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cause du flux & du reflux,dans l'impulfion des eaux caufée par le mouvement de la terre autour du foleil,& dans leur répercuffion par leur propre reffort, & par le reffort de l'air. Mais fuivant ce principe, pourquoi la mer Cafpienne n'a-t-elle pas fon flux & fon reflux comme l'Océan? On peut répondre, ce me femble, à cette objection, qui eft dans les mémoires de Trévoux [g], qu'il faut une très vafte étendue, telle que des eaux de l'Océan, pour que leur impulfion puiffe vaincre la réfiftance de de l'air, qui les preffe de tout côté. Le même aftronome donne la théorie de prévoir certains vents, qui felon lui doivent régner périodiquement fur la mer, & qu'il attribue à la Lune,à Venus, à Jupiter, à Saturne même malgré fon grand éloignement, lorfque plufieurs planétes fe trouvent en même temps en conjonction ou en oppofition. Quand la lune eft nouvelle ou pleine, fon globe fe trouve preffé contre le globe terreftre; l'air céde rapidement, & ébranle la furface des eaux. La lune étant en conjonction avec le foleil, fi Venus s'y rencontre en conjonction dans le même intervalle, la preffion eft plus grande, & les vents plus fenfibles. Jupiter en oppofition avec le foleil, ou en conjonction avec la pleine lune augmente la violence des vents. Saturne même dans une fituation femblable, produit le même effet, à proportion de fon éloignement. Sur ce principe l'auteur annonce dans une table, la différence des vents qui devront fe faire fentir chaque mois fur la mer.

Ces raifonnements font fortifiés par les obfervations aftronomiques [b], fuivant lefquelles plufieurs corps céleftes ne fçauroient paffer les uns près des

(g) Mémoir. de Trév. Nov. 1730. (b) Memoir, de l'Acad. des fcienc, ann, 1727.p.87.

autres, fans que leur mouvement n'en foit troublé & accéléré, en raison directe de leur proximité.

Quelques auteurs modernes préten dent [] que le flux & reflux eft une effervefcence excitée dans le fond de la mer, par les raions du foleil & de la lu ne, qui pénétrent jufqu'au fond de la mer, de quelque côté du globe que fe rencontrent ces aftres. Car le bitume & les autres matiéres fulphureufes, qui fe trouvent au fond de la mer, étant fuppofées encore plus inflammables que la poudre à canon, elles peuvent recevoir l'impreffion des raïons du foleil & de la lune même, foit que ces aftres foient au deffus ou au-defous de l'hémifphere. Ces philofophes foutiennent que cette caufe explique très clairement, pourquoi le flux & le reflux arrivent deux fois en vingt-quatre heures:ils répondent aisément aux irrégularités de ce phénoméne, par une direction plus ou moins perpendiculaire des raions du foleil & de la lune,& par une difpofition plus ou moins inflammable du fond de la mer: & il faut avouer que fi cefyftéme n'est pas des plus fatisfaifants, il a au moins l'avantage de trancher les difficultés, & de ne pouvoir être attaqué par d'auffi fortes objections, que le fyftéme Cartéfien, qui eft le plus généralement fuivi, & que je vais expliquer,

Descartes a mis le principe de ce grand phénoméne, dans la preffion de l'air, & par conféquent des eaux de la mer par le globe lunaire, lorfque dans la révolution que la terre fait en vingt quatre heures fur fon axe, lamer fe trouve directement fous la lune. Il conclut, de ce que la mer eft alors preffée dans le milieu par l'air, qui eft en cet Sff 2

(i) Joann. Jonfton thaumatograph.natural. class, 2. c. 6. art. 5.

endroit plus refferré qu'ailleurs, que fes eaux doivent néceffairement fe répandre vers les bords, & que ces mêmes caux n'étant plus preffées vers le milieu, lorfque par la continuation du mouvement que la terre achève en vingt-quatre heures, la mer n'eft plus en ligne perpendiculaire fous la lune, elles doivent retourner des bords dans leur lit ordinaire, & qu'alors le reflux fe fait.

