & que la terre feule tournoit.Cicéron ajoute que plufieurs trouvoient le même fyftéme dans le Timée de Platon,quoiqu'il s'en füt expliqué obfcurément.

Plutarque [s] avance que Platon embraffa cette opinion, qui étoit celle d'Archytas de Tarente, & de Timée de Locres. D'autres auteurs ont écrit que Seleucus,Cléanthés deSamos,& Leucip pe,avoient foutenu la même hypothefe.

Sénéque doute [t], fi la demeure que nous occupons a eu en partage le repos, ou la viteffe du mouvement, fil'univers tourne autour de la terre ou fi la terre tourne elle-même.

Touts ces anciens Philofophes, parmi lefquels il paroît que l'opinion du mouvement de la terre étoit communément répandue, en avoient puifé le fyftéme dans la doctrine de PythaYyy 3

do moveri..... atque hoc etiam Platonem in Timeo dicere quidam arbitrantur, fed paulò obfcurius. Cic. Academic. quast. lib. 4.

[s] Plutarch. in Num.

[] Ut fciamus in quo rerum ftatu fimus,pigerrimam fortiti an velociffimam fedem, circa nos Deus omnia, an nos agat, Sen,

gore, qui plaçoit au centre de l'univers un feu qui nourrit & vivifie toute la nature [], & qui eft la fource du

mouvement.

Ariftote[] explique fort clairement le fyftéme de Copernic, en difant que les Pythagoriciens placent le feu au centre de l'univers, & font mouvoir la terre autour de ce centre. Il y a bien de l'apparence (pour l'obferver en paffant) que c'eft ici que Defcartes a pris l'idée de placer fa matiére fubtile au centre du tourbillon; ce qui eft une contradiction infoutenable du méchanifme qu'il introduit dans la nature. Il devoit placer au centre un feu, mais compofé de la matiére du troifiéme élément pénétré de la matière fubtile, ainfi que nous l'avons fuffifamment expliqué dans le chapitre de la Phyfique.

Pythagore mettoit dans le centre du monde unglobe de feu, qu'il appelloit Vefta ou l'unité. Plutarque [y] attribue le même fentiment à Numa, plus ancien que Pythagore. S. Clément d'Alexandrie [z] prétend même que cette opinion étoit tirée des Egyptiens.

Les Pythagoriciens donnoient pour raifon, que le centre convient mieux à ce qu'il y a d'excellent; mais la raifon tirée du méchanisme général de la nature eft bien plus forte que des confidérations de bienféance ou des prérogatives de rang, aufquelles des philofophes ne s'arrêtent guéres

Le cardinal Cufa, qui a écrit avec toute la barbarie de l'ancienne échole, renouvella ce fyftéme entiérement ou blié, environ So. ans avant Copernic; mais fans y donner les explications néceffaires: & Copernic en a mérité

[u] Simplicius, comment, in Ariftot. de cælo, lib. 2. c. 13.

[x] Ariftot, de cœlo, lib. 2. c. 13.

l'honneur, en le mettant dans tout fon jour, & en expliquant touts les phénoménes fuivant cette hypothéfe.

[ocr errors]

L'explication des éclipfes eft la mê me dans touts les fyftémes. Et elle eft Explic une preuve très honorable à l'aftro- des écis.c nomie, que la certitude des hypothefes n'eft pas néceffaire à la découverte de plufieurs vérités très importantes. Il faut fe rappeller que lalune achève fa révolution autour de la terre en vingt-fept jours, fept heures, & quarante-trois minutes, & qu'elle revient en conjonction avec le foleil en 29.jours, 12. heures, & 44.minutes ou environ, que ce qui fait la différence de ces deux révolutions, dont l'une eft appellée périodique, & l'autre fynodique, c'eft que dans le temps que la lune emploie à fa révolution périodique autour de la terre, le globe terreftre ou le foleil avance prefque d'un figne dans l'écliptique, de forte que la lune pour regagner a conjonction du foleil, eft obligée de parcourir l'efpace dont la terre ou le foleil fe trouvent avoir avancé. Cette révolution fynodique fait ce que nous appellons les lunaifons divifées en quatre parties, ou quatre différents quartiers.

