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28.

que humilic Felp it.

prémiére & plus grande ordonnée de T'hyperbole, & l'autre l'afymptote ou axe infini, fera visiblement plus grand, & beaucoup plus grand que l'efpace afymptotique. Violà donc un infini plus grand qu'un autre: & cet infini je le puis doubler, tripler &c. en concevant la prémiére ordonnée de l'hyperbole 2. fois, 3. fois &c. plus grande les infinis peuvent donc avoir entr'eux touts les rapports des nombres. M. de Fontenelle diftingue l'infini Géométrique & l'infini Métaphysique: il définit le prémier une grandeur plus grande que toute grandeur finie, mais non pas plus grande que toute grandeur. Cette définition permet qu'il y ait des infinis les uns plus petits, les autres plus grands. L'infini Métaphyfique confideré comme une grandeur fans borne en tout fens, ne peut s'appliquer ni aux nombres ni à l'étenduë; ily devient un pur être de raison, dont la fauffe idée ne fert qu'à nous troubler & à nous égarer.

Thalés, Pythagore, Ariftote, Chryfippe, Defcartes fe font déclarés pour la divifibilité à l'infini; Leucippe, Empédocle, Démocrite, Epicure, Gaf fendi, ont foutenu les atomes. L'un & l'autre parti fe vante d'avoir pour foi la force de la démonftration, &

la lumière de l'évidence.

Toute la Phyfique eft remplie de La Phyfi questions, qui ne font propres qu'à humilier l'efprit, en lui faifant avouer que plus il prétend raisonner fur des fujets de pure curiofité, plus il s'embaraffe dans des difficultés infurmontables.

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que s'il n'y avoit point d'étenduë, les parties de l'efpace vuide fe toucheroient; que l'étendue & la matiére font une même chofe, puifqu'il faut que tout efpace foit corporel pour être mefurable, & que comme on ne peut concevoir la matiére fans étenduë, il eft auffi impoffible de concevoir l'étendue fans matiére.

Les autres établiffent la néceffité du vuide hors du monde & dans le monde; hors du monde, fans quoi il feroit infini: dans le monde, fans quoi il ne pourroit y avoir de mouvement. Ils définiffent le vuide une étenduë corporelle & pénétrable, qui fe conçoit négativement comme le rien & les ténébres. Ils foutiennent que fans le vuide il n'y a aucun lieu dans l'univers: car le lieu qui eft l'espace occupé par un corps eft immobile, & ne fuit point le corps qui le quitte; ce qui prouve que l'espace vuide existoit avant le corps, qu'il exifte indépendamment du corps, & qu'ainfi il y a une étendue incorporelle que l'on conçoit mefurable par une ligne imaginaire, qui en fait le diamétre.

Le lieu étant l'efpace que la chofe occupe, il ne peut être réel & corpo rel; c'eft le vuide qui fe rencontre par tout dans la nature, & fans lequel elle ne pourroit fubfifter. Car il feroit infoutenable de dire avec Ariftote, que le lieu eft la furface dont la chofe eft environnée, parceque le lieu aïant inconteftablement la même mesure, que le corps qui le remplit, il ne peut pas être hors la fuperficie de ce corps: & lorfqu'on demande aux fectateurs d'Ariftote quel eft, fuivant leurs principes, le lieu du dernier ciel qui n'eft environné de rien, il faut qu'ils tombent dans l'abfurdité de répondre, que le dernier ciel n'eft en aucun lieu, que ce qui existe n'existe

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nulle part: ce qui eft du dernier ridicule.

Le lieu ne peut pas être non plus la fuperficie même du corps qui le remplit; car il s'enfuivroit que le corps changeant de place emporteroit le lieu avec lui. La vûë des corps remplit notre imagination de l'image d'une étendue corporelle: par-tout où notre imagination fe tranfporte, cette image l'accompagne; mais cette étendue corpo relle doit s'évanouir aux yeux de la raifon. Portons notre imagination audelà du terme de la création du monde, notre imaginations'y repréfentera toujours de l'étendue, il ne s'enfuit pas cependant que la matiére foit éternelle; ce qu'aucun philofophe Chrétien ne peut foutenir.