Ce qui rend les marées plus fortes dans la conjonction, ou oppofition de la lune au foleil, c'eft que la lune fait fon tour, par une manière d'ellipfe ou de cercle plus ovale que rond, enforte que dans l'oppofition ou la conjonction avec le foleil, elle eft dans fon périgée, c'est-à-dire, dans fa plus grande proximité de la terre, & dans le plus étroit de l'ovale, où la preffion de l'air & par conféquent des eaux de la mer eft plus grande; & dans les quadrats elle eft dans fon apogée, ou dans fon plus grand éloignement de la terre, & dansl'une des deux extrémités de l'ovale, où ce globe trouvant plus de largeur, preffe moins l'air & les eaux. Les retours des grandes & moindres marées doivent donc fuivre, &fuivent effe&ivement les diverfes phafes de la lune. Les grandes marées arrivent d'ordinaire, un jour ou deux environ après les nouvelles & pleines lunes, Tes moindres marées,un jour ou deux en viron après les quadratures;& ce qui paroît dans cette explication,d'une jufteffe extrême, c'est que les marées retardent d'un jour à l'autre,d'environ quaranteneuf minutes, comme le retour de la June au même méridien. Car le cours fynodique [k]de la lune étant touts les jours plus lent d'un efpace d'environ

(k) Le cours Synodique de la lune eft le progrés de cette planéte comparé à celui du fo leil dans le fyftéme de Ptolémée & de TychoBrahé, & à celui de la terre dans le systéme de Copernic.

quarante-neuf minutes, [ ce qui fait la différence de l'année folaire &de l'année lunaire] puifque les marées font auffi touts les jours plus tardives du même intervalle de temps, c'eft une apparence de plus vraisemblables, que les marées d'un lieu déterminé, par exemple de Breft, dépendent du paffage de la lune par un certain méridien.

C'est dommage que les Cartéfiens aïent bien de la peine à ne pas demeurer fans réponse, lorfqu'on leur objecte que le milieu de l'Océan ne paffe qu'une fois chaque jour perpendiculairement audeffous de la lune, & que cependant le flux & le reflux arrive de douze en douze heures. Ils font obligés de dire que la compreffion de la lune eft affez forte []; pour faire defcendre perpendiculairement de quelque efpace le globe de la terre,qui nage dans la matiére fluide de fon athmofphére, de forte que les eaux de la mer en repaffant dans la particoppofée à la preffion de la lune,y trouvent encore une fois leur paffage retreffi; & la même compreffion du milieu de l'Océan s'y fait une feconde fois en vingt-quatre heures.

On fait d'autres objections très fortes, contre l'explication Cartéfienne du flux & du reflux. On prétend qu'il eft démontré par les obfervations des diftances des lunes [m], qu'on détermine par leurs diamétres apparents,que cet aftre eft autant éloigné dans plufieurs conjonctions & oppofitions,que dans quelques quadratures, & auffi proche dans quelques quadratures, que dans quelques conjonctions ou oppofitions. Donc il eft faux que l'apogée de la lune foit toujours dans les quadratures & le périgée dans les conjonctions & oppofi

Synodique fignifie en grec tenant une méme

route.

(1) Le Nobl. tabl. des philof. (m) Le P. Daniel, voiage du monde de Descartes, part.4.p. 413.

plufieurs autres caufes qui peuvent fe combiner en mille maniéres.

tions donc on ne peut pas fuppofer, que la lune étant en conjonction & en oppofition, foit toujours dans le petit dia. Dans un des derniers ouvrages de métre de l'ellipfe, & que dans les qua- phyfique qui ait paru, l'auteur [o]redratures elle foit toujours dans le grand nouvelle le fentiment de Pline, qui addiamétre. mettoit la concurrence du foleil avec

Cette objection ébranle moins le fyf. téme de Defcartes, für le flux & le reflux, qu'elle ne porte fur une remar que, qui eft fimplement de précision & de jufteffe: les Cartéfiens ne demeurent pas même fans quelques folutions de cette difficulté, par les divers accidents de la transparence aërienne, qui caufe plufieurs changements à l'apparence du difque lunaire.

Plufieurs ont rejetté [n] l'opinion de Descartes,du flux & du reflux, par l'expérience qu'ils alléguent, que les parties de l'eau, qui fe rencontrent fous la lune, s'élévent au lieu de s'enfoncer, & qu'on remarque qu'il n'y a point de flux, ou du moins très-peu, fous la ligne & entre les deux tropiques, où l'impreffion du globe lunaire fur les eaux de la mer devroit être beaucoup plus forte.

