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18.

Superftition

parmi ceux qui s'arrêtoient aux préfages, parce qu'elle avoit été négotiée par Biron boiteux, & par de Mefmes furnommé Malaffife.

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Le fucceffeur d'Adrien VI. vouloit garder fon même nom, lorfqu'il fut élû pape, mais fur ce qu'on lui repréfenta que touts les papes, qui avoient retenu leurs noms étoient morts avant la fin de l'année, il prit le nom de [ ] Clément. Le cardinal Marcel Cervin, qui conferva fon nom lorfqu'il fut élu pape, & qui fe fit appeller Marcel, mourut mourut le vingtième jour de fon pontificat, & confirma par fa mort promte l'opinion fuperftitieufe, que les papes qui ne changent pas leurs noms, meurent bientôt après qu'ils ont été promus à la papauté.

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C'eft une fuperftition baffe & grofgrofliére fur fiére de s'imaginer, que Dieu ait les noms des accordé à quelques faints, préféraSaints. blement aux autres la vertu de guérir certains maux, à caufe des noms des faints. Je vais rapporter à ce fujet un paffage de l'hexaméron ruftique [m] qui eft remarquable.

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leurs on les envoie à faint Hildevert., On recommande fur un pareil fonde-,, ment les perfonnes fujétes au vertigo à faint Avertin; d'autres à qui la tête, tourne,à faint Atourni,qui eft fans dou- », te faint Saturnin, & les acariâtres à,, faint Acaire, au rapport même de Nicot. Ceux qui ont les écrouelles fe vouent à faint Marcou, parce qu'ils ont mal au cou; les hydropiques à faint Eutrope; les gouteux à faint Genou ou à faint Main; les galeux pleins, de cloux à faint Clou; les boiteux à faint Claude, à claudicando; les femmes qui ont mal aux mammelles, „ à faint Mammard; ceux qui ont la „ teigne à faint Aignan; les entrepris, de leurs membres à faint Prix; ceux,, qui ont la toux à la Touffaint; les, aveugles à fainte Luce, & à faint » Clair, qui eft auffi le patron des ver- „ riers & des faifeurs de lanternes. Les „ enfants tombés en chartre fe portent,, aux Chartreux, ou à faint Mandé, „ afin qu'il les amande; comme en Nor-, mandie on porte à faint Fenin, qui eft faint Félix, ceux qu'on nomme fe- » nés, pour ne prendre plus de nourri- ;, ture. Les fourds vont à faint Oüin; „ ceux qui font en langueur s'adreffent » à faint Langueur près Bar-fur Aube; » ceux qui ont été volés, à faint Ni- » colas de Tolentin, à tollendo, parce,, que les voleurs emportent tout ce » qu'ils peuvent ; d'autres pour récouvrer des chofes égarées, qu'on nomme » épaves, à faint Antoine de Pade ou de Padoue. Ceux qui font en peine d'étan- „. cher le fang, vont à faint Etanche à cinq lieues de Troïe. Saint Servais » préferve de la mort, & a fon nom fervando. Ce qui obligea Louis XI. » de lui faire bâtir une belle chapelle » Ggg 3

[m] Hexameron rustiq.6. journ.

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qu'on voit à Liége. Les cordonniers "ainfi nommés des cors qu'ils donnent " aux piés, ont choisi pour patron "faint Crépin à crepidis. Les librai"res & imprimeurs que le latin fur. "tout occupe, faint Jean Porte-La›› tine qui eft auffi le patron des " tonneliers en Provence, à caufe qu'on y nomme une tine, ce que "nous appellons ici une cuve. Les "maquignons ont faint Louis, défirant bien de louer leurs montures "de louage; les rotiffeurs l'affomp"tion ab assando; les cabaretiers fai"feurs de grillades, faint Laurent "mis fur le gril; les prifonniers, que les liens importunent fi fort, "faint Liénard', ce qui porta le com"te d'Auvergne en 1616. à faire al"lumer le jour de cette fête des feux " d'artifices près la porte faint An"toine, à caufe de fa liberté, com

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me l'a fort bien obfervé le mercu "re François. Les tailleurs qui pren nent fouvent autant d'étoffe pour un habit feul qu'il en faudroit pour trois, la Trinité; les natiers "la Nativité les cuifiniers obligés à "goûter à tant de jus différents, "faint Juft; les cardeurs à caufe de " leurs amas de laine, la Magdelai. ne; les boulangers qui font cuire "les miches, faint Michel; les joufaint Michel; les jou

