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du grand, & font emportés autour de fon centre, faifant en même temps tourner des feuilles & des pailles autour du leur propre.

Quoique Leucippe, & après lui Platon aïent fourni, pour ainfi dire, des id ées primordiales de cette hypothéfe, & capables de l'exciter & de la faire naître dans l'efprit de Defcartes, on ne peus refufer à ce dernier l'honneur de l'avoir développée & mife dans fon jour, & les tourbillons qui portent à jufte titre le nom de Descartes, pafferont vraisemblablement toujours pour fa production.

Mais dans le plus fublime de fes penfées, il eft peu d'accord avec lui-même,

il forme fur des principes différents cha. que grand tourbillon, & les tourbillons particuliers des Planétes qui y font contenus; & ne s'appercevant pas que le plus grand défaut d'un méchanifme introduit dans la nature, eft de ne pas agir d'une manière uniforme, il donne à fes trois éléments un jeu, & des emplois oppofés. S'agitil de conftruire le grand tourbillon, qui a le Soleil au centre? Il y place un amas de matiére fubtile, dont il compofe le Soleil, & dans la prodigieufe rapidité de laquelle il croit trouver le principe de la lumiére, & de la chaleur qui fe communiquent à tout le tourbillon : & en

Tourbiton du Soleil Suivant la Construction de des Cartes auec la matiere Subtile au Centre

52.

méchanif

érable.

même temps il fait monter à la cir conférence la matiére compacte du troi fiéme élément & la matière globuleufe du fecond. Il emploie la prémiére à compofer les corps folides & opa ques des planétes, & la feconde à répandre partout la lumière. S'agit-il enfuite d'expliquer la caufe de la pefanteur? Il établit une manœuvre contraire, il change la difpofition de fes trois éléments, & dit que la matiére: fubtile, & après elle la matiére globuleufe,étant dans une bien plus grande agitation que la matiére compacte du troifiéme élément, elles ont à propor tion plus de force pour tendre à la circonférence & pour s'éloigner du centre, vers lequel elles repouffent les corps folides, qui étant dans un moindre mouvement, ne peuvent pas faire autant d'effort pour s'en éloigner.

Pour conferver une hypothéfe auffi Le fecond brillante celle des tourbillons de que me eft pré- Defcartes, il faut néceffairement réformer un de ces méchanifmes contradictoires, & ramener la mancu vre de la nature à un principe fimple & uniforme. Or dans le choix de fupprimer l'un ou l'autre de ces deux méchanifmes, il ne me paroît pas douteux que le prémier qui pla ce la matiére fubtile au centre, & fait monter la matiére plus compacte à la la circonférence, ne doive être rejetté, d'autant plus qu'il eft également contraire au raifonnement, à l'expérience, aux fentiments de touts les Philofophes, & aux principes de Defcartes lui-même,qui répéte plufieurs fois dans la troifiéme & quatrième partie des principes de Philofophie;& dans le cha pitre huitième du traité de la lumiére,

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que la matiére fubtile,& la matiére glo. buleufe ont beaucoup plus d'agitation, que la matiére plus compacte, dont les parties fontrameufes & branchues, & de figure fort irrégulière, & dans le quatrième livre des principes, il établit cet axiome, que les parties de la matiére qui ont le plus d'agitation, font celles qui font le plus d'effort pour s'éloigner du centre, & qui ont le plus de force pour gagner la circonférence.

L'arrangement contraire que Def cartes a donné à fes trois éléments dans la ftructure des grands tourbillons, eft incompatible avec les idées naturelles & avec l'expérience, fuivant lefquelles les corps les plus déliés montent en haut, & challent les plus groffiers vers le centre: Jettez de l'huile dans un vafe qui eft vuide, c'eft à dire rempli feulement d'air, l'huile eft forcée de defcendre au fond, & de céder au mouvement plus agité de l'air; fur l'huile veríez de l'eau, les parties de l'huile plus déliées, que celles de l'eau, & qui parconfequent ont plus de force pour s'éloigner du centre, s'élevent au deffus de l'eau; fi vous y jettez enfuite du fable, l'eau chaffe au deffous d'elle les parties plus compactes du fable; ce dernier aura le même avantage fur le vif argent encore plus folide, & enfin l'or fondu, le plus maffif de touts ces corps, fera précipité au deffous de touts les autres.

