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Porphyre trouvant de l'impoffibilité à expliquer la vue par l'action des corps, a foutenu une opinion fort éloignée de toutes les autres: il a regardé la faculté de voir comme purement fpirituelle, n'admettant ni raïons vifuels, ni efpéces vifibles, ni aucune autre chofe corporelle qui contribuë à la vifion; & il a prétendu que l'ame excitée à la verité par le fens de la vûë, mais fans aucune coopération de la part de ce fens, voit touts les objets en elle feule & au-dedans d'elle-même. Ce fentiment laiffe fubfifter toutes les mêmes difficultés, n'expliquant pas de quelle maniére le fens de la vûë est affecté pour exciter l'ame.

Le pére Mallebranche [e] a privé également l'ame & le corps de la faculté de voir, & il a voulu établir que l'ame ne peut rien connoître ni par l'entremife des fens, ni par réflexion fur elle même: & qu'elle ne peut appercevoir touts les objets foit fpirituels foit corporels qu'en Dieu. Il fera traité plus au long de cette opinion dans le

[d] Mirum autem eft quod in imaginibus videmus, quas fpeculare ferunt. Nanr quamvis ingentia fpecala fint, non reddunt majorem imagines, quàm funt corpora etiam breviffima objecta. In parvis autem fpecillis, ficut in pupillis oculorum, etfi magna facies fe fe opponat', breviflima imago pro modo fpeculi for

Chapitre de l'imagination & des fens:

pas furie.

Quelques phyficiens eftiment que la Les P choroide eft le principal organe de la cien ne vûë [f]. D'autres foutiennent qu'on ne s'accor peut refufer à la rétine d'être le princi- gane de la pal inftrument de la faculté vifuelle, vie. Suivant ce dernier fentiment, la rétine reçoit l'impreffion de la lumiére & des efpéces vifibles: ce qu'il y a lieu de prefumer, de ce que la rétine eft un tiffu velouté de petits filets déliés, & qu'elle eft par confequent fort fenfible à des impreffions très fines, telles que font celles de la lumiére & des efpéces vifibles; & de ce qu'elle eft fituée dans le fond de l'oeil où les corpufcules vifuels doivent fe réunir après avoir traverfé les humeurs. Enfuite la rétine fait paffer immédiatement dans le cerveau par le nerf optique, l'impreffion qu'elle a reçue. Le nerf optique aboutit par une extrémité à la rétine, & fon autre extrémité va directement fe rendre dans la fubftance du cerveau, où il porte la fenfation qui a été faite par les traces de l'objet, qui s'eft peint fur la rétine, car les nerfs font les vehicules des fenfations. L'ufage que ces Phyficiens attribuent à la choroide eft d'arrêter les éfpéces vifibles que la grande fineffe de la rétine laifferoit paffer, faifant à peu près à l'égard de la rétine,ce que l'étain fait à l'égard d'une glace de miroir.

Le fens de l'ouie a donné bien. Obferva de l'exercice a la fubtilité des Phy- tions frie ficiens. Le fon [g] eft un frémif- fon.

matur. Hic profectò aliquid latet. S Aug. epist. 3. ad Nébridium, in edit. Benedict.

[e] Recherche de la vérité du P. Mallebranche.

[f] La choroide eft une extenfion de la piémére, qui entourne l'œil.

[g] Neuv.entret, Phyfiq, du P. Regnaud.

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On peut connoître à peu près près, quelle eft la diftance de la foudre, en remarquant combien de fois le poulx bat, entre l'éclair & le bruit. Bat-il fix fois le tonnerre eft environ à fix mille pas. Cinq fois ? à cinq mille pas. Car le fon, qui ar rive par un progrés fuccefif, eft par ti de l'endroit où eft le tonnerre, au même inftant que l'éclair paroît; & felon les obfervations de l'acadé mie roïale des fciences, il fait en viron mille pas pendant un battement de pouls, ou dans une fe conde. La chute du tonnerre eft auffi promte que l'éclair, & prévient le bruit. On ne peut être effraïé d'un coup de tonnerre, dit Sénéque [b], que lorsqu'on eft déja, échapé au danger.

