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comme s'ils difputoient le prix de la courfe.Les chiens de chaffe dans leurs rêves,agitent tout à coup leurs membres, aboient & quétent la voie, comme s'ils pourfuivoient quelque gibier: & pouf. fant l'illufion au-delà même du reveil,ils courent après un cerf, qui n'exifte que dans leur imagination, jufqu'à ce que leurs fens étant calmés, l'erreur qui les emportoit fe diffipe.

6. Fondements & regles de L'interprétation des fonges a deux l'Oneirosri-fondements; l'expérience,lorfque les mê mes fonges ont été fuivis plufieurs fois des mêmes événements,& les proportions de reffemblance, fuivant le langage de cet art, comme fi quelqu'un rêve qu'il eft accablé fous une montagne [u], cela fignifie qu'il fera opprimé par de puif. fants ennemis. Celui qui fonge qu'il perd la vûe, eft averti de la perte de les enfants: carles yeux fe rapportent [x] aux enfants, comme la tête au pére de famille;les bras aux frères; les piés aux domestiques; la main droite à la mérc[y], au fils,aux amis; la main gauche à la femme,à la maîtresse,à la fille.Songer qu'on a de beaux cheveux[z]& bien frisés,c'est unemarque deprofpérité:fonger[a]qu'ils font négligés & en mauvais état, c'eft une marque d'affliction. Les couronnes de fleurs font de très bons fignes [b], pourvû qu'elles foient vûës dans leurs faifons; hors de leurs faifons, les fleurs

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font d'un mauvais prognoftic. C'eft un fonge heureux de fe regarder dans un miroir lorfqu'on eft prêt de fe marier, ou qu'on a quelque chagrin [c]; mais le fonge eft mortel pour ceux qui font attaqués de quelque maladie.Songer à la mort [d], annonce un mariage fonger qu'on trouve un thréfor, eft une marque de mort & de foucis.

7.

crate.

Hippocrate [e] dit que les rêves du Opinion ciel & des étoiles fignifient,fuivant leurs frivoles différentes circonftances,ou la fanté, ou d'Hippoune maladie prochaine, ou la folie;que voir en dormant des campagnes agréables, de beaux fruits, des eaux claires, annonce la bonne fanté, comme les contraires prognoftiquent la maladie ; que les fonges qui roulent [f] fur les tremblements deterre, préfagent des changements & variations dans la fanté ; que ceux qui repréfentent des chofes monftrueufes & extraordinaires, menacent de maladies,

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Hippocrate [g] confeille à ceux qui ont vu en fonge les étoiles s'obscurcir, de courir en long,à ceux qui ont vu la lune éclipfée, de courir en rond; à ceux qui ont rêvé à des éclipfes de foleil,de courir en long & en rond.

Suivant Galien, c'eft un figne de mort de voir dans un rêve une étoile qui tombe, ou un chariot brifé . I raconte qu'un homme [b] aïant Il

Donec difcuffis redeant erroribus ad fe. Lucres. lib. 4. [u] Raguf. de divinat, lib.2.c.10. [x] Artemidor. oneirocrit.lib.1.c.2. [y] Artemidor. oneirocrit. loc. citat. [2] Artemidor, oneirocrit. lib.1.c. 19. [a] Artemidor.oneirocrit.lib.1.6 20. [b] Id. lib. 1. c. 79. [c] Id. lib. 2. f. 7. [d] Id. lib.2.c. 54. [e] Hippocr.de infomn.c.3.& 4. [f] Id. loc. citat, c. 7. [g] Id. loc. citat.c. 4. [b] Galen, de dignot, ex infomn.

5.

Exemples

fongé qu'il avoit une cuiffe de pierre,
devint paralytique de cette partie du
corps,que lui même fut averti en fonge
[i] par Efculape de fe faigner entre le
poulce & l'index de la main droite, &
qu'il fut guéri par cette faignée d'une
douleur continuelle qu'il avoit au foie.
Il rapporte [k] la caufe des fon-
ges à la difpofition des humeurs. Il
n'y a rien que de très naturel dans
le principe de ce raifonnement; mais
voici jufqu'où il pouffe les conféquen
ces qu'il en tire. Celui, dit-il, qui
dans les rêves voit du feu, eft incom-
modé d'une bile jaune; s'il fe repré-
fente des ténébres ou de la fumée
il eft menacé par un bile noire.Son-
ger à la pluie, dénote l'excès de l'hu-
mide; les fongesde grêle, de neige,
de glace, font connoître que la fanté
péche par ung pituite froide.

