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ne autre manière par laquelle on pût expliquer le méme effet. Or il est très difficile, pour ne pas dire impoffible de pouvoir jamais s'affurer de ce point, & le Phyficien de bonne foi doit avouer; qu'on ne peut avoir une connoiffance abfolue & pofitive de la nature des corps.

Defcartes, dans fon traité de la lu. Un fy miére, a la fincerité de convenir a la fincerité de convenir me de philofophie eft qu'un fyftéme de Philofophie eft un un Roman.. roman, ou une fable. Mais il contredit ailleurs [c] un fentiment fi raifonnable, en difant qu'il croiroit ne fçavoir rien en Phylique, s'il fçavoit feulement expliquer comment les chofes peuvent être, fans prouver qu'elles ne peuvent être autrement.

ral.

Prefque tous les Philofophes ont Erreurs des échoué, pour ainfi dire, en s'embarPhilofophes fur la natu- quant. Ils ont ignoré ce que c'étoit re en géné en général, que cette nature dont ils prétendoient expliquer les operations. Ariftote [d] définit la nature le principe du mouvement & du repos; Colius Aurelianus attribue à Afclepiade [e] ce dogme des Stoïciens, que tout fe fait par des loix naturelles & néceffaires; & que la nature n'eft autre chofes que la matiére, & le mouvement. Hippocrate au contraire [f] parloit de la nature comme d'un principe intelligent, & lui attribuoit des facultés, dont l'une repouffe, l'autre

attire, l'autre retient, &c. Dans le
roman de la rofe, la nature dit en
parlant de Dieu..

Cettui grand fire tant me prife,
Qu'il m'a pour la chambriére prife,
Pour fa chambriére certes, voire
Pour connétable, ou pour vicaire.

Mais c'eft plûtôt un tour poëtique qu'une opinion férieufe, qui faffe de la nature un être intelligent, diftinct de Dieu même, & exécutant fes commandements. Les uns ont entendu par elle un agent aveugle, qui formoit toutes chofes au hazard, les autres l'ont regardée, comme la matiere animée par un efprit univerfel; quelques uns l'ont prife pour Dieu mime; & il y en a bien peu qui en de la natu aïent eu une idée assez juste, & af- *. fez claire, pour la définir, comme un poëte moderne (g): La loi immuable établie par le Toutpuiffant dès la création du monde, fuivant laquelle la différence des formes eft appliquée à la matiére.

Définition

7.

Les expli

L'ancienne Phyfique étoit un alfemblage de termes embrouillés & cations de obfcurs, qui ne fignifioient rien. Au l'ancienne Phyfique lieu d'explications elle fubftituoit des étoient des mots qui n'avoient aucun fens, comme les termes généraux, d'acte, de puiffance, de proprietés fpécifiques, de facultés occultes, de vertus in

trin

fons vaides

defens.

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trinféques, de qualités naturelles, de formes fubftantielles, d'accidents, de fympathie & d'antipathie, de puiffance attractive ou expultrice, de causes équivoques ou univoques, d'attrait vers le centre, de crainte du vuide, & autres expreffions inutiles. Defcartes, dans fes Méditations Métaphyfiques, défie les Peripatéticiens les plus zélés, de montrer aucune vérité qui ait été déduite des principes phyfiques d'Ariftote. Cette ancienne Phyfique donnoit des paroles pour des raifons: c'eft comme fi l'on difoit, qu'une houffine avec la quelle on bat un habit, en chaffe la poudre, parcequ'elle a une faculté expultrice. On ne s'accommode pas de cette explication dans les chofes claires par elles-mêmes, & qui font du reffort des fens; mais pour les effets qui nous font imperceptibles, cette maniére de difcourir a été bien reçûë pendant un grand nombre de fiécles, & on regardoit comme fça. vants ceux qui difoient que la rhubarbe purge la bile, parcequ'elle a une faculté purgative. M. de Fontenelle fuppofe [b] que les anciens fages, un Platon, un Pythagore, un Ariftote, fuffent à l'Opera & viffent le vol de Phaeton. L'un d'eux diroit: Ceft une vertu fecréte qui enleve Phaeton; l'autre, Phaëton eft compofé de certains nombres qui le font monter; l'autre, Phaëton a une certaine amitié pour le haut du théatre, il n'eft point à fon aife quand il n'y eft pas, l'autre Phaeton n'etoit pas fait pour vo ler, mais il aime mieux voler que de laiffer le haut du théatre vuide.