Quelque création [blou quelque deftruction qu'on fuppofe, on conçoit toujours très diftinctement de l'éten» due ou de l'espace, qui a été, qui eft, » & qui fera toujours, & qui ne peut "pas ne point être. Or être néceffaire, » être éternel, & avoir toujours été, font des attributs qui conftamment ne con viennent point à la matière. Voilà donc encore les deux partis armés de démonf. trations, & qui prétendent combattre fous les enfeignes de l'évidence.

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Chryfippe compofa un traité pour prouver qu'il n'y a point de vuide dans la nature; Hermés Trifmégifte, Thalés, Empédocle, Zénon, & touts les Stoïciens, Defcartes, & le plus grand nombre des modernes ont foutenu

l'impoffibilité du vuide: Leucippe Démocrite, Xénophane, Epicure, Métrodore; Lucrece [], Gaffendi dans le dernier fiécle, & tout récemment Newton, ont foutenu la néceffité du vuide.

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Ariftote[d]rejettoit le vuide, mais avec une exception, difant qu'il falloit qu'il y eût hors du monde affez de vuide pour que le ciel, qui eft de nature de feu pût refpirer. Ariftote [e] avoit puifé cette opinion dans la philofophie de Pythagore. Les philofo phes qui ont admis le vuide, mêloient enfemble le plein & le vuide, mais Newton a foutenu en dernier lieu, que les efpaces céleftes étoient entiérement vuides de toute matiére; fentiment qu'il ne propofe pas, comme une hypothéfe, mais [f]qu'il veut faire paffer pour une verité incontestable. Cette matiére fubtile que les Cartéfiens font le principe de toute fécondité, & le lien néceffaire à la communication de touts les mouvements, Newton l'a regardée comme propre à caufer, fi elle exiftoit, un engourdiffement général dans la nature. Les anciens & les modernes ne font pas plus oppofés dans leurs fentiments, que les modernes le font en

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[b] Le P. Daniel dans le voïage du monde de Descartes, part. 4. p. 512. [c] Eft igitur nimirum quod ratione fagaci

Quærimus, admixtum rebus quod

inane vocamus. Lucret.

[d] Ariftor. ap. Plutarch, de placit, philor fophor, lib.1.c. 18.

[e] Stob. eclog. Phyfic. c. 22.

[f] Omnino neceffe eft ut fpatia cœleftia omni materiâ fint vacua. Nevvion, opric. p. 313.

Différents

vement.

32.

tophes Sta

touts les philofophes qui l'ont précedé, fuivis encore à cet égard par le plus grand nombre des modernes, diftinguent le fujet de fon effence; de ma niére que, fuivant leur opinion, quoi que la diftinction de l'effence ou de la propriété n'ait rien de matériel, elle eft cependant très réelle, & fe préfente très clairement à l'efprit qui conçoit, que la penfée eft non pas la fubf tance fpirituelle elle-même, mais fon action; que l'etendue eft non pas la matiére, mais ce qui l'accompagne néceffairement; & que, quoique la penfée ne puiffe être fans efprit, ni l'éten duë fans matiére, & réciproquement, il eft cependant vrai que la penfée & l'efprit, l'étendue & la matiére ne font pas les mêmes chofes.

Rien n'eft plus du reffort de nos fens fentiments que le mouvement. Il n'y a aucun fur le mou- d'eux qui n'exerce fes facultés par les impreffions qu'il en reçoit : & cepen dant quelle bizarrerie d'opinions à ce fujet ! Les Sceptiques doutent, s'il y a du mouvement, & en cas qu'il y en ait, fi touts les corps font en mouvement ou fi les uns font en mouvement, & les autres en repos. Parmé Les philo nide, Meliffus, & tous les philofophes, tionnaires appellés Stationaires, ont nié le mounioient le vement. Zénon d'Elée prétendoit démontrer l'impoffibilité du mouvement par l'argument, auquel il avoit donné le nom d'Achille pour exprimer fa force invicible. L'argument rouloit fur ce principe: que tout efpace étant une étenduë de matiére divifible à l'infini, jamais Achille ou le cheval d'Adrafte, ne pourroient, malgré toute leur viteffe, attraper à la courfe la plus tardive tortue. Il fuppofoit Achille, &

movement.