Cardan [] vit en fonge une étoile interpre- tomber dans fon foier & s'éteindre auf tions des -tôt ; & il connut qu'il feroic en fa

Onges.

veur auprès d'un prince, mais que
cette faveur feroit de peu de durée.
Le même auteur [m] donne cet exem-
ple de l'interprétation des fonges dans
fes régles générales. Un homme a vû
en fonge la chute d'une montagne, une
montagne eft quelque chofe de grand,
ainfi cela fe rapporte à des hommes
puiffants: la chûte fignifie l'état d'un
homme qui fuccombe, comme celui
qui eft privé de fes biens, de fes digni
tés. Cet exemple fait connoître que la
fcience d'interpréter les fonges, n'elt pas
pas une chole fi difficile qu'on pourroit
Le l'imaginer.

Nabuchodonofor ne fe contentoit
pas d'une fimple interprétation. Il de

[i] Galen, de vena fectione.
[k] Id. de dignot, ex infomn.

[1] Cardan de insomn. lib. 4. c. 4.
[m] Id. loc. citar. lib. 1. c. 15.
[n] Daniel c. 2.

manda [n] aux devins de Chaldée, foit par oubli, foit par malice, non feule ment d'expliquer le fonge qu'il avoit cu, mais de deviner quel fonge il avoit eu, Ces devins n'aïant pu fatisfaire à ce que le roi de Babylone exigeoit d'eux, furent mis à mort.

Cimon général [ ] Athénien étant prêt de s'embarquer fur la flotte destinée porter la guerre dans l'Egypte, fongea qu'une lyce fort en colére abboïoit contre lui, & qu'elle prononça d'une voix humaine & très bien articulée: Vien,car tu nous feras plaifir à moi & à mes petits. Le devin Aftyphilus lui déclara que ce fonge lui prédifoit la mort: car il l'expliquoit ainsi: Le chien eft ́en- ́ nemi de l'homme contre lequel il abboïe; or on ne fçauroit faire un plus grand plaifir à fon ennemi, que de

mourir.

Pline [p] écrit à Suétone qu'on doit fouvent interpréter les fonges d'une maniére oppofée directement à leurs apparences Les fonges, fuivant cette régle, font infaillibles puifqu'on peut également en conjecturer le pour & le contre.

Plutarque [q] croit que les fonges d'automne ne méritent aucune attention, parce qu'ils font caufés par le fuc plus abondant des nourritures qu'on prend en cette faifon..

Cardan enfeigne que les fonges [r] qui précedent le lever du foleil fe rapportent à l'avenir ceux qui arrivent lorfque le foleil fe léve, fe rapportent au préfent; ceux qui fuivent le lever du foleil, fe rapportent -au paffé. Que les fonges font plus affurés [s] en été & en hyver, qu'en automne & au printemps: au lever Hhh z

[o] Plutarch. in Cim.
[p] Plin. epift. lib 1. epist. 18.
[q] Plutarch. in fympos.

[r] Cardan, de infomn. lib. 1. c. 8.
[] Id. loc. citat. lib. 1. c. 5.

du foleil, qu'à toute autre heure de la journée.

La fuperftition eft encore plus bla mable, lorfqu'elle mêle des chofes facrées dans fes chiméres. Quelques auteurs ont avancé que les fonges, au temps de Noël & de l'annonciation, annoncent des chofes folides & durables, mais que ceux qui viennent avec les fêtes mobiles, défignent des chofes variables & fur lesquelles nous devons peu compter.

Pline [] parle d'une pierre qui fe trouve dans la Bactriane, & qu'il ap pelle Eumetris, laquelle étant mife fous la tête pendant le fommeil, con vertit les fonges en des prédictions très folides & très affurées. Cela eft d'une autre importance que l'effet du cœur d'un finge; qui eft tel, au rapport de Cardan [u], que s'il eft mis fous la tête d'un homme qui dort, il lui fait voir en fonge des bêtes féroces.

- Touts les préceptes de l'Oneirocritique ne méritent pas plus de croïance, que ce qu'Homére & Virgile [x] ont dit, que les fonges paffent par deux portes différentes, l'une d'yvoire, & c'est le paffage des fonges trompeurs l'autre de corne, par la quelle paffent les fonges véritables Sur quoi [y] l'auteur des dialogues d'Oratius Tubero, reléve merveilleufement l'avantage d'avoir des cornes en la tête, d'autant qu'on peut s'affurer de la vérité de fes fonges.

