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Un philofophe moderne [b]etfaie de foutenir le fentiment de Cicéron, fans » néanmoins le fuivre.,,Ce n'est pas un " défaut de puiffance en Dieu, dit-il, » de ne pas prévoir l'avenir contingent, "comme ce n'eft pas un défaut de puif"fance en Dieu, de ne pouvoir pas em"pêcher que le paffé n'ait été. Toute l'impuiffance eft dans le fujet qui enveloppe une répugnance de contradiction. Il n'y a pas plus d'impiété à fou"tenir que Dieu ne fçait pas déterminément quelles feront les actions d'un " homme confidéré comme agent libre, qu'à dire que Dieu ne peut pas les cho»fes qui font contre fa nature, comme " de pécher, de s'anéantir foi-même. La "prefcience de Dieu, ajoute-c-il, ren" ferme deux propofitions contradictoires, l'une affurant la néceffité de l'o"pération future, l'autre foutenant la " franchise de la volonté. Il eft impoffi"ble de comprendre ce que c'est qu'une "certitude contingente, & qu'une cho"fe foit infallible & non pas néceffaire. "La comparaison de ceux qui prévoïent

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Tom. I.

[e] Ubi autem fpiritus Domnini ibili bertas Corinth. II. c. 3.

[f] Nihil eft tam contrarium rationi & conftantiæ, quàm fortuna, ut mihi næ in Deum quidem cadere videatur,ut sciat quid cafu & fortuitò futurum fit. Si enim fcit, certe illud eveniet: fin certè eveniet, nulla fortuna eft; eft autem fortuna; rerum igitur fortuitarum nulla est

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le malheur d'un homme courant vers,, un précipice, contient ces conditions,,, au cas qu'il ne s'arrête ou ne fe détour-,, ne pas. Cette fimilitude n'attribue à Dieu qu'une connoiffance hypothéti- » que que perfonne ne contefte, & qui n'eft pas même difputée aux hommes." L'exception des actions contingentes » mife à la fcience divine,ne marque donc » nul défaut en elle, puifqu'elle demeu- „ re infinie, & qu'elle embraffe tout ce », qui peut être connu.,,

Ce raifonnement roule fur un faux principe, que la prefcience de Dieu, & la liberté de l'homme font deux contradictoires. Nous devons nous foumettre au fentiment de l'églife, que la prefcience de Dieu s'étend fur toutes les chofes futures. Il n'eft pas permis de douter que Dieu ne prévoïe les chofes néceffaires comme nécessaires, & les chofes contingentes comme contingentes. Il faut humilier fon efprit en l'arrêtant fur la conclufion [i] de S. Juftin, que la prefcience divine n'est pas la caufe des chofes futures, mais que ce font elles qui font la prefcience en Dieu, fans préjudicier à notre liberté.

Parmi les Juifs, les Efféens [k] mettoient tout fous le pouvoir de la deftinée : les Saducéens donnoient tout au franc arbitre: les Pharifiens [7] tachoient de concilier ces deux fenti ments oppofés.

Chryfippe, comme un gratieux en.
Kkk

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præfentio. Cic.de divinat.lib.2. [g] S Aug.de civit. Dei, lib. 5.c.9. [b] La Morre le Vayer lettre 99 La derniére des lettres Perfanes roule fur le même sujet. [i] S.Juftin. quaft. 58. ad Orthod. [k] Jofeph.antiq.liv.13.c 9.& liv. 18,c. 2. Ý de la guerr.contr.ler Rom.liv.5 p.67.

[1] Prideaux.hift, des Juifs, pars. 2. 1. 4. liv. 5 p. 67.

tremetteur, prit la voie moïenne d'un arbitre, dit Cicéron [m], confervant la liberté de l'homme, fans ôter la prefcience de Dieu. Proclus avoit fait un livre pour accorder la prefcience de Dieu avec notre liberté. Ammonius a enfeigné que les événements n'arrivent pas, parce que Dieu les a prévûs; mais que Dieu les a prévûs, parce qu'il eft néceffaire que ces événements arrivent d'une manière ou d'une autre, fentiment qui revient à celui que nous venons de rapporter de S. Juftin.

La prefcience de Dieu quoiqu'infaillible, n'impofe pas plus de néceffité à nos actions, que nos prévoïances ordinaires aux chofes futures fur lefquelles nous faifons des conjectures. La différence eft, que ce qui eft en nous une conjecture, eft en Dieu une prefcience. De même que notre mémoire n'a aucune part aux chofes paffées qu'elle fe repréfente, la prefcience de Dieu ne

contribuë en rien aux chofes futures qu'elle prévoit. Nous ne voulons pas les chofes, parce que Dicu les a prévûës de toute éternité, mals Dieu les a prévûës, parce que nous devions avoir cette volonté.

Le Cardinal Cajétan dit que cette queftion eft une de celles que nous devons examiner avec le plus de modeftie & de retenue. Les difputes fur le deftin & fur la liberté ont été de touts les temps, de touts les païs & de toutes les fectes. Cette question a été appellée l'éponge de toutes les religions. L'efprit humain qui ne connoît pas les chofes naturelles, & qui font à la por. tée des fens, veut pénétrer dans la prefcience de Dieu, en expliquer les propriétés & l'étendue, & dévoiler le mystére dont Dieu a enveloppé l'union & l'accord de cette prefcience avec la liberté de l'homme. Toute l'hiftoire de l'efprit humain nous prouve que fon plus grand écueil eft fa préfomption & fa témérité.