[blocks in formation]

Le prémier quartier commence au point de fa conjonction avec le foleil, qui pour lors illumine l'hémif- tiers de la phére de la lune que nous ne voïons point, en forte que la lune eft alors entiérement ténébreuse pour nous. En quittant la ligne perpendiculaire du foleil, elle lui préfente peu à peu l'autre hémisphère à mesure qu'elle s'en éloigne, en forte qu'au bout d'un peu plus de fept jours, la moitié de

[y] Plutarch. in Num.

[x] S. Clem. Alex, stromat. lib. 5.

53.

Caufe de 'éclipfe de

une.

54. Cafe de

foleil.

DE

L'OPINION. Liv. IV.

Thémisphère qui eft tourné vers nous eft illuminée, & c'est ce qu'on appel. le le prémier quartier, auquel commence la feconde phafe. De-là s'éloignant toujours du foleil, & s'illumi nant de plus en plus du côté qu'elle nous préfente, elle arrive au plein, lorfqu'étant en oppofition précise du foleil, tout l'hémisphère qui eft tourné vers la terre, nous renvoie les raïons du soleil, d'où fe rapprochant, & lui préfentant infenfiblement le côté que nous ne voïons point, elle diminuë de lumiére jufqu'à ce qu'en aïant perdu la moitié, elle entre en fon dernier quartier, qui dure jufqu'à la nouvelle conjonction.

Cette révolution de la lune entendue, il eft aifé de concevoir que fon éclipfe arrive [a], lorsque la masse de la terre fe trouve interpofée entre le foleil & la lune, & que la lune étant entrée dans l'ombre de la terre, ne reçoit plus les raïons du foleil, unique fource de la lumière; & cette éclipfe de lune n'arrive que dans l'oppofition ou dans la pleine lune.

L'éclipfe du foleil arrive [b], lorfclipfe de que le corps épais & ténébreux de la lune interpofé entre cet aftre & la terre, nous empêche de voir le foleil: ce qui ne peut arriver que dans le temps de la conjonction de la lune avec le foleil, ou dans la nouvelle lune.

55.

n'arrivent

Il s'en faut bien que les deux aftres Pourquoi les éclipfes ne foient éclipfés à toutes les conpas à toutes jonctions & oppofitions. En voici la les conjonc-raifon [c]. Le globe de la terre,fuipofitiousvant Copernic, ou le foleil, fuivant Tycho-Brahé, fait fa révolution en un an par la ligne qui coupe l'équateur en écharpe, & qu'on nomme l'éclip

[a] Alfragan, element. aftronomic. c.28,
[6] Alfragan. iv. c. 29....

527

tique ou le zodiaque, dont la latitu de fe prend depuis le point du tropi que de l'écreviffe, jufqu'au point du tropique du capricorne, en forte que l'un ou l'autre de ces globes partant de l'écreviffe, va couper la ligne équi noxiale ou l'équateur au prémier point de la balance, d'où il pouffe jufqu'au point du capricorne, de-là revient couper l'équateur au point du bélier, & remonte jufqu'à ce qu'il foit retourné à ce point de l'écreviffe d'où il étoit parti.

56.

foleil dans

Pour rendre maintenant l'explication des éclipfes plus fenfible, fui- Route da vant la prévention que nous avons re- l'écliptique. çue des fens que c'est le foleil qui tourle foleil qui parcoure le zodiaque. ne, fuppofons qu'effectivement ce foit Le foleil donc avance le long du zodia que, par une ligne qui ne s'écarte ni à droite ni à gauche; c'eft cette ligne qui n'a pas plus de largeur que le diamétre du globe roulant, qui me la ligne écliptique. La lune qui se nomfait la même route du zodiaque en un mois, dans un cercle beaucoup plus petit & plus voifin de la terre, & fort au-deffous de l'orbite parcou ruë par le foleil, fe trouve en un an douze fois nouvelle & douze fois pleine, ou douze fois en conjonction & douze fois en oppofition avec le foleil, mais elle ne parcourt pas le zodiaque par une ligne précisement perpendiculaire à la ligne écliptique, qui eft la route du foleil, elle décrit fon 57. écharpe propre un peu plus contour-cart de la née, & dont les ventres ou extremi- rapport à la tés s'écartent de chaque côté de cinq de- route du fogrés au-delà des extrémités de la ligne écliptique, enforte néanmoins qu'elle coupe cette ligne en deux endroits

[c] Le Nobl, tabl, des philof.

lune par

leil.