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parti fur les fonges, déclare [z] què S'il eft difficile d'y trouver quelque folidité, il n'eft pas moins difficile de méprifer entiérement tant d'exemples qui font rapportés pour confirmer leur vérité.

Traits

Les malades [a] alloient coucher 9. dans le temple d'Efculape, afin qu'il foire a leur indiquât en fonge les remédes les fong qu'ils devoient faire. Ifis, fuivant Diodore de Sicile, indiquoit en fonge dés remédes aux malades. Une femme fongea [b] qu'on lui conseilloit d'envoier à fon fils des racines de rofier fauvage. Le jeune homme en même temps aïant été mordu d'un chien enragé, & aïant reçu une lettre de fa mére qui lui faifoit part de ce fenge, ufa de ces racines, & fur garanti de la rage.

"

Une autre femme qui avoit une infiammation [c] à une des mammelles, fongea qu'un agneau la tettoit. Le lendemain elle prit du plantain, qu'on appelle en Gree [d], langue d'agneau, & l'aïant appliqué fur fon fein, elle en fut guérie.

Une colombe [e] apprit à Afpafie dans un de fes rêves, le moïen de guérir une groffe loupe qu'elle avoit au menton. Une grande marque du foin des Dieux pour moi, dit l'empereur [f] Marc Antonin, c'est que dans mes fonges ils m'ont enfeigné des remédes pour mes maux, & particulié rement pour mes vertiges & pour mon crachement de fang.

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S. Clément d'Alexandrie [g] n'a pas dédaigné de rapporter une guéri fon qui arriva en fonge, fur laquelle il intervint un jugement badin de Bocchoris roi d'Egypte. Un jeune homme étant convenu de prix avec une courtifanne pour fatisfaire la paffion qu'il avoit pour elle, il fongea la nuit qu'il en avoit obtenu tout ce qu'il défiroit, & guérit fi bien fa phantaifie, que le lendemain il la renvoia. Sur l'avis que cette femme eut de l'illufion qui l'avoit privée de fa récompenfe, elle demanda en justice la fomme convenuë: furquoi Bocchoris prononça que le jeune homme vuideroit la bourse au foleil, afin que cette courtisane put prendre pour fon paiement l'ombre de l'argent qui en fortiroit.

Alexandre vit en fonge [b] l'herbe dont il guérit Ptolémée fils de Lagus. Tertullien [] rapporte comme un fait véritable, qu'Achille guérit en fonge un Athléte nommé Cléonynie: & il fe fert de cet exemple & de quelques autres femblables, pour réfuter incrédulité Epicurienne.

Deux amis qui voïageoient enfem ble [k], étant arrivés à Mégare, l'un d'eux alla loger dans une hôtellerie, & l'autre chez un ami. Ce dernier vit en dormant que fon compagnon de voïage le fupplioit de venir à fon fe vours, parce que l'hôte vouloit le tuer. Il fut affez ému de ce rêve pour s'éveiller; mais aïant regardé ce pref fentiment comme un fonge facheux qui n'avoit aucune apparence de véri. té, il fe rendormit.Auifi-tôt fon compagnon lui apparut une feconde fois, pour lui dire que puifqu'il ne l'avoit pas fecouru, il ne laiffat pas au moins

[e] S. Clem, Alex ftromat.lib.4.

[b] Strab. lib. 15. Plutarch in Alex.Cic. de divinat. lib. 1. Q. Curt. lib.9.c.8. [i] Tertul de animá, 6.46.

fa mort impunie; que l'hôte après l'avoir tue venoit de cacher fon corps dans du fumier: & l'ami affaffiné fupplioit fon ami de fe trouver de grand mattin à la porte de l'hôtellerie, avant qu'on eût emporté le corps hors de la ville. Cet ami troublé d'un fonge fi terrible, accourut à l'hôtellerie dès la pointe du jour; & aïant trouvé un chartier prêt à emmener un chariot, il lui demanda ce qu'il y avoit dedans, Le chartier prit la fuite, le mort fut retiré de deffous le fumier, & la chofe aiant été examinée, le maître de l'hôtellerie fut convaincu & condamné au dernier fupplice,

Un phyficien moderne [] prétend que ce fonge peut être expliqué d'une maniére naturelle par le mouvement des corpufcules; & que cet homme qu'on affaffinoit répandoit dans l'air, foit par fes cris, foit par une tranfpiration violente & forcée, des impref fions capables de s'étendre affez loin, pour aller jufqu'à fon ami, qui devoit y être plus fenfible que perfonne, par le rapport d'un long commerce d'amitié. Quelle opinion, d'imaginer que des corpufcules viennent raconter les circonftances d'un meartre! un pareil ufage des corpufcules n'eft pas moins frivole que les qualités occultes de l'ancienne phyfique.

