Page images
PDF
EPUB

armées qui s'entrechoquoient avec un bruit terrible. Du pain nouvellement cuit rendit une grande abondance de fang. Un enfant parla diftinctement en fortant du ventre de fa mére qui l'avoit porté deux ans.

L'on dit [] que dans le diocéfe de [x] Maguelonne en Languedoc, on vit en l'année 1 395,paroître dans l'air cinq petites étoiles qui en attaquérent une grande, & fe battirent contr'elle, jufqu'à ce qu'il fortit du ciel une voix terrible; & enfuite un homme tout de feu, monté fur un cheval de bronze, qui avec une lance brillante de feu la perça entiérement, & la fit difparoître. On affure qu'en divers endroits de la Guienne, on apperçut divers efcadrons de gendarmes fe choquer la nuit,& l'on entendit même les henniffements des chevaux, le fon des trompettes, le bruit des armes, & les cris des combattants.

En l'année 1608, il parut en Angoumoisy Id'étranges phantomes. Le jour étant ferein, de petites nuées defcendi rent,& fe formérent en hommmes armés de toutes pièces, qui paroiffoient au nombre de dix à douze mille, touts beaux & grands, couverts d'armes bleuës, rangés fous des enfeignes bleuës,& demi rouges, à demi déploïées: les tambours aïant leurs quaiffes fur leurs épaules, comme prêtes à battre. Dix pas devant,était le chef d'une belle & grande apparence. Cette vifion donna l'allarme a plufieurs païfans & à

[u] C'est encore Mézerai qui parle dans le regne de Charles VI.

[x] Le diocéfe de Maguelonne eft aujourd'hui celui de Montpellier.

[y] Mercure François, t. 1. ann. 1608. [z] Mézerai, dans le regne de Charl. VII. [4] Quæ ipfi non aliâ fpecie quàm vaporum confpeximus. Fuere qui vulgave rint apparuiffe acies inftructas procedentes præliantefque: vifa tormenta bellica,

la nobleffe même. Ils s'affemblérent en grand nombre pour reconnoître ce prodige; mais en le pourfuivant, ils remarquerent que ces hommes aëriens s'appro chant d'un bois taillis,de peur de rompre leur ordre en paffant, s'enlevérent touts par deffus le bois, touchant feulement la feuille des arbres de l'extremité de leurs piés:puis cheminerent encore à terre, jufques vers une forêt où ils fe perditent touts, & ne parurent plus.

Baïonne étant au pouvoir des Anglois [z], il parut fur la ville le 20 Août 1451, un peu avant le point du jour, le ciel étant clair & ferein, une grande croix blanche, qui demeura fur la ville pendant plus d'une demie heure: & en conféquence de ce préfage, ceux de Baionne ôterent les bannières d'Angleterre & les croix rouges, & arborérent les blanches, qui font celles de France.

6.

Ces apparitions d'armées & de comExp lica bats dans les nuës; & furtout ces croix tion des blanches, ne font autre chofe que les lu- météores pris pour miéres Boréales, obférvées affez fré- des préf quemment, & dont Gaffendi [ a ]fait re- ges marquer la reffemblance, avec les prodiges rapportés par les anciens.

présages

De ce grand nombre de préfages, conjectudont l'hiftoire a pû conferver le fouve- res généra nir, il eft vraisemblable que la plus les fur les grande partie eft fauffe, & inventée après l'événement; qu'une grande quantité a été produite par des imagi nations prévenues & effraïées; qu'en

vifos emiffos globulos, vifos ictus, vifashaftas, &c. Mirum quod non fimul clango rem tubarum clamoremque virum auditum effe addidiffent, quandò eadem credulitas infirmitafque humana eft, quæ his figmentis locum fecit. Credibile omninò eft, fi non omnia, at bene multa, quæ in hiftoriis fimilia extant ex eàdem e fle originę, nec ampliorem fidem mereri.

8.

emples

certaines occafions, il eft arrive fortui tement que les événements ont été précédés de circonftances qui ont paru extraordinaires, & dont les caufes ont été inconnues à une phyfique peu éclairée ; enfin que quelques fignes ont été accordés par la bonté divine,comme des avertiffements de faire pénitence, & de détourner par la prière les malheurs qui étoient annoncés.

Plutarque & Pline [b]ont obfervé que Autres le lac de Thrafyméne parut tout en feu, toriques & que la terre des environs trembla, s préla- avant la victoire qu'Hannibal remporta près de ce lac, fur l'armée Romaine commandée par Flaminius.

s.

