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Si l'on expofe au foleil [a] quand il eft bien chaud, comme en été, depuis neuf heures du matin jusqu'à trois heu, res après midi, une phiole de verre bien ronde & pleine d'eau, elle mettra le feu à de la poudre fine qu'on aura placé au foïer de ce miroir ardent fait d'eau. Ces expériences font voir clairement que les raions du foleil ne perdent rien de leur nature, en pénétrant & paffant au travers des pores de l'eau & de la glace.

On a peine à s'immaginer que l'eau commune puiffe devenir un phofphore brûlant. On trouve néanmoins[b]dans les mémoires de Trévoux, qu'un vaif, feau qui alloit aux Indes Orientales, aiant pris à S. Jago de l'eau très bonne, quelque tems après au moment qu'on ouvrit la barrique, l'eau prit feu.Cette eau [c] fut apparemment imprégnée d'air,& d'une grande quantité de fouf fre; ce fouffre eut fes petites cellules pleines de matiére fubtile violemment agitée, mais emprisonnée, qui n'attendoit que l'ouverture de la barrique & l'action fubtile de l'air extérieur, pour être en état de brifer fes petites prifons, de lancer de toutes parts avec le fecours de l'air intérieur les parties dont cette matiére fubtile étoit environée, & de caufer par-là cette flamme, qu'on vit fortir tout d'un coup du milieu de l'eau.

Si l'on renferme du foin [d] encore humide, les efprits terreftres dont il eft fort imprégné fe dégageant de plus en plus, à la faveur du reffort de l'air interieur & du choc de la matiére fub tile, viennent enfin à nager librement

[a] Vallem. Phyfiq. occult, ch. 12. [b] Mémoir. de Trév. Mai 1701.p. 190. [c] Lep.Regnault entres. Phyfiq.entret, 18, [d] Lep. Regnault, à l'endroit cité.

dans cette matiére, & emportés par fon mouvement rapide brifent, pouffent, diffipent toutes les petites parties du foin. Voilà le foin en feu.

103.

ciens cher

vent la rai

Montagne fait une obfervation très Les Phyfiimportante pour la Phyfique en gé- chent founéral:,, Je vois ordinairement, dit-il, fon de ce que les hommes aux faits qu'on leur qui n'eft propofe, s'amufent plus volontiers Pas. à en chercher la raifon, qu'à en " chercher la vérité. Ils paffent pardessus les préfuppofitions, mais ils " examinent curieufement les confé- " quences. Ils laiffent les chofes, & courent aux caufes. Plaifants cau- " feurs! ils commencent ordinaire. ment ainfi : Comment eft-ce que cela fe fait?mais fe fait-il? faudroit-il dire. "

Plufieurs médecins, du temps de Galien [e], s'efforçoient de trouver la raifon, pour laquelle il ne fe fait. point de calus aux fractures de la tête: Vous êtes bien ineptes, leur dit-il, de rendre raison de ce qui n'eft pas.

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Démocrite aïant mangé à fa table [f] des figues qui fentoient le miel, commença foudain à chercher, en fon efprit, d'où leur venoit cette douceur inufitée, & pour s'en éclair-,, cir s'alloit lever de table, pour voir » l'affiette du lieu où ces figues avoient,, été cueillies. Sa chambriére aïant en- „ tendu la caufe de ce remuement, lui dit en riant, qu'il ne fe peinât plus pour cela, car c'étoit qu'elle les a- „ voit mifes en un vaiffeau où il y ., avoit eu du miel. Il fe dépita de,, quoi elle lui avoit ôté l'occasion de cette recherche, & dérobé ma-,, tiére à fa curiofité. Vas, lui dit-il, »

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14.

Colére

de Dé

moctitre fa

te con

cham

brière.

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105. Plufieurs opinions

ment.

Ce font des opinions affez générale ment répandues,que la lune fait croître fans fonde & décroître [g]la mouelle & la cervelle des animaux,qu'elle régle le froid & le chaud, les pluïcs & les orages. Mais ceux qui ont examiné de fuite la mouelle des animaux, de même que les changements qui arrivent aux écreviffes & aux huitres,ont remarqué des effets tout contraires dans les differentes viciffitudes de la lune. On pourroit dire pour les changements de temps attribués aux differentes phafes de la lune, que cet aftre nous renvoie les raïons du foleil plus ou moins humides; mais en fuppofant cette caufe dont nous n'avons pas une entiére certitude, l'expérience nous apprend que cette caule n'eft pas affez forte, pour produire le temps fec ou le temps pluvieux, puifque le temps eft auffi fouvent fec dans l'oppofition de la lune au foleil, lorfqu'étant pleine elle nous renvoie la plus grande quantité de raïons folaires, que lorfqu'elle nous en refléchit le moins: & fi nous a vions des observations bien fuivies,nous trouverions que la température de l'air fe conforme fi peu à la nouvelle & à la pleine lune, que l'on compteroit autant de mois, où le temps a été fec,quoique le retour de la lune eût été pluvieux, que de mois pluvieux après un retour de lune pluvieux. Plutarque dit avec auffi

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peu de fondement,que la lune dans fon décours eft favorable aux femmes en couche par le relachement [i] des humeurs.