38] Πρὸς τὸν ἐιπόντα, ὅτι κίνσις ἐκ ἔςιν, ἀναφὰς περιεπάτει. Diog. Laërt in Diog. Cny.

une tortue marchant du même côté, & la tortue plus avancée qu'Achille de cent pas. Si la tortuë & Achille marchent d'un mouvement continu, pendant qu'Achille aura parcouru les cent pas, la tortuë doit avoir fait quelque progrés en avant, comme d'un pas; pendant le tems qu'Achille mettra à parcourir ce pas, la tortuë aura néceffairement avancé de quelque efpace, comme d'un pouce : & tandis qu'Achille parcourra ce pouce, la tortuë auraavancé d'une ligne : & aina la tortuë par un mouvement continuel, avançant toujours un peu en même tems qu'Achille parcourra l'espace dont elle vient de le devancer, elle le devancera toujours.

33.

Solution

par l'expe

Solution

Diogène ne fçut point de meilleure folution [g] que de fe lever de fon fiége & de marcher en préfence des So- rience. phiftes. Si l'on veut une folution de 34. raisonnement, elle eft aisée en fuppo- de railone. fant que tout mouvement eft mêlé ment. d'intervalles de repos, & que le mouvement de la tortuë, étant interrompu par beaucoup plus d'intervalles de repos que le mouvement d'Achille, it. ne faut pas s'étonner, fi Achille avançant par des intervalles beaucoup plus fréquents de mouvement, atteint & devance la tortue, tandis qu'elle eft dans des intervalles de repos.

35.

objections

de Sextus

Cus

Sextus Empiricus a auffi combattu Autres de toutes les forces contre le mouvement [b]. Voici quelles étoient fes ob- Empiri jections. Les dogmatiques foutiennent, que la matiére eft divifible à l'intini,,, toute étendue ou tout espace eft donc divifible à l'infini. It eft donc impof." fible que la plus grande viteffe par-" coure le moindre efpace; car parcou-»

[h] Sext. Empiric. Pyrrhon, hipotyp. lib. 3. c. 8.

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» rir le moindre efpace ce feroit parcourir un espace infini, ou arriver à une fin de l'infini. Si l'on dit que le cheval ne parcourt pas les parties de "l'efpace fucceffivement, mais qu'il en "parcourt plufieurs à la fois, ces parties » de l'efpace qui peuvent être parcourues à la fois font indéfinies, la tortuë pourra faire le tour de la terre en un moment; fi ceux qui foutiennent la réalité du mouvement, prétendent é"chaper en difant que cette partie de l'ef» pace, qui eft parcourue en même » temps, eft limitée, mais inconnue, ils feront obligés d'avouer qu'aucune ,, partie de l'efpace divifible à l'infini ne peut être parcouruë en même temps. Car qu'ils la fuppofent limitée, telle "qu'ils voudront; s'ils difent, que la » quantité qu'ils auront fuppofée ne » peut plus recevoir d'augmentation, ils avancent une chose téméraire & contradictoire, puisqu'ils limitent com. me connue cette même quantité qu'ils difent inconnue: & d'ailleurs, fi les " parties de l'efpace qui peuvent être » parcourues en même temps font li», mitées, toutes les viteffes font égales. S'ils avouent que la quantité qu'ils: auront fuppofée eft fufceptible d'augmentation, il fera donc permis, fuivant leur propre fentiment, d'y faire "de nouvelles augmentations à l'infini, » en forte que la plus grande lenteur deviendra une vitelle infinie.

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Il est aisé de connoître la fauffeté de ces fophifmes. Les parties divifibles à l'infini ne doivent pas être regardées, comme divifées actuellement. On peut fuppofer que plufieurs parties de l'ef pace font parcouruës en même temps, fans prétendre en fixer le nombre qui n'eft pas connu. Ce nombre varie fui

vant la différence des viteffes.

de Diodore.

Le Philofophe Diodore avoit im- 36. patienté le médecin Hérophile par Les Repentir fophifmes, en lui foutenant qu'il ne pouvoit y avoir de mouvement. St quelque corps fe meut, difoit Diodore, il fe meut dans le lieu où il eft, ou dans le lieu où il n'eft pas. Il ne fe meut pas dans le lieu où il eft; car tant qu'il eft dans le même lieu, il eft en repos, & l'idée du repos exclud le mouvement: il ne fe meut pas auffi dans le lieu où il n'eft pas, car un corps ne peut être affecté d'une maniére active ni paffive, dans le lieu où il n'eft pas, donc rien ne fe meut. Diodore s'étant difloqué un bras s'adreffa à Hérophile, pour qu'il lui remit l'os dans la fituation naturelle. Mais Hérophile lai foutint que ce qu'il lui racontoit étoit impoffible. Ou l'os de. votre bras, lui dit-il, s'eft remué dans le lieu ou il étoit, où dans le lieu où il n'étoit pas. Il ne peut s'être remué ni dans l'un ni dans l'autre, donc il ne s'eft point remué, donc il n'eft point difloqué. Il fallut que Diodore le fupphât de laiffer la Phifique & les fophifmes, & de le traiter fuivant les régles de la médecine.