L'imagination fe revolte contre un fiftême qui met au centre les corps les plus déliés & les plus maffifs à laifuperficie. Jamais le débrouillement du chaos, a-t-il pû être concû d'une maniére fi étrange; la defcription qu'Ovide en fait [p] eft contraire à l'arranOoo 2

Proximus eft aër illi levitate locoque.

(p) Ignea convexi vis & fine pondere cœli Emicuit, fummâque locum fibi legit Ovid, metam, lib. 1. in arce:

gement de Defcartes & conforme à l'idée naturelle. Les rapides feux, dit-il volérent vers le ciel, & s'emparérent des places les plus élevées; l'air, dont la matiére approchoit le plus de la fubtilité du feu, occupa les lieux qui en étoient les plus proches.

C'est le fentiment de Leucippe [9], que les atomes les plus deliés montent en haut, comme en s'élançant : & c'eft auffi celui d'Anaxagore, qui dit [r] que la penfateur a fon principe dans le mouvement, qui a fait defcendre la terre, & monter le feu .

C'eft encore un renversement de l'ordre naturel d'avoir allumé de la feule matiére fubtile, le feu d'un aftre, dont l'activité doit communiquer le mouvement à tout le tourbillon, dont la chaleur doit y répandre la fecondité, & dont la lumiére doit s'étendre, non feulement dans tout le tourbillon, mais encore au delà de fes bornes. Car, fuivant la réflexion d'un des Jour nalistes de Leipfic [s], fila matiére fubtile a la force de repouffer les globules du fecond élément, & de porter ainfi le mouvement & la lumière dans toute l'étendue du tourbillon & dans touts

les tourbillons, d'où le foleil eft vû comme étoile, à plus forte raifon, a telleda force de s'éloigner du centre, & de monter elle-même vers la circon férence? ainfi le foleil fera diffous & le tourbillon tombera dans un chaos général.

Le foleil de Defcartes, cet affem blage des parties feules de la matié re fubtile, ne peut produire qu'une

flamme, qui n'a point de confistance,& qui eft fujéte à s'évaporer ailément; un feu de cette qualité feroit-il capable de porter à une diftance exceffive, une chaleur affez violente, pour qu'un petit nombre de fes raions raffemblés dans un verre de quelques piés de diamétre, furpaffe de beaucoup l'activité du plus grand feu des fourneaux les plus ardents, qu'il brule & vitrifie prefque en un inftant les corps les plus durs & les plus incombuftibles, comme les pierres, les briques, les métaux & l'or même, que ces raïons rassemblés fondent en peu de minutes, quoique ce foit le plus difficile à fondre de touts les métaux, & celui qu'on peut le moins mettre en œuvre par le feu. - Suivant la régle fondamentale de conformer les raifonnements phyfiques aux expriences, on ne peut contester que le feu de charbon, ou de fer embrafé, ne foit incomparablement plus ardent que la flamme d'eau de vie ou d'efprit de vin; c'eft parce que le prémier de ces feux eft compofé de parties groffiéres qui font forcées à un plus grand mouvement, & jettées dans une plus violente agitation, par celle de la matiére fubtile, qui s'infinuant dans leurs pores, leur communique fa prodigieufe viteffe, avec un effort qui eft encore augmenté par la réfiftance, & les oblige en confpirant au même effet, de produire une chaleur qui devient beaucoup plus ardente, parce qu'elle réunit la force de la maffe à la force de la viteffe.

Au contraire la flamme d'eau de vie, & d'efprit de vin coule fur le papier

(q) Diog. Laërt.in Leutipp

(r) Diog. Laërt, in Anaxag.