Artaban frére de Darius, & oncle de Xerxés, vouloit détourner fon ne veu de porter la guerre en Gréce[m]. Xerxés lui conta fes fonges; & pour cffaïer fi Artaban en auroit de femblables, il lui ordonna de prendre les habits roïaux, de s'affeoir fur le trône, & de coucher dans le lit où Xerxes avoit coutume de coucher. ArcaHhh 3

[k] Cie de divinav, lib. 1.
[1] Vallemont.physiq.occult.
[m] Hérodot. Polymnie.

ban répondit: Ce je ne fçai quoi qui vous envoie des fonges, n'eft pas affez fimple pour conclure que je fuis vous, parce qu'il me verra dans votre lit. Xerxés, malgré cette raison voulut être obéi; Artaban cut les mêmes fonges que le roi, & ne s'oppofa plus à la guerre contre les Grecs.

Cambyfe fils & fucceffeur de Cyrus aïant fongé que fon frére Smerdis montoit fur le trône, il le fit mourir, & peu après un Mage qui fe die Smer. dis, s'empara de la monarchie des Perfes à la faveur de ce nom.

L'empereur Claude fit mourir Appius Silanus [n], fur l'accufation concertée entre Meffaline & Narcyffe, qui foutinrent qu'ils avoient été avertis en fonge en même temps d'une conjuration de Silanus contre l'empereur.

Antigonus aiant fongé[o]que Mithridate recueilloit une moiffon d'or,ce monarque jaloux & défiant réfolut fa perte, & confia fon deffein à fon fils Demetrius, après avoir pris de lui le ferment de n'en rien dire.Ce jeune prince qui aimoit Mithridate,le mena promener fur le rivage de la mer & après l'avoir regardé trifte ment, il écrivit fur le fable avec la pointe de fon javelot: Fui. Cetavis.conferva les jours de Mithridate,qui fe fauva dans le Pont où il fut élu roi. Ses defcendants y régnerent longtemps. Sa maifon a porté le nom des Arfacides,à caufe d'Arlacés qui en étoit la tige

Lorfque Socrate eut entendu en fonge un vers [o] d'Homére, qui fignifie: Dans trois jours vous arriverez dans cette fertile contrée, il prédit fa mort pour le

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troisième jour, & fa prédiction fut vérifiée.Dans le moment que Platon fut pré fenté à Socrate: Voilà, dit Socrate, le cygne que j'ai vû en fonge. C'eft que Socrate avoit vû en dormant un jeune cygne couvé dans fon fein,qui s'étoit élevé avec une rapidité d'aigle dans les airs, qu'il rempliffoit des doux accents de fa voix.Alexandre[p] fongea qu'il étoit affaliné par Caffander qu'il n'avoit jamais vû,& Callander étant arrivé peu après de Macédoine, Alexandre dit que Ĉaffander étoit celui-là même qui lui avoit apparu en dormant.

Pendant le fiége de Tyr, Alexandre vit en fonge un Satyre. L'explication fut qu'il fe rendroit maître de cette pla ce,le mot Satyre fignifiant [q] en Grec, Tyreft à toi. Dans la douleur violente que ce conquérant reffentit après le meurtre de Clicus,il n'y eut qu'une confolation qui parut le toucher,& lui faire quitter la réfolution qu'il avoit prife de fe tuer lui-même: c'eft que le devin Aritandre l'affura qu'il avoit vû en fonge la mort de Clitus avant qu'elle arrivât, & qu'ainfi elle étoit l'effet du deftin, & non pas le crime d'Alexandre.

Aftyage vit en dormant [r] un ceps de vigne fortant de Mandane fa filie, qui ombragedit toute l'Afie, & ce rêve fut le prognoftic de la naissance & des conquêtes de Cyrus.

Pyrrhus [Javant que de donner l'affaut à Lacédémone, fongea qu'il lan çoit des foudres fur cette ville, & qu'il la mettoit toute en feu. Il s'éveilla en furfaut; & tranfporté de joie, il conta le fonge à touts fes officiers. Le feul

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