Tom. I.

tote.

Si le deffein d'Ariftote eût été de Principe de n'enfeigner que des chofes utiles, il la privation n'eût pas établi la privation pour prin- dans Arifcipe: ce qu'il prouve par l'exemple d'une ftatue, que l'ouvrier ne peut faire fans choisir une matiére qui ne foit pas encore cette ftatuë qu'il fe propofe de faire.

Ariftote foutient que la forme eft Paralogifme

me.

une fubftance veritable, un être réel d'Ariftote qui a une exiftence diftinguée de l'e- fur la forxiftence de la matiére; que la matiére defire la forme qui eft enfermée en elle, non pas actuellement, mais en puiffapce : & il ajoûte que la forme eft tirée de la matiére, comme s'il étoit poffible de tirer réellement d'une chofe, ce qui n'eft pas actuellement en elle. Il vaudroit autant dire qu'une bourse ne contient pas actuellement dix louis, qu'elle ne les contient qu'en puiffance, par la capacité quelle a de les contenir ; & que cependant on tire ces dix louis de cette bourse.

Contrarié

les élé

Cet exemple fait connoître com- 10. bien les recherches embrouillent fou- tos des Phyvent les notions les plus fimples, & ficiens lur les plus naturelles. Les modernes ex- ments. pliquent avec beaucoup de netteté, que la forme n'eft autre chofe que l'arrangement des parties de la matiére.

Quelles contrariétés parmi les Philofophes; quelle diverfité d'opinions touchant les éléments! Thalés établiffoit l'eau pour principe général: il fe fondoit fur cette raifon [i], que tout dans la nature jufqu'au Soleil même fe nourrit de l'humidité. Cette doctrine étoit tirée des Phéniciens. NuMmm

[b] M. de Fontenelle,pluralité des mondes, prémierfeir, p.17.

[i] Stanl. hift. philof. in Thal,cs 6.

menius l'appuyoit fur ces paroles de Moife [k]: L'efprit de Dieu étoit porté fur les eaux, Comme fi par les caux on eût dû entendre l'univerfalité de la matiére. Mégafthéne [1] attribuoit la même opinion aux Philofophes Indiens;

Phérécyde ne reconnoiffoit d'élément que la terre; Anaximandre, l'infini; Anaximéne, l'air; & Diogé. ne Apolloniate, difciple d'Anaximé ne, [m] foutenoit que l'air n'étoit le principe général, que parcequ'il étoit doué d'une portion de la raifon divine; Xenophane mettoit le premier principe dans l'unité; Anaxagore, dans les parties homogénes; Pythagore, dans les nombres; Empedocle; dans l'amour ou la fympathie; Héraclite & Archelaus, dans le feu; Epicure, dans les atomes; Parménide, dans le chaud & le froid; Athenée le médecin [n], dans les quatre premiéres qualités,chaud, froid, humide, & fec: il ajoûtoit un cinquième élément, l'efprit qui pénétre touts les corps & les conferve dans leur état naturel.

Leucippe & Démocrite, faifoient confifter les éléments dans le plein & le vuide; Platon, dans la divinité, les idées & la matiére; Ariftote dans la matiére, la forme & la privation; Zénon, dans le deftin, le feu, l'air, la terre, & l'eau ; Pline [o], dans le feu, l'air, la terre, l'eau & le fel. Parmi les modernes il n'y a ni con