106.

Des vis perçantes

des corps

Qui eût jamais prévû que des philofophes foutiendroient, qu'on peut voir clair au travers des corps les plus opa- au traves ques? Le fiécle paffé en a fourni des exemples: auffi-tôt qu'on cut dit qu'il y avoit en Espagne des hommes qui voïoient au travers de la terre à plus de vingt piques de profondeur, & qui appercevoient les fources, les métaux, & les cadavres enfermés dans des cercueils fort épais,plufieurs philofophes ne manquérent pas de trouver des raifons,pour fe perfuader qu'il n'y avoit rien là qui ne fût poffible naturellement.Ces Efpagnols avoient les yeux fort rouges. Le pére Martin Del Rio rapporte que lorfqu'il étoit à Madrid en 1575. on y voïoit un petit garçon de cette efpéce. Le Mercure de France [k]a parlé de la demoiselle Pédegafche Portugaife, qui voit ce qui eft caché dans les entrailles de la terre. Elle difcerne la pierre, le fable,les fources d'eau même à trente ou quarante braffes de profondeur. A l'égard du corps humain, fa vûë ne pénétre pas au travers des habits mais à nud: elle diftingue l'eftomac, le cœur, & autres parties internes, voit les abfcés s'ily en a, & demêle les caufes des maladies dans les humeurs. Elle connoît à sept mois de groffeffe, fi une femme eft enceinte d'un garçon ou d'une fille.

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107.

Propriécé

Gutierrius/Japrès avoir parlé d'un homme, qui de fon regard falloit mourir les enfants & même les chevaux, rapporte l'opinion de quelques perfonnes, que ceux qui naillent le Vendre di-faint, jour auquel la terre s'ouvrit, pénétrent de leurs regards dans les entrailles de la terre.

Le pére le Brun [m] n'ajoute aucu ne foi à ces hiftoires de vûës perçantes: & il montre qu'un fait femblable autorifé par une lettre de Huguens au pére Merfenne, n'eft avancé par Huguens que fur des oui dire & par plaifanterie. Le pére Benoît Jerôme Feijoo obfer. ve[] que ces hommes à vues perçantes dans les corps opaques, font nommés Zahories, nom qu'il eftime avec beaucoup de vraisemblance, être Arabe d'origine : & il trouve probable que les Espagnols ont reçu cette opinion qu'il traite de chimére, des Maures qui avoient envahi l'Espagne, nation qui donnoit beaucoup dans le fabuleux. Il fait remarquer que cette opinion n'eft répanduë que chez les Efpagnols & dans le Portugal, où elle aura paffé par proximité & par conformité de génie. Le témoignage de ce Bénédictin qui eft Efpagnol lui même, eft d'un grand poids pour affurer la fauffeté de cette opinion..

Et il rien qui paroiffe plus extraorfabuleufe de dinaire, que ce qu'on a dit autrefois

ia Remore.

[1] Gutierrius de fafcino, dubio 3. [m] Le p.le Brun,hift. critiq. des pratiq. fuperftit. t. 1. liv. 1. ch.6.p.104. feconde édit. [n] D. Benoit Jérôme Feijoo, dans le 3.0 tome qui vient de paroître de fon théatre critique univerfel. Difcours 5.

[o] Oppian. de pifcat. lib. 1. v.217.
Non puppim retinens, Euro tenden-
te rudentes.

In mediis Echeneïs aquis. Lucan.
[p] Keckermannus in disputar. Phyfic.

fo ] fur la Remore, petit poiffon à peu près femblable à une Sardine, que s'attachant à un vaiffeau qui vogue à pleines voiles, il l'arrête tout d'un coup? Les Phyficiens ont inventé plufieurs fortes de fyftémes, pour expliquer cette merveille ou plûtôt cette fable. Quelques-uns [p] ont été jufqu'à dire que le froid exceffif que la Remore répand autour de foi, glace l'eau qui environne le gouvernail. Campanella ] 9 ] qui donne du fentiment à toutes les parties de la matière, a foutenu que la Remore arrête un vaiffeau, en lui ôtant par l'engourdiffement qu'elle lui caufe, le fentiment de la navigation.