-Les Cartéfiens fe tirent d'affaire, en difant que les variations du flux & du reflux en certains lieux particuliers, ne font d'aucune confequence pour le fyftéme général; ces variations ou ces irrégularités,qui font des exceptions du phénoméne, étant les effets ou de la fituation des lieux, qui donne plus ou moins d'accés aux eaux de la mer & aux vents; ou des changements qui arrivent dans le fond de la mer; ou des au tres marées extraordinaires, qui influent d'un lieu fur un autre; & de

(n) Le P. Rapin. réfléx. fur la Phyfiq.§. 10. fo)Le P. Regnault. Entret. Phyfiq. (p) Il femble dabord étonnant, que le foleil foir plus près de la terre en hiver, qu'en été: mais ce qui cause la différence de la cha

la lune, dans le phénoméne du flux & du reflux. Il fe fonde fur ce qu'on y remarque auffi des variations, fuivant

les diftances du foleil à la terre; que les marées des folftices d'hiver font plus hautes, que celles des folftices d'étés parce qu'aux folftices d'hiver le foleil eft à fon périgée [p], & qu'il eft à son apogée aux folftices d'été que la diftance du foleil contribue done aux marées,& qu'effectivement le foleil doit auffi bien que la lune, faire quelque impreffion fur le globe terreftre, à proportion de fon éloignement.

T

François Bacon de Vérulam, chan-: celier d'Angleterre, témoigne que les maifons d'Ecoffe bâties de pierre, fuënt réguliérement deux fois par jour, aux heures du flux & du reflux, quelque éloignées qu'elles foient de la mer.

La mer Méditerranée a fon flux & fon reflux dans l'Euripe. Ce mouvement alternatif y eft bizarre, tantôt régulier, tantôt irrégulier. Les courants de la mer, les eaux qui viennent par des canaux foûterrains s'y dégorger, les vents oppofés qui foufflent des montagnes voisines, & s'engouffrent entre les rives d'un canal fort étroit, peuvent produire ces bizarreries.

Variations

la

L'incertitude des Phyficiens fur les 93. explications qu'ils donnent, les en- des Phyfigage à changer fouvent de principes.pefanteur. Les expériences attribuées pendant sff 3

leur beaucoup plus grande en été, c'est que les raïons du foleil qui viennent à la vérité d'une distance plus éloignée, ont alors une direction plus perpendiculaire fur la partie de l'hémifphére,que nous habitons .

94. Nouveau

la pelan

teur.

la caufe

longtemps à la pefanteur de l'air, fe rapportent plus communément [4] aujourd'hui à son reffort, ou à l'effet de la matiére fubtile qui l'étend ou le refferre..

Le pére Caftel fait confifter [r] la pefyféme fur fanteur des corps folides dans l'hétéro généïté de la matiére célefte & de lama. tiére terreftre; dans le combat perpétuel qui eft entre la matiére célefte qu'il compofe des globules du fecond élé ment, & la matiére terreftre qual compofe de la matiére plus compacte du troifiéme élément, pénétrée de la matiére fubtile du prémier: en forteque ce combat de ces deux matiéres produit une oppofition & une répercuffion, qui pouffe les corps folides vers le centre. 95. Si la pefanteur de l'air caufoit la chuLa pefanteur de l'air te des corps, il s'enfuivroit qu'un corps ne peut être folide placé à la moitié de la colonne de la chute d'air, demeureroit fufpendu comme un des corps oifeau qui plane dans les airs; conféquence qu'aucun Phyficien ne voudroit avouer, quoiqu'il fût impoffible de le convaincre par l'expérience du contraire. Voici une objection plus forte, fondée fur une expérience très aifée. On fuppofe une cave élevée de douze piés, dont la voute épaiffe de quatre piés feroit faite de pierres de taille bien maftiquées. Un corps folide élevé à la hauteur de dix piés fous cette voute, tomberoit à terre tout auffi pefamment, que dans un lieu découvert; & cependant il n'auroit au-deffus de lui que deux piés d'air, tandis qu'il feroit foutenu de dix; & pour ôter le fubterfuge du poids de la colonne latérale égal, fuivant les

folides.

partifans de la pefanteur de l'air, aux poids de la colonne perpendiculaire, je fuppofe tout le tour du caveau envia ronné d'un mur auffi épais, & auffi impénétrable à la colonne latérale de l'air, que la voute l'eft à la colonne perpendiculaire.

Si l'on répond que la matiére subtile, qui traverse les voutes & les murs, caufe la chute du corps folide élevé à dix piés dans ce caveau, qui n'a que douze piés de hauteur, cette réponse fera bientôt détruite par toutes les expériences de la machine pneumatique, dans laquelle un animal enfermé s'enfle, la peau d'un fruit ridé s'étend & fe dilate, apès que l'air groffier en a été pompé: car fi la matiére fubtile, qui s'infinue à travers les pores du verre dans le récipient de la machine pneumatique, n'a pas la force de remettre ce fruit & cet animal dans l'état où ils étoient auparavant; la matiére subtile qui pénétre une voute & un mur, peut beaucoup moins vaincré par fa pe fanteur la réfiftance de l'air groffier, qui foutient un corps folide à dix piés de hauteur dans un caveau élevé feulement de douze piés.