C'est une expérience de l'académie des fciences, qui eft très remarquable , que le moindre bruit & le plus violent, ne parcourent qu'une même diftance dans le même intervalle de temps, & que le fon n'a pas plus de viteffe au commence

ment lorfqu'il eft dans toute fa for ce, qu'à la fin lorfqu'il eft prefque entierément diffipé. Si le bruit d'an canon porte à dix mille toifes, & ce-i lui d'un moufquet à deux mille, & que touts deux partent à la fois, ils arriveront à deux mille toifes en mê me temps; & le coup de moufquet fera auffi-tôt entendu à cette distance que le coup de canon.

Ce phénoméne du fon eft caufé, parceque dans le fon fort au commencement, & dans le fon af foibli à la fin, les vibrations des parties infenfibles, leurs compreffions, & dilatations emploient des temps égaux. Les vibrations du fon fort font à la vérité plus grandes : celles du fon affoibli fost petites à propofition; mais les grandes & les petites fe font dans des temps égaux. L'exemple des pendules elt la preuve de cette explication. Si le pendule a plus de force & de viteffe, il a auffi plus de chemin à faire de même fi l'excés de force comprime davantage les parties infenfibles qui contribuent au fon, elles font plus de chemin en s'éloignant, & cn fe rapprochant pour reprendre par leur reffort leur prémiére extenfion; & par une raison contraire, dans le fon affoibli elles. font moins de chemin pour revenir. fur elles-mêmes. Ainfi le fon produit par ces contractions & dilatations, doit faire un égal progrés quoiqu'il ait plus ou moins de force. Il y a feulement quelque dif férence, quoique très petite, dans Q¶¶

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[6] Nemo unquam fulmen timuit, nifi qui effugit, Sen, natural, quest, lib. 2. c. 59.

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buée par Gaffendi

cules ma

terre par de nouvelles mines de fer, par des mines anciennes épuifées, par des mines fituées différemment, par la différente configuration des pores vers la furface de la terre, par l'action deseaux ou des feux foûterrains font autant de caufes, qui doivent varier les écoulements de la matiére magnétique, apporter des changements aux propriétés de l'aiman, & par une con féquence naturelle & évidente, caufer des déclinaifons de la bouffole.

Gallendi attribuë la pefanteur en géLa pensantour attri- néral à l'action du tourbillon magnétique, qui tournoiant fans cefle autour aux corpuf de la terre, non feulement s'infinue gnétiques. dans la pierre d'aiman, comme la féve dans une plante, mais pénétre & enveloppe les corps groffiers par une quantité plus ou moins grande d'atomes crochus, & les force en les entrainant de s'approcher du centre. I fonde cette opinion fur une expérience fenfible, qui confifteà mettre un morceau de fer fur la main, & un aiman au deffous. On éprouve alors que le fer paroît plus péfant

86.

De l'enlé.

brins de

fétus

par les

triques.

La philofophie des corpufcules déVement des veloppe affez clairement l'action des paille, & au- corps électriques, comme font le diatres petits mant, le fapphir, l'ambre, l'agathe, corps élec- la cire d'Efpagne, appellés électriques à caufe du petit tourbillon de la matiére fubtile qui les environne. On voit comment ces corps & plufieurs autres pierres précieufes attirent & en lévent, quand on les a frottés avec du drap, touts les petits fétus, les brins de paille, & toutes fortes de chofes extrémément légères. Ceux qui ont expliqué ces attractions par les vertus occultes n'ont rien dit; mais cette action fenfible des corps électriques peut s'expliquer par le mouyement impétueux des corpufcules

Quand on frotte cette fubftance on en ouvre les pores, on augmente l'agitation de le matiére fubtile qui y tranfpire; & alors il fe fait une émisfion abondante d'efprits à l'entour, & une espéce & une espéce d'éruption fubite de corpufcules, dont le cours rapide chaffe l'air contigu. Cet air revenant fur lui-même par fon reffort, repouffe les petits corps électrique, qui pémétrent & pouffent en retournant les chofes légères, qu'ils trouvent fur leur chemin.

des tourbil

électriques.