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Ulyffe [r] Aldobrandi, & le pére Gafpard Schott [s] attribuent modef. tement cette propriété de la Remore à une qualité occulte.Suarez après avoir parlé[]très affirmativement de cette propriété, fe doute qu'elle eft l'effet de quelque influence célefte. Jules Scaliger [] fait intervenir les poles du monde, le centre de la terre le ciel, les fleuves, l'aiman, & rabattant fur la Remore, il conclut enfin que comme le Phyficien ne peut expliquer pourquoi le froid eft contraire au chaud, on ne peut auffi rendre raifon pourquoi la Remore arrête les navires. Comprénez bien, dit Zara [x], ce que peut le combat des pré miéres qualités, & vous verrez tout Ttt 3

[q]Campanell, de fenfu rerum, l. 3.in fine. [r] Uly Aldobrand. de pifcib.l.3. [s] Galpard Schott. Phyfiq. curieuse. [r] Non dubium eft quin ex virtute mirabili proveniat, adjuvante fortaffe fpeciali aliquâ & connaturali influentiâ cœli. Suarez. difputar. 18. Sect.8.

[u] Jul. Scalig. in Cardanum de fubtilit. exercitat. 218. numer. S.

[x] Zara dans l'hift, critiq.des pratiq.fnperftit par le p. le Brun,t,1.p 34.

108.

De la plan

Lunaria Major,

d'un coup la caufe du myftére. Le vaiffeau a l'humidité en partage, la Remore excelle en féchereffe. Le fec eft plus actif que l'humide; n'eft-il pas clair que la qualité du poiffon doit vaincre la qualité du vaiffeau, & par conféquent l'arrêter?

Aujourd'hui que la propriété de la Remore eft bien reconnue pour fabuleufe on cherche quelle peut avoir été la caufe d'une opinion fi extraordinaire. Vallemont [y] croit, avec affez de vraisemblance, qu'on aura trouvé ce petit poisson attaché à la prouë de quelque vaiffeau arrêté, dont le repos n'étoic affurément pas caufé par la Remore, mais peut-être par des cavernes, qui font au fond de la mer, dans lefquelles l'eau s'engoufre, & qui retiennent ainfi quelque temps les navires qui paffent pardeffus.

Les Phyficiens ne fe font pas peu te appellée tourmentés à trouver la caufe [z], pourquoi la plante qui eft nommée Lunaria major déferre un cheval qui marche deffus, comme Diofcoride l'a rapporté. Cependant aujourd'hui on regarde cela comme un conte fait à plaifir. Car fuppofé que les feuilles de cette plante s'attachent au fer d'un cheval, tout ce qui peut arriver de-là,c'eft que les cloux qui tiennent le fer étant plus forts que la tige de cette plante, l'arracheront de terre ou la rompront.

Plufieurs auteurs ont dit les uns après les [ a ]autres qu'un homme pése plus à jeun qu'après le repas; qu'un tambour de peau de brebis fe créve [b] au fon du tambour d'une peau de loup; que les vipéres font mourir leurs méres

[y] Vallem. Phyfiq, occult.ch.. [2] Vallem.dant. l'endroit cité. [a] Bayle, penf.fur la comét. c.46. [b]Oppian.de venat, lib. 3. v. 282.

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Sur cette queftion pourquoi les pou- Repon lains qui ont été courus du loup devien- ingeniete nent plus vites que les autres ? la logi- de Plutar que de Port-roïal [d] rapporte une réponfe fort ingénieufe de Plutarque,que c'eft peut-être parce que cela n'eft pas vrai.

110.

fant de Silé

L'an 1595, le bruit fe répandit qu'il De la dent étoit venu une dent d'or [e]à un enfant d'or d'un ende Silefie. Jacobus Horftius profeffeure. en médecine dans l'univerfité de Helmf tad,publia auffitôt un traité,dans lequel il montra que cette dent d'or étoit en partie un ouvrage de la nature & en partie un prodige. Peu aprés Martinus Rulandus donna au public l'histoire de la dent d'or; il eft vrai que Joannes Ingolfterus la refuta,maisRulandus repliquaen 1597. Andreas Libavius écrivit fur le même fujet,& rapporta ce qui s'étoit dit pour & contre.L'enfant fut mené à Breflaw. Là un orfévre voulant s'affurer fi la dent étoit d'or, y frotta sa pierre de touche. A l'œil la ligne mar quée fur la pierre paroiffoit être de véritable or; mais quand on cut mis de l'eau forte fur cette ligne, elle difparut. Chriftophorus Rhumbaumius vifitant la dent encore plus exactement, apperçût un petit trou au deffus; en forte qu'après y avoir porté un ftilet de fer, il trouva que cette dent étoit en

[c] Herodot,Thal.S Ifidor.orig.lib.12.c 4. [d] La log. de Port. roïal, ou l'art.de penfer, part. 3. ch. 18.