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curs de violon faint Genés, leur » métier ne fervant qu'à ceux qui ge. " nio indulgent, outre la confidération » de fa profeffion de méneftrier; les " vignerons faint Vincent, qu'on dit " qui fait monter le vin au farment; "> les paveurs faint Roch, parce qu'ils taillent les rochers; les lavandiers » qui blanchiffent le linge, faint » Blanchard; les meuniers, à qui il " importe que leur moulin aille tou- " jours, faint Vaaft; & les éperonniers faint Gille, d'autant qu'il faut » avoir de bons éperons, pour bien » courir & faire gille". Ajoutons à " toutes ces étymologies burlesques ce dernier trait tiré du Menagiana: les femmes qui ont de méchants maris, font des neuvaines à faint Rabloni, pour les rabbonnir,

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Ce détail ridicule d'opinions fuperftitieufes aura fon utilité nous prenons l'occafion qu'il nous offre naturellement, d'élever notre efprit aux véritables motifs, qui doivent fonder notre espérance fur l'interceffion des faints, en forte que fans changer les coutumes, qui font louables en elles mêmes de s'addreffer à certains faints, nous n'aïons en vûë que leurs mérites & non pas le rapport de leurs noms.

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L'Oneiro

quelques

font fignificatifs, & envoïés par le Seigneur. Homére [b] dit que les fonges viennent de Jupiter. Tertul

CHAPITRE DOUZIEME. lien [c] & faint Thomas[ d ] affirment

Des Songes'.

SOMMAIRE.

1. L'Oneirocritique fort eftimée de quel ques philofophes. 2. Mépris de quelques autres pour l'interprétation des fonges. 3. De l'induction des fonges rapportés dans la fainte écriture. 4. Caufes phyfiques des fonges. 5. Songes des bêtes. 6. Fondements & régles de l'Oneirocritique. 7. Opinions frivoles d'Hippocrate. 8. Exemples d'interprétations des fonges. 9. Traits d'hiftoire fur les fonges.

Emocrite, Synefius, & touts les DE eritique fort Stoïciens, ont fort vanté l'Oefimée de neirocritique, ou interprétation des Philofophes.fonges. Le principe de cette science se rapporte, à ce que pendant le fommeil, & lorfque touts les fens font affoupis, l'efprit qui eft moins diftrait & plus dégagé de la matiére, eft bien plus propre à recevoir les avertiffements qui lui font donnés, par le moien des phantômes formés en la partie imaginative.

Le fentiment de Philon Juif [4] dans fon livre des fonges, eft qu'ils

que les fonges font caufés ordinairement par les démons. Jean [e] de Sarisbéri fait mention d'un traité de l'interprétation des fonges, qui fe débitoit fous le nom du prophéte Daniel Juftin [f] abbréviateur de Trogue Pompée rapporte que Jofeph apprit l'art magique en Egypte, & se rendit le plus habile de toute cette nation dans l'interprétation des fonges.

Tout le traité des fonges compofé par Synefius roule fur ce que la divination par fonges mérite d'être recherchée & cultivée par tout le mon de préférablement à toute autre, comme étant offerte à toute perfonne, en tout temps & en tout lieu, qu'elle ne peut avoir de régles générales & fixes, & que chacun doit s'y conduire par fa propre expérience

2.

Mépris de

Les Epicuriens, Xénophane, Cicéron, & plufieurs autres ont traité quelques cette interprétation des fonges de chi- autres pour l'interprémérique. Mocquons-nous, dit Ci- tation des céron [g], de cette efpéce de divina. fonges. tion tirée des fonges, comme de toutes les autres: car, à dire vrai, elles ne font que de frivoles effets de cette fuperftition fatale, qui a impofé fon joug fur prefque touts les efprits, & qui s'eft jouée de l'imbécillité humaine.

[a] Philo, quod à Deo mittantur fomnia" · [6] { γὰρ τ' ὄναρ ἐκ Διός ἐςιν. Hom. II. a.

[] Definimus enim à dæmoniis plerumque incuti fomnia. Tertull. de animâ. [d] S.Thom. 2. 2. quaft. 95. art. 6. [e] Joann, Sarisber. de nugis curialium, 1.3.c.17.

[f] Juftin hift.l.36.

[g] Explodatur hæc quoque fomniorum divinatio pariter cum cæteris; nam, ut verè loquamur, fuperftitio fufa per gentes oppreffit omnium ferè animos, atque hominum imbecillitatem occupavit. Cic. de divinat. 1.2.

3.

De l'induc

portés dans

écriture.

Ce fragment d'Ennius explique fort bien le peu de cas qu'il faifoit de toute efpéce de devins. Je méprife fort [h] les augures Marfes, Ics devins des coins des rues, les aftrologues du Cirque, les prognoftiqueurs d'Ifis, les interprétes des fonges. Car ils n'ont ni l'art ni la fcience de deviner, mais ce font des difeurs de bonne avanture, fuperfti tieux, & impudents, ou des fainéants, ou des fols, ou de vils efclaves de leurs befoins & de leur mandicité,qui fuppofent des prophéties, pour entirer quel que gain.Aveulges eux-mêmes, ils vculent montrer le chemin aux autres, & nous demandent une drachme, en nous promettant des thréfors. Qu'ils prennent donc cette drachme fur ces thréfors,& qu'ils nous faffent voir le refte.