Les anciens regardoient comme des préfages, les apparitions de plufieurs foleils & de plufieurs lunes. Pline écrit que jufqu'à fon temps, on n'avoit jamais vû plus de trois parélies; mais apparenment on n'avoit pas bien obfervé. Gaffendi remarque qu'en Pologne l'an 1625. on en vit fix. Schenerus témoi gne qu'à Rome le 20. Mars 1929. il en parut cinq, & l'année fuivante le 24. Janvier, on en vit fept, & il ajoute que rien n'empêche qu'on n'en puisse voir jufqu'à onze. Il en eft de même des parafélénes, ou apparitions de lunes. Mézerai [c] rapporte qu'après l'affaffinat d'Artus duc de Bretagne par Jean fans terre,il parut cinq lunes en même temps, l'une au nord, la feconde au midi, la troifiéme à l'occident, la quatrième à l'orient, la cinquiéme au point de Zénith; que cette derniére étoit environnée d'étoiles, avec lesquelles elle fit cinq

ou fix tours à l'entour des autres, puis le tout difparut.

Claudien [d] tira un heureux préfage pour l'empereur Honorius, de ce qu'une étoile apparut en plein midi., environ le temps de fa naiffance.

Drufus fe prévalut en habile hom me [e], de la terreur panique répandue par une éclipfe parmi les féditieux. Les foldats d'Alexandre étant épouvantés par une éclipfe de lune quelques jours ayant la bataille d'Arbelle, Alexandre ne leur en fit point expliquer les caufes phyfiques, mais il fit répandre dans l'armée par les devins, que le foleil étant l'aftre des Grecs, & la lune celui des Perfes l'éclipfe de lune annonçoit la défaite de Darius. Sur quoi [f] Quinte Curce fait ces réfléctions, que rien n'eft fi puiffant que la fuperftition, pour tenir la multitude en bride, & que fi les efprits font une fois frap pés d'une vaine image de religion, les devins fe feront mieux obéïr que les chefs.

Vefpafien difoit fur une cométe, que le roi des Parthes qui portoit une longue chevelure comme elle, en étoit plus menacé que lui . Juvénal décrit [g] une femme nouvellifte, qui obferve la prémiére une cométe dont les rois des Arméniens & des Parthes font menacés.

Les cométes étoient regardées comme de mauvais préfages, dés le temps [b] d'Homére; ce qui eft confirmé

9.

Des Comé tes.

[6] Plin.lib.2.c.107.

[c] Mézer.fur le regne de Phil. Aug. [d] Claudian.de 4.confulatu Honorii. · [•] Tac annal.lib.x.

[f] Quint Curt.lib.4.

[g] Inftantem regi Armenio Parthoque

cometem

Prima videt:Juv, Sat, 6.

[6] Λαμπρότατος μὲν ἐγέςὶ, κακίνδί το σημα τέτυκται,

Και τε φέρει πόλλον πυρετον δειλοίσι βρο τοῖσι. .

par[i] Virgile, Lucain [k], Claudien [1], Silius [m] Italicus.

Catherine de Médicis aïant paru effraïée d'une cométe qui fut vûë de fon temps, on fit une épigramme [n] fort piquante, dont voici la traduction : La cométe répandant dans les airs fa trifte che. velure, & préfageant de grands malheurs, Catherine allarmée des reproches de fa confcience tremble de peur, que le phénoméne miniftre de la vengeance céJéfte n'en veuille à fes jours. Reine, raffurez-vous; puifque les cométes annoncent des calamités, ce n'eft pas à vous à craindre que votre vie ne foit terminée, c'est à nous à appréhender que vous jours ne foient prolongés.

Ondit[o] que le cardinal Mazarin êtant près de mourir quelques courtifans crurent qu'il falloit honorer fon agonie d'un prodige, & lui dirent qu'il paroiffoit une grande cométe qui leur faifoit peur. Il eut la force de fe mocquer d'eux, & il leur dit plaifamment, que la cométe Jui faifoit trop d'honneur.

La fuperftition qui traite les cométes de Prefages [p], étoit répanduë dans le nouveau monde. L'hiftoire du Pérou porte que le roi Atabalipa, appercevant une cométe,s'écria : Qu'il mourroit fans doute dans quelque temps quelque grand Seigneur. Ce qui fut depuis interprété de lui même.

[blocks in formation]

Juftin [9]obferve que la grandeur future de Mithridate, roi de Pont, fut annoncée par deux cométes qui parurent, l'une dans l'année qu'il vint au monde, l'autre dans l'année qu'il commença de régner. Chacune de ces cométes fut vûë pendant 70. jours. Ce fut ce fameux Mithridate Eupator, qui difputa longtemps aux Romains l'empire de l'Afie.

10,

Plutarque [s] rapporte que ce même Préfages Mithridate étant enfant,le tonnerre bru- différer la fes langes, & qu'étant homme fait, le espéces tonnere brula les fléches de fon carquois, fans qu'il fût endommagé d'aucun de ces deux accidents ..Ceux qui font parfaitement inftruits que les apparitions des cométes, les effets du tonnere, & les autres météores n'ont rien que de naturel, ne laiffent pas d'être frappés quelquefois comme le vulgaire,de certains phénomé. nes,qu'ils appliquent aux événements.

Quelque temps avant la mort d'Henrilll. la brifure des armes de Bourbon [r], aux vitres de la fainte chapelle de Bourbon, fut enlevée par un coup de tonnerre, qui en fit les armes pleines de France.