[m] Tamquam arbiter honorarius. Cic.

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SOMMAIRE

du Chapitre premier.

1. L'opinion a peu de prife fur les Mathématiques. 2. Différence de la Science & de l'Art. 3. Le. titre de Science refusé par quel ques-uns aux Mathématiques. 4. Objections contre la Géométrie. 5. Application exceffive des Mathematiciens. 6. Utilité des Mathé matiques. 7. Autres objections contre la Géométrie . 8. Paradoxes de la Géométrie. 9. L'efprit ne doit pas s'accoutumer à des certitudes géométriques. 10. Progrés de

l'efprit humain, depuis le renouvellement des Lettres, dans les fciences qui ont des objets corporels. 11. Du fyftême géométrique de l'infini.

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ETTE partie de l'Hiftoire de l'Esprit Humain, renferme principalement les contradictions des fçavants, fur la Phyfique, fur l'Aftronomie & fur la Médecine; les impoftures des Chimiftes, & des Aftrologues; les opinions outrées des Naturalistes, plus éloignées de la vérité, que les fictions des Poëtes ; & en même tems les progrés de l'efprit humain, & les nouvelles découvertes dans les fciences, qui ont des objets corporels. Les Mathématiques tiennent parmi elles un rang fi confidérable, que je ne dois pas les paffer fous filence.

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leur ont été refufés par ceux qui ont foutenu, qu'elles étoient les clefs des fciences, mais non pas des fciences elles-mêmes.

En effet la Géométrie fpéculative & pratique, le calcul par les chiffres & par les lettres, font des principes né ceffaires, pour acquérir plufieurs connoiffances; mais auffitôt que vous paffez à l'application de ces principes, vous fortez des Mathématiques ou leur certitude vous abandonne: car la Mufique, la Peinture, l'Optique, l'Aftronomie, la Géographie, la Navigation, l'Architecture civile & militaire, joignent aux principes certains qu'elles tirent des Mathématiques, ce que l'opinion a de douteux, & ce que le goût a d'arbitraire: ainfi il faut convenir, que les Mathématiques, ou ne font que les clefs des fciences, & une fimple introduction à la science qui n'eft pas la fcience même; ou fi l'on veut les étendre plus loin, qu'elles ne font pas des fciences, en prenant ce terme dans fon fens étroit, puifque la certitude ne les accompagne plus.

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contre la

Le fruit des autres fciences, dit Quintilien, [e] fe perçoit, quand on les pofféde; mais les Mathématiques ne font que difpofer l'efprit, & le rendre plus capable de ce qu'il apprend par la fuite.

Sénéque [f fait peu de cas des Mathématiques, parce qu'elles font fuperficielles, pour ainfi dire; bà tiffant fur le fond d'autrui, & ne pouvant conduire par elles-mêmes à la vérité. Cet Auteur entend par la vérité, des connoillances de pratique & d'ufage; car il eft inconteftable que des démonftrations de Géométrie, d'Algébre, ou d'Arithmétique font des vérités. Mais on ne peut faire aucune application de ces principes, fans alterer & corrompre leur certitude, ou par l'incapacité de celui qui les emploie, ou par le défaut de l'objet auquel on les applique, ou par l'imperfection des inftruments dont on fe fert.

Quelques fçavants ont donné plus Obiections d'effor à leur critique; non concométrie. tents de nier la certitude dans l'application, & l'ufage des Mathématiques, ils ont attaqué la Géométrie elle-même; & au rapport de Jean

[] In Geometriâ partem fatentur ef fe utilem teneris ætatibus agitari namque animos, atque acui ingenia, & celeritatem percipiendi venire inde concedunt: fed prodeffe eam, non ut cæteras artes, cùm perceptæ fint, fed cùm diicatur, exiftimant. Quintil. inftit. oratoriar.lib.1.c.10.

[f] Mathematica, ut ita dicam, fuperficiaria eft, in alieno ædificat, aliena accipit principia, quorum beneficio ad ulteriora perveniat: fi perfeiret ad verum, fi totius orbis naturam poffet comprehendere, dicerem multum collaturam mentibus noftris, &c. Sen. epift. 88.

£gl Ac. multi quidem a Geometria

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exorfi tollere illam de medio procurarunt, fublatis omnibus, quæ ipfi fupponunt nec probant ; principiaque omnia unicâ negatione, tamquam falcis tractu diffecuere, ac definitionem puncti, lineæ, fuperficiei corporis, non magno (ut ipfi putant) labore fuftulere. Joan. Francifc. Pic. Mirandul in exam, vanit. doar.gent. lib x. c.7.

[b] Non minorem effe dubitandi caufam in fcriptis Mathematicorum, quàm in fcriptis Phyficorum, Ethicorum &c. Hobb. de faftu Geometrarum.

[i] Sext. Empiric, adverf. Mathematic lib.3. & lib.8. c, de corpore ..

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