[e] Vallem. Phyfiq. occult. ch.1.

es goutes fang.

veloppée d'une feuille de cuivre do

ré.

Sénéque fe mocque de quelques Phyficiens, qui vouloient expliquer par des raifons naturelles, les caufes d'une pratique fuperftitieufe des habirtu attri- tants de Cléone. Lorfque quelque nuée ée à quel paroiffoit difpofée a se réfoudre en gréJe, on immoloit des agneaux, ou par quelque incifion à un doigt on en faifoit fortir du fang, dont on croïoit que la vapeur montant jufqu'à la nuée la dif. fipoit entiérement. Ne vaudroit-il pas mieux, difoit Sénéque [f[, foutenir que c'eft une folie ou une fable?

112.

Au coral,

713.

A la peau

tin.

N'en faudroit-il pas dire autant de ce que Marcile Ficin attribuë au coral après Métrodore,faint Ifidore [g] & Zoroaftre: ces auteurs prétendent que le coral diffipe les terreurs paniques, écarte la foudre, & la grêle; & Fortunio Liceti philofophe de réputation[b]ofe bien en donner cette raifon phyfique : que le coral exhale une vapeur chaude, qui peut caufer le tonnerre & la grêle, & écarte la terreur.

On croïoit autrefois que la peau d'un de veau ma- veau marin préfervoit de la foudre.Plufieurs auteurs l'ont assuré; & je ne doute point que du temps d'Augufte & de Sévére, il n'y eût des philofophes qui donnoient des raifons phyfiques de ce prétendu phénoméne. C'éft apparem

[f] Alteri fufpicari ipfos aïunt effe in iplo fanguine vim quamdam avertendæ nubis ac repellenda. Sed quomodo in tam exiguo fanguine poteft effe tanta vis, ut in altum penetret, & eam fentiant nubes? quanto expeditius erat dicere, Mendacium & fabula eft? Sen. quaft. natural. lib.4.c.7.

[g] S. Ifidor, origin. lib. 16. c.14.

[b] Si corallus infanos terrores amovet, fi fulgura repellit & grandinem, id efficere per fe valet calore fui temperamenti, diffolvens tum vapores tætros,

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Quelques-uns ont prétendu encore Au figuier [i], que les branches de figuiers de- & au lauvoient avoir la même vértu,& elle a été rier. pareillement attribuée au laurier. Tant il eft vrai que les philofophes décou vrent d'admirables propriétés, dans toutes fortes de chofes .

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Les opi

modernes

anciens.

Ariftote, &

cules dans

La doctrine des corpufcules infenfibles, qui fait le fondement de toute la nions des doctrine nouvelle, n'eft rien moins que phyficiens nouvelle elle-même. Mofchus Phéni font renoucien s'eft fervi de ces mêmes explica vellées des tions. Ce Mofchus qui vivoit, fuivant Matière Strabon, [m] avant la guerre de Troie eft beaucoup plus ancien qu'Epicure, doctrine Démocrite & même Leucippe, qui fai- des corpuffoient auffi confifter touts les effets na- les anciens turels dans le mouvement des parties philofoinvifibles. Empedocle, & Héraclite ont établi de petits fragments, des corpufcules d'une délicateffe extrême, ces femences très déliées, qui étoient comme les élements des élements mêmes. Ariftote outre le feu, l'eau, l'air, & la terre, reconnut une cinquiéme efpéce de matiére plus fub.

terroris infani pueris & melancholicis effectores, tum frigiditatem, in ambiente fulgura per antiperiftafim, & grandines perfe procreantem. Fortun. Licet, tract. deannul. c. 19.

[i]Tonitrua & fulgura paulo infirmius expavefcebat, ut femper & ubique pellem vituli marini circumferret pro reme dio. Suet. in Octav.

[k] Spartian in Séver.

[1] Cardan,de fubtilit lib. 2. prétend que le tonnerre ne tombe jamais fur le figuier. [m] Strab, lib.16.

phes.

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