Les corps électriques attirent done 87. les brins de paille, & autres petits Differences fétus, comme l'aiman attire le fer, fns maxavec ces différences qu'il ne faut nétiques & point frotter l'aiman, autour duquel il circule toujours un athmosphere abondant de matiére magnétique; que l'aiman n'attire que le fer, ou un au tre aiman, parce qu'il n'y a que le fer ou un autre aiman, qui ait fes pores difpofés à recevoir la file des corpufcules magnétiques; que ces corpufcules difpofés en forme de peti tes vifles, doivent être plûtôt rapportés à la matiére plus compacte du troisiéme élément, qu'à la matiére fubtile du prémier: au lieu que l'action des corpufcules éléctriques n'étant produite que par leur agitation, fans que leur figure yait aucune part, & confiftant fimplement à pouffer l'air, & lorfqu'ils font repouffés par le reffort de l'air, à entraîner avec eux les brins de paille, & autres fétus qu'ils rencontrent, cet effet convient à la matiére fubtile; que le tourbillons magnétique laiffe en repos les brins de paille, & autres petits fé tus, parce qu'étant continuel, il eft en paix avec l'air dans lequel il sʼinfinuë, jufqu'à ce que la file de fes corpufcules rencontre un autre aiman

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. IV

. IV

ou du fer, au lieu que le petit tourbillon électrique faifant, lorfque le corpseft frotté, une fortie fubite & impétueufe, ... dérange l'équilibre de l'air, dont le ref fort cause l'enlèvement du fétu: enfin que le tourbillon magnétique bien plus abondant & plus fort étend auffi beaucoup plus loin la fphére de fon activité, pénétre les pores du verre, & tranfporte fes impreffions au-de-là même des corps les plus folides.

Ja nature.

İl eft vraisemblable que le magnétifEspéce de magnétifme me des corps ne regarde pas feulement général dans l'aiman, le fer, & quelques corps électriques, mais la plupart des corps d'une maniére plus ou moins fenfible [z]. C'est de là qu'il arrive que l'eau mouille le verre, & que le mercure ne Je mouille point. Delà deux gouttes d'eau fe confondent l'une avec l'autre, dès qu'elles font proches l'une de l'autre, ou au prémier contact.

89.

quelques

phyficiens

ter à une

- Le défaut d'un grand nombre de PhyDéfaut de ficien a été de s'attacher tellement à une yen opinion particuliére, & favorite, qu'ils de rappor- attribuent à une cause unique ce qui eft cafe ce qui l'effet de plufieurs caufes, qui concoueft l'effet de rent au même phénoméne. C'est ainfi plufieurs. que les tremblements de terre ont été rapportés par Anaxagore à l'air; par Empedocle au feu; par Thalés, & Démocrite à l'eau; par Ariftote & Théophrafte aux vents; par Afclepiade à des chutes, ou des ruines dans des cavernes foûterraines. Aucun de ces philo fophes ne fe fût apparemment trompé, s'il eût donné la caufe qu'il foutenoit, non comme unique, mais comme faifant partie de celles, qui contribuoient aux tremblements de terre. 2. Tom. I.

90.

nes diffé

Ariftote [a] a expliqué l'origne des Origine des fontaines, par un air condenfé ou par fources & des vapeurs qui s'étant élevées du fond des fontaide la terre, rencontrent des rochers en remmene forme de voutes, s'y épaiffiffent en pe- expliquée. tites goutes, & fe réduisent en eau. Mais la terre ne peut pas contenir afsez d'air, pour fournir des eaux à toutes les fources, & à toutes les rivières. D'autres philofophes attribuent fes fources aux eaux de pluïe, ou de neige fonduë, qui après avoir pénétré les pores de la terre, & les fentes des rochers, fe ramaffent dans des carriéres, comme dans des réfervoirs, & fortent enfuite par des canaux foûterrains, pour fe répandre fur la terre. Cette caufe ne peut pas encore être générale; on lit dans la fainte écriture qu'il ne pleut jamais fur les montagnes de Gelboë; il y a beaucoup de païs, où il ne' tombe jamais de pluïe; on y trouve cependant des fources; & fi l'on y fait des puits, ils fe rempliffent d'eau. Sénéque dit [b] que la pluie eft abforbée par la prémiére couche de la terre, & qu'elle eft toute confumée, avant que de pénétrer fort avant. Les eaux de pluïc, ou de neige fonduë ne defcendent pas d'ordinaire [c] à la profondeur de feize pouces,jufqu'au tuf ou jusqu'à la glaife, en affez grande quantité,pour former le plus petit amas d'eau fur un fond folide: & une partie de ces eaux forme les torrents, qui enflent les riviéres pour peu de temps; une autre partie s'évapore;& une grande quantité fe diffipe dans l'entretien des plantes.