formité de fentiment avec les anciens, ni entreux, Gaffendi n'admet pour principes généraux que la divinité, & le mouvement; Flud, la lumiére & Jes ténébres; Defcartes, la matiére du prémier élément ou la matiére fubtile, celle du fecond élément ou les globules, & celle du troifiéme, ou les parties. branchuës; les éléments des Chimiftes font le mercure, le foufre, le fel, le flegme, & la tête morte; à quoi Paracelfe ajoûte la quinte ef fence; un nouveau Phyficien prend pour prémiers principes de toutes cho fes les acides, les alkalis, les foufres, les flegmes, & la terre. Selon lui, la différence des uns & des autres n'eft que dans la groffeur, & la figure des parties. Il donne aux acides beaucoup de folidité & plufieurs angles aigus, & aux alkalis beaucoup de pores & fort ouverts. Par-là, il rend raifon de la fermentation qui arrive quand ces deux corps fe mêlent. Voilà bien des formes d'éléments; quel arbitre entre tous ces philofophes pourroit démêler la véritable? & l'opinion la plus plaufible de toutes, ne feroit-elle point que la nature pourroit bien avoir emploïé dans la ftructure de l'univers, quelque méchanique qui nous échappe abfolument?

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[k] Et fpiritus Domini ferebatur fuper ex eo fieri poffet. S. Aug. de civit, Dei, lib 8. aquas. Gen. in. init.

[1] Megafth. ap. Strab. lib. 15.

[m] Diogenes quoque Anaximenis al ter auditor, aërem quidem dixit effe materiam de quâ omnia fierent, fed eum effe compotem divinæ rationis, fine quâ nihil

c. 2.

[n] Athénée le medecin, que Galien cite fouvent, eft différent d'Athénée le grammai rien, auteur des Déipnofophiftes. [o] Plin, lib. 31. c. 7.

12.

Explication

iers de Pla

on.

ger que l'eau; & l'eau dix fois plus légére que la terre,

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La Géométrie de Platon [p] prife es cinq de Pythagore, défignoit par le cube orps régu- ou hexaëdre la folidité de la terre; par le tetraedre ou la pyramide, la pénétration du feu ; par l'octaedre ou corps à huit faces régulières, la mobilité de l'air; par l'icofaëdre ou corps à vinge faces régulières, la fluidité de l'eau par le dodecaedre formé de douze pentagones, la fupréme fphére de l'univers, comme renfermant les quatre éléments, les fept cieux des Planétes, & le firmament. Tel eft le myftere des cinq corps réguliers dé crits par Platon mais inventés par Pythagore.

13.

des éléments

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Les éléments de Defcartes ne dif. Explication ferent que par la forme plus ou moins de Defcar- déliée de leurs particules imperceptibles. Ainfi le prémier élément ou la matiére fubtile, n'eft proprement que la raclure la plus mince du froitlement des corps qui fe meuvent. La matié re du fecond élément eft une matiére un peu plus folide, arrondie, & émouffée par le froiffement; ce font des petits globes d'une force & d'une activité mitoienne, entre la matiére du prémier & troifiéme élément. Ce dernier eft la matiére la plus folide, qui a le mieux réfifté au froissement, & qui a confervé des figures branchues & irrégulières, plus propres à former par leur accrochement le volume compact & maffif des corps les plus groffiers. Il fe fait un continuel

[2] Σχήματα πέντε Πλάτωνος, ἅ Πυ θαγόρας σοφὸς εὗρε,

Πυθαγόρας σοφὸς εὔρε, Πλάτων δ' αρίω δηλ ̓ ἐδίδαξεν, Ευκλείδης ἐπὶ τοῖσι κλέος περικαλών λες ἔτευξεν .

chargement [9] dans toutes les parties de la matiére, les unes perdant leurs angles, les autres s'uniffant & s'accrochant ensemble.

La terre eft composée de parties du troitiéme élément, qui font ferrées, & de figure crochuë, ce qui fait la folidité de la terre: leur union néanmoins n'eft pas fi intime qu'elles ne foient pénétrées par la matiére du prémier & du fecond élément. L'air eft compofé de parties du troifiéme élément, mais éloignées les unes des autres, & fort déliées, en forte qu'elles font pliées aifément par la matiére du premier & du fecond élément, qui y abonde: ce qui fait le mouvement & l'agitation de l'air: l'eau eft compofée de parties du troifiéme élément, longues, unies, molles & plian tes, de la figure des aiguilles : & la matiére du prémier élément qui s'y mêle, les entretient dans un mouvement continuel, qui fait que n'étant pas propres à s'accrocher les unes aux autres, leur fluidité ne peut être arrêtée que par un corps dur & folide, qui les empêche de fe répandre. L'eau de la mer outre ces parties molles & pliantes, en a de roides & inflexibles qui font le fel; & ces eaux étant filtrées par des fables s'y deffalent, parceque leurs parties roides y font brifées.