Il paroit évident que dans cette expérience la pefanteur des corps ne peut être expliquée par la pefanteur de l'air, & qu'il faut néceffairement avoir recours à un principe, qui eft d'autant plus fatisfaifant, qu'il eft le principe général du méchanifme de la nature; ce principe eft la force de tout mouvement circulaire, pour s'éloigner vers la circonférence, & pour repouffer

[q] Thom. Hobbes in Phyficis. Le pére Faber, dans fes dialog. philofophig. Le pére Zucchius dans fa Phyfiq. Le Pelletier fur l'arche. Rob. Beyle nova experimenta phyficomechanica de vi aëris elaftica.

Boyle tient l'air pesant, quoiqu'il attribuë plus généralement les expériences à fon élafticité.

(r) Mémoir. de Trev. de Decemb, 1731. &de Janv. 1732.

vers le centre tout ce qui fe rencontré dans dans fa fphère qui a moins de mouvement, & par conféquent moins de force centrifuge qu'il n'en a lui même. Ce mouvement circulaire pénétrant partout avec la matiére fubtile, la gravité des corps fe trouve auffi partout la même.

On objecte à cette explication de la pefanteur, 1. que les corps folides fe roient entraînés par une impulfion circulaire vers l'horizon: 2. que les cercles décrits par le fluide circulaire, allant toujours en diminuant depuis l'équa teur jufqu'aux poles, la force centrifuge auroit des centres différents dans des cercles inégaux, & que les corps y fe roient repouffés non pas perpendiculai rement au centre de la terre, mais à des parties de fon axe, plus ou moins éloi gnées du centre. Ces objections feront levées,fi l'on conçoit que fuivant les foix du mouvement la matiére subtile qui a beaucoup plus de force centrifuge, s'élance en haut par un ligne directe dans chaque tourbillon, & qu'au milieu du fluide circulaire compofé des trois éléments, une grande quantité de matiére fubtile conferve toujours un mouvé ment droit, autant que les interstices des deux autres éléments peuvent le lui per. mettre; car l'impénétrabilité eft une propriété de la matiére dans touts les fyftemes. La matiére fubtile traverse même les tourbillons par un mouve ment en ligne directe, avec plus de facilité que la matiére globuleuse qui doit néceffairement paffer d'un tourbillon dans un autre, pour que les étoiles ou les foleils des autres tourbillons puiflent être apperçus du nôtre. C'est done ce

mouvement droit de la matiére fubtile au milieu du fluide circulaire, qui oblige les corps folides de tomber å plomb & perpendiculairement au centre de la terre, non par le poids de la colonne, mais par la force centrifuge. Si la matiéreéthérée a différents mouvements dans cette hypothéfe, cette diverfité procéde des loix mêmes du mouvement.bls

La préffion de l'air, caufée par le mouvement circulaire de touts les corps, & par l'effort des tourbillons qui environnent le nôtre, eft la caufe de fon reffort, & elle fe fait appercevoir en mille maniéres différentes [s]. Si j'appro che une bougie allumée d'un autre bou gie qu'on vient d'éteindre & qui fume encore, la flamme va la rallumer, patceque l'air qui fe trouve entre la bougie allumée & la bougie éteinte, étant ras réfié par la chaleur, & fa preffion par conféquent n'étant pas égale à la pref fion de l'air, qui environne l'autre côté de la bougie, où la force de maffe eft jointe à la force de viteffe, cet air extérieur pouffe la flamme vers la bougieéteinte avec plus de force, que l'air in termédiaire ne lui réfifte, & la flamme eft portée vers la bougie éteinte, qui se rallume auffi-tôt, fes parties étant en core fort agitées, & n'aiant befoin pour s'enflammer, que d'un leger accroiffe ment d'agitation. Si le feuprend dans une cheminée, un drap mouillééten du dévant cette cheminée, fuffit pour l'éteindre. La raifon eft que la circulation de l'air interceptée par ce drap mouillé augmente la préffion de l'air fur la fuye enflammée, & que cette preffion plus forte étouffe la faye, en comprimant le mou

96. Effets de la preffion

ou du ref

[s] Les exemples que je rapporte ici font tirés pour la plupart des entretiens Physiques, du pére Regnault, avec cette différence qu'il

attribué à la pesanteur de l'air, te que j'explique par la preffion & le reffort de l'air, fuite du mouvement circulaire de tours les corps ●

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