Une troifiéme opinion eft que les fources viennent de l'eau de la mer, par sff

(z) Hift. de l'Acad. dos fciene, ann. 1724: P. 13.

(a) Ariftot. meteor. lib. 1. c. 13.(b)Omnis humor intra primam criftam

confumitur, nec in inferiora defcendit. Sen. quaeft. natural, lib. 3.

() Hift, de l'Acad. des fcienc. ann. 1703.

p. 2.

91.

des riviéres

des conduits foûterrains. Cette explication ne peut convenir aux fources, qui non feulement font au niveau, mais encore fort élevées au deffus du niveau de la mer, & des riviéres. Il faut donc Les fources avouer que les fontaines ont plufieurs & des fon fortes d'origines. Les unes viennent de taines ont la mer, car on en trouve qui font falées plufieurs caufes. & fujétes au flux & au reflux. Plufieurs eaux douces en viennent auffi,&elles fe défalent, ou par la filtration des terres, qui brife & émouffe les pointes piquantes des fels, ou par un feu foûterrain qui fait bouillir l'eau dans les entrailles de la terre, & la réduit en vapeurs, qui fe condenfant dérechef, font converties en eaux douces.Ce fentiment eft conforme à l'expreffion de l'écriture[d]. La circulation entre les eaux de la mer, &celles des riviéres & des fontaines em. pêche, que la mer ne foit enflée par les riviéres qui y entrent continuellement, ce qui ne manqueroit pas d'arriver, puifque nous connoiffons plus de mille groffes riviéres qui fe déchargent dans la mer.

Les pluïes & les fontes de neiges font les principes de quelques fontaines. Certaines fources naiffent & groffiffent dans les temps de pluïes & de fontes de neiges, & tariffent ou diminuent après leur écoulement. La plupart des riviéres fourniffent elles-mêmes de nouvelles fources: on voit des puits augmenter ou baiffer à proportion que la Seine baifle ou monte.

Enfin beaucoup de fources ont leur origine dans les vapeurs foûterraines, qui s'élèvent en abondance vers la furface de la terre & des montagnes,& rencontrant ces voutes froides ou des fels propres à les fixer, fe refroidiffent & fe condenfent en eau,comme on peut le re

(d) Omnia flumina intrant in mare,& mare non redundat: ad locum, unde exeunt Alumina, revertuntur ut iterum Aluant Ecclefiaftes, c. 1, v. 7.

marquer en hiver à l'ouverture de quelques caves profondes, & comme il arrive dans les alambics.

Différentes

flux de la

Il n'y a point de partie dans la Phy- 92. fique plus débattuë par la contrariété opinions fur des opinions, que le flux & reflux de la le flux & re mer. Héraclite & Ariftote l'ont attri- mer. bué [e] au foleil qui produit, excite, & amène les vents dont la mer eft enflée ; Platon à un foulévement des eaux qui au travers d'un grand pertuis porte ça & là le flux & le reflux dont les mers font agitées; Pythéas a rapporté le flux à la pleine lune, & le reflux au décours; Timée aux riviéres qui fe déchargent dans la mer; Seleucus le Mathématicien, qui a fait la terre mobile, a prétendu que le mouvement de la terre,op, pofé à celui de la lune, & le vent tiré ça & la à l'oppofite par ces deux révo lutions contraires, caufoit le flux & le reflux. Pline [ƒ] l'a expliqué par l'impreffion caufée aux caux en même temps par le foleil, & par la lune.

Galilée à fait confifter la caufe du flux & du reflux, dans les différents degrés de vîteffe des deux mouvements de la terre, l'un journalier fur fon centre, l'autre annuel autour du foleil: Képler & Newton dans les impreffions, que le foleil&la lune conjointement font fur la mer, dont ils attirent les eaux par une vertu à peu près femblable à celle de l'aiman. Newton donne ce fentiment avec tant de confiance, qu'il a calculé la proportion de la force de la lune fur les eaux de la mer par rapport à l'attraction, qui fait le flux & le reflux, avec la force du foleil; & qu'il a trouvé, dit-il, que la force de la lune eft à celle du foleil, comme fix & un tiers eft à un.

Un aftronome moderne trouve la (e) Plutarch, de placit, philofophor, lib.3.

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