Les exemples tirés de la fainte écrition des ture [i]ne prouvent pas que les fonges fonges rap- foient fignificatifs. Les fignes, dont la fainte Dieu s'eft fervi quelquefois, ne font pas des fignes ordinaires. C'eft comme fi l'on vouloit inférer, de ce qu'il y a cu autrefois des prophétes parmi les Juifs, qu'il y en a encore aujourd'hui parmi nous. Quoiqu'il y ait eu des prophéties infpirées, & des fonges envoïés par le Seigneur, la fainte écriture n'a pas condamné moins févérement

[h] Non habeo denique nauci Marfum augurem,

Non vicanos arufpices, non de circo aftrologos,

Non Ifiacos conjectores, non interpretes fomnium;

Non enim ii funt aut fcientiâ aut arte divini,

Sed fuperftitiofi vates, impudentefque arioli,

Aut inertes, aut infani, aut quibus egeftas imperat : Qui fui quæftus causâ fictas fufcitant fententias,

Qui fibi femitam non fapiunt, alteri monftrant viam.

Quibus divitias pollicentur, ab iis dra

tout art de prédire l'avenir, & l'inter prétation des fonges. Les divinations de l'erreur, dit l'Eccléfiaftique [k], les augures trompeurs, & les fonges des méchants, ne font que vanité. Ce ne font que des effets de votre imagina tion, comme les phantaifies des femmes groffes. N'appliquez point votre pen. fée à ces vifions, à moins que le Trèshaut ne vous les envoie lui même.

Les capitulaires[] de nos rois ont défendu les interprétations des fonges, parmi toutes les autres divinations fuperftitieuses.

4.

Les caufes phyfiques des fonges fe cafes rapportent naturellement, ou à des phyfices des longes viandes plus ou moins difficiles à digé rer; ou à des liqueurs plus ou moins fpiritucufes; ou aux affections qui dominent dans l'efprit, & aux habitudes; ou au mouvement fortuit des efprits, qui ne laiffent pas de continuer leur cours pendant le fommeil, quoique d'une fa con plus lente & plus tranquille.

Théon [m] Stoïcienfe prome, noit en dormant, & faifoit beaucoup de chemin. Un efclave de Périclés, marchoit, étant endormi, fyr les toits, où il n'auroit pas pu marcher étant éveillé. On a [#] vû des hommes endormis defcendre dans des puitsa

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puits, & paffer des riviéros à la nage.

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La multitude des foins produit les fonges, dit [o]'Eccléfiaftique, une forte méditation qui a précédé pendant le jour,où une affection vive pour certains objets, excite [p] dans l'imagination en révant des idées conformes, & y trace des figures femblables. Le guerrier voit des armées en déroute & des campagnes teintes de fang;l'avocat fe figure un tribunal qui le glace encore de crainte; l'avare entaffe un or imaginaire; le chaffeur croit faire retentir les forêts de la voix de fes chiens; le pilote rêve au port ou au naufrage; la coquette écrit ou reçoit des billets doux. Le repos même ne peut nous garantir des atteintes des paffions. Elles agitent en fonge l'ame où elles dominent. En dormant nous ref fentons la joie & la trifteffe; & Pascal[9] Tom. I. j

[o] Multas curas fequuntur fomnia. Ecclefiaftis.c 5. v. 2.

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[p] Omnia quæ fenfu volvuntur vota diurno

Corpore fopito reddit amica quies, Venator 'defeffa toro cum membra reponit',

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Mens tamen ad fylvas & fua lustra

redit.

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a raifon de dire qu'un fonge conftant feroit égal à la réalité.

Silius Italicus [r]décrit ainfi les fonges d'Hannibal: Déja il fe rend maître du Capitole, ou il traverfe rapidement le fommet efcarpé des Alpes. Souvent fes domeftiques éveillés par le bruit qu'il fait en rêvant,ont été effraïés de fa voix au milieu du filence de la nuit; fouvent ils l'ont trouvé baigné de fueur, livrant de vains combats, & faifant une guerre chimérique. Les fonges d'Avicenne rou. loient fur les fciences; & on a écrit de lui, qu'il trouvoit en révant la folution précife des difficultés qui fe présentoient à lui dans fes fonges.

5.

Les bêtes ont des fonges [s], com- Songes des me les hommes. Vous voïez les che- bêt es. vaux endormis, dit Lucréce [], fuer, halleter,& faire de vains efforts, Hhh

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