(s) Journal de Leipfic. Avril 1689. P. 187.

tellement leurs efforts en tout fens;
que malgré leur viteffe, elles ne peu-
vent féparer les parties groffiéres du
papier & de la main.

fans le confumer, elle environne la
main fans fe faire fentir, parce que fes
parties extrêmement déliées s'élencent
librement de toutes parts, & divisent

Tourbillon du Soleil aiant au Centre la matiére
compacte pénétrée de la matière Subtile dont
le soleil est composé

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53.

Propofition

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conferve les

Sur ces principes & ces expériences, de Defcartes, qui en corrigeant tout ce tême qui d'une réfor- je vais effaier une réforme du fiftême qu'il y a de contradictoire, confervera tourbillons. 000 3

me du fyf

l'hypothefe des tourbillons; la propo fition eft fort fimple, elle ne confifte qu'à compofer le foleil comme étant au centre, de celui des trois éléments qui doit occuper cette place. Suivant les loix générales du mouvement & les principes mêmes de Defcartes, c'eft la matiére la plus compacte, & qui par elle même a le moins de mouvement,qui doit être au centre: cette matiére eft auffi la feule qui puiffe répandre par fon embra fement la chaleur & lalumiére dont tout le tourbillon a befoin, & communiquer jufqu'à fes extrémités le mouvement, qui lui eft néceffaire pour refifter à la pression & aux efforts des autres tourbillons, qui l'en

fec, a auffi plus de chaleur lorsqu'il eft une fois embrafé, & que le feu d'efprit de vin, eft prefque imperceptible en comparaifon du charbon ardent ou du fer rouge.

vironnent.

Ces principes des trois éléments de Defcartes étant bien entendus, on concevra aifément que la matiére dont le foleil doit être compofé au centre du tourbillon, eft la matiére compacte du troifiéme élément, pénétrée de la matière fubtile du prémier enforte que les globules du fecond élément n'y font prefque point admis, ou qu'ils en font chaffés par la matiére fubtile, qui y domine & qui y caufe le plus ardent de touts les feux.

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Il faut fe rappeller que la matière du L'extrême agitation des parties troifiéme élément eft celle qui aïant groffieres du troifiéme élément, lorf le mieux réfifté au froiffement, a con- qu'elles font une fois embrafées, refervé des figures irrégulières plus pro- pouffe avec force les globules du fepres à s'accrocher & à s'unir; que la cond élément par une infinité de vimatiére fubtile ou du prémier élément brations & de fecouffes, qui poreft dans une agitation fi rapide que tent la lumiére & la chaleur juf c'est du feu, mais un feu mince & de- qu'aux extrémités du tourbillon, & lié qui de fui même n'a aucune con- même au-delà de fes limites & dans fiftance; que cette matiére fubtile fe les tourbillons voisins; car la marencontrant avec la matiére globuleu- tiére qui compofe le foleil, s'efforfe ou du fecond élément elle eft ce de toute part de s'éloigner du cenmodérée & calmée par elle; mais que tre du tourbillon, fuivant la loi du fi elle entre feule dans les pores d'une mouvement circulaire; & cet effort matiére compacte, ou qu'elle y do- chaffe à la ronde la matière globu mine affez pour en chaffer les globu- leufe du fecond élément dont le foles du fecond élément & pour com feil eft environné, & qui eft repouf muniquer toute la rapidité de fon fée vers touts les côtés imaginables, mouvement aux parties plus compac parce qu'il n'y a nul point du certes du troifiéme, elle y allume un feu, cle que la matiére du foleil décrit qui eft d'autant plus violent qu'il réu- en tournant, où elle ne fasse effort nit les deux forces de la maffe du troi-pour s'éloigner du centre, & ou fiéme élément, & de la viteffe du pré- par conféquent elle ne pouffe & ne mier: de même que le feu que nous le feu que nous chaffe les boules du fecond élément. connoiffons eft d'autant plus fort qu'ilMais, dira-t-on, la maffe du foeft introduit dans des parties plus grof leil, étant une fois embrafée par la fiéres, ce qui fait que le bois verd qui matiére fubtile, elle a acquis par a plus des parties grofliéres que le bois cet embrafement une agitation, qui

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