M. Boerhaave [r] foutient au contraire que les particules de l'eau font auffi inflexibles, & auffi dures que le diamant; ce qui paroît s'accorder avec

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14.

de l'air & de l'eau.

les effets furprenants qu'elle produit, lorfqu'elle dilate les pores du bois, puifque les tailleurs de meules de moulins n'ont pas de meilleur moïen pour féparer une meule d'avec le roc, après l'avoir taillée, que d'enfoncer des chevilles de bois dans des trous horizontaux, qu'ils font entre la meu le & le roc, puis de mouiller ces che. villes, car alors l'humidité qui les pénétre, les fait enfler de maniére, qu'en peu de tems la meule fe trouve féparée.

L'air a une parfaite analogie avec Analogie l'eau, l'athmofphére de l'air, qui en vironne le globe de la terre, eft comme un grand fleuve, dans lequel les hommes & tous les animaux terref tres, ou aëriens vivent à leur maniére comme les poiffons dans l'eau. Les parties de l'air s'uniffent & le défuniffent avec autant de facilité que cel les de l'eau; l'air comme l'eau eft fuf ceptible du chaud & du froid; de même il s'empreigne aifément des odeurs bonnes & mauvaifes, il coule & s'in finue comme l'eau, dès-qu'il trouve le moindre paffage, & je ne doute pas qu'il ne puifle être revêtu, & teint de toute forte de couleurs, comme on en fait quelquefois prendre à

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l'eau.

י

Il y a deux principales opinions fur cipales opi- la nature du feu; la prémiére qu'il n'eft le mouvement rapide de toute que forte de matiére. Il eft important d'ob fervir ici que le prémier élément de Defcartes eft trop fubtil, pour que fon mouvement feul puiffe donner quelque confistance au feu, que cet élément feul ne peut s'enflammer, ni fe

fervir de nourriture à lui-même: lorf que le fecond élément s'infinue dans les interstices d'un corps folide, conjointement avec le prémier, il en tempére l'extrême ardeur, & il empêche que ce corps folide ne foit enflammé; mais lorsque les pores d'un corps folide font difpofés de façon, que la matiére du prémier élément eft feule mêlée avec les parties groffiéres du troifiéme élément, qu'elle y domine par une agitation aflez forte, pour communiquer fon mouvement aux parties plus compactes, & que les globules du fecond élément, ou n'y font pas admis, ou n'y peuvent réfifter à la force de la matiére fubtile, alors ce corps brûle jufqu'à ce que le mouvement de la matiére fubtile ait divifé toutes les parties.

La feconde opinion eft que le feu eft un fluide particulier, qu'il s'attache à plufieurs corps, & fournit même quelque chofe à leur compofition: qu'il conferve toûjours fa propre effence & fa figure, neceffant jamais d'être feu, quoiqu'il ne brûle pas toûjours. Cette feconde opinion eft contraire à l'hypothéfe du plus grand nombre des philofophes, qui regardent toute forte de matiére comme propre à recevoir toute forte de figures; en forte que touts les éléments font converfibles l'an dans l'autre, par le changement de la configuration des parties, & la dif férence du mouvement.

Le pére Caftel, dans fon traité de Phyfique, a foutenu que le feu eft le plus pefant de touts les corps.

Ifac Voffius [s] ne confidére le feu T6. Opinion firque comme l'effet de la preffion, & il guliere d ne le met pas au rang des corps.

d'lTac Voffius, lur le feu.

[] Ignis nafcitur folâ compreffione vel te lucis, c.1.lguis non eft corpus. e. 2. attritione. Ifác, Voff, de naturâ & proprieta

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