37.

.1.

D'autres

En même temps que les Philofophes ont nié le ftationnaires nioient le mouvement , repos. plufieurs autres, comme Héraclite & Diogene, dont le fentiment a été fuivi par beaucoup de modernes, ont nié le repos, foutenant que tout eft en mouvement dans la nature; que les parties des corps mêmes qui nous pa roiffent les plus compactes, comme l'or & le marbre, font dans un mouvement continuel, quoique imperce ptible à nos fens. Héraclite [i] comparoit la matiére au cours d'un grand

[Heraclit. ap. Sext. Empir. Pyrrhon. bypotyp. lib. 3.c. 15.

Nnn 3

T

24.

maniére l'a

pandant par tout
lité, & pour
immédiate de

que défordre, qui furvient dans le

corps.

Ör ces nouvelles font portées à l'aDe quelle me par une traînée d'efprits animaux, me reçoit les qui s'étendent depuis le cerveau juffenfations. qu'à toutes les parties de la furface du corps, en forte que l'impulfion de tout corps étranger repouffe ces efprits animaux vers le cerveau, & par ce mouvement l'ame eft avertie de tr ce qui fe paffe. Auffi voyons que tout ce qui peut faire d' à ce mouvement d'efprits

diminuë ou anéantit la

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LOPINION.

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n lieu, & s'il mone, mais en portan brement des dent fi ces parte, fore en, spray to

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28.

La Phyfique humilic elp rit.

29.

du vuide

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Leiére

▲ faut ar être ne peut nduë, il oir l'éten

La néceffité du x dans le mon fans quoiilfenonde, fans quoi r de mouvement. uide une étendue trable, qui fe conut comme le rien &

nebres. Ils foutiennent que fans le vuide il n'y a aucun lieu dans l'uune grandeur nivers: car le lieu qui eft l'espace octeen tout fens, ne peut s'ap- cupé par un corps eft immobile, & ne nombres ni à l'étenduë; fuit point le corps qui le quitte;ce devient un pur être de raison, qui prouve que l'efpace vuide existoit avant le corps, qu'il exifte indépendamdont la fauffe idée ne fert qu'à nous troubler & à nous égarer. ment du corps, & qu'ainfi il y a une étendue incorporelle que l'on conçoit mefurable par une ligne imaginaire, qui en fait le diamétre.

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Thalés, Pythagore, Ariftote, Chryfippe, Defcartes fe font déclarés pour da divifibilité à l'infini; Leucippe, Empédocle, Démocrite, Epicure, Gaf fendi, ont foutenu les atomes. L'un & l'autre parti fe vante d'avoir pour foi la force de la démonftration, &

la lumière de l'évidence.

Toute la Phyfique eft remplie de queftions, qui ne font propres qu'à humilier l'efprit, en lui faifant avouer que plus il prétend raifonner fur des fujets de pure curiofité, plus il s'embaraf fe dans des difficultés infurmontables.

La queftion du vuide n'a pas moins Queftion partagé les philofophes. Les uns ont fort débat foutenu le vuide impoffible, puifqu'au

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Le lieu étant l'efpace que la chofe occupe, il ne peut être réel & corporel; c'eft le vuide qui fe rencontre par tout dans la nature, & fans lequel elle ne pourroit fubfifter. Car il feroit infoutenable de dire avec Ariftote, que le lieu eft la furface dont la chofe eft environnée, parceque le lieu aïant incontestablement la même mefure que le corps qui le remplit, il ne peut pas être hors la fuperficie de ce corps: & lorfqu'on demande aux fectateurs d'Ariftote quel eft, fuivant leurs principes, le lieu du dernier ciel qui n'eft environné de rien, il faut qu'ils tombent dans l'abfurdité de répondre, que le dernier ciel n'eft en aucun lieu, que ce qui existe n'existe

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