58. Ce qu'on

nommés les nœuds, qui font d'un grand ufage dans l'aftrologie judiciaire, & aufquels les Aftrologues ont donné les noms de tête & de queue du dragon. C'eft cet écart de la route de la luappelle latine à côté de la route de l'écliptique, tude de la qui s'appelle fa latitude, en forte qu'on dit que la lune a tant de degrés & de minutes de latitude, lorfque fa route eft éloignée de la ligne écliptique de tant de degrés & de tant de minu

lune.

59. Temps & occafions

tes.

De ces principes il réfulte que quand les conjonctions ou les oppofitions ardes écliples. rivent dans le temps que la lune a dela latitude, & qu'elle eft hors de la ligne écliptique, la conjonction n'étant point perpendiculaire, ni fon oppofition diametrale, il n'y a point d'éclipfe, & l'éclipfe ne peut arriver que lorfque cette conjonction ou cette oppofition fe font, dans le moment que la lune eft dans les nouds, dans lefquels fa ligne écliptique coupe celle du foleil, parce qu'alors elle fe trouve fans latitude, & jointe perpendiculairement ou diamétralement oppofée au foleil; & comme la lune ne fe trouve ordinairement que de fix moisen fix mois en conjonction & en oppofition dans les nauds, c'eft ce qui fait que communément elle ne s'éclipfe que deux fois l'année, quoique ces éclipfes foient quelquefois plus rares ou plus fréquentes.

60. L'éclipfe du foleil n'arrive pas fi Eclipfes de fréquemment que celle de la lune, Tares & plus parce que le diamètre de la lune qui

feleil plus

courtes.

[d] Supernaturalis illa fuit quæ paffionem vidit dominicam. Plenilunio accidit totalis, & per trihorium duravit. Dionyfius de illâ, aut naturæ Deus patitur,aut mundi machina corrumpitur. Hinc,dein communicato cum philofophis confilio,aram ignoto Deo extruxit, & ad concionem Pauli converfus eft. Relatam

[ocr errors]

caufe l'éclipfe du foleil, en nous le cas
chant, n'est pas fi grand que le diamé-
tre de l'ombre de la terre, où la lune
s'éclipfe. Par la même raifon, les éclip-
fes de lune font plus longues que celles
du foleil, parce que la lune emploie
moins de temps à paffer par deffous le
diamètre du foleil, dont le difque ne
paroît pas plus grand que le fien, qu'el-:
le n'en emploie à traverser l'ombre de
la terre, qui eft d'un diamètre trois.
fois plus grand que fon difque. Ainfi
les éclipfes de lune durent jufqu'à qua
tre heures, lorfqu'elles font centrales,
& celles du foleil ne vont guéres à
plus de deux heures.

Quelques auteurs ont écrit que pen..
dant la Paffion de Jesus-Christ" [d], il
arriva une éclipfe de foleil contraire
aux loix de la nature & au cours des af-
tres. Les prémiers Chrétiens, qui ont
parlé des ténébres furvenues au temps
que N.S.fut crucifié, & qui en ont par-
lé,comme d'un prodige marqué par les
régiftres publics, ont fait voir, qu'au
temps de la Passion,la lune étant pleine,
& en oppofition, il ne pouvoit y avoir
d'éclipfe du foleil qui ne fût miracu-
leufe. Huet dit que cette éclipfe a été
attestée [e] par les auteurs Payens, &
par les annales des Chinois.

Jules Africain[f], Eufébe, & S. Jérôme [g]ont cité Phlégon affranchi de l'empereur Adrien, qui a dit qu'en la 4. année de la 202. olympiade, qui eft celle de la Paifion de Jefus-Chrift, il y eut une éclipfe de foleil la plus grande qu'on eut jamais vûë. Tertul

lien

in acta publica Romæ teftatur Tertullianus in apologetico,fed ne fpargeretur,prohibitum Joann Jonfton.thaumatogr.natural. cla.1.c.3.ars 2.

[e] Huer. quaft. Alnet. lib.2.c. 19. & de-
menftrat.evangel.propof.3.08.

[f] African.ap.Syncell.p.322.
[8] Eufeb. & S. Hieronym.in chronic.

61.

Des téné

bres de la

paffion.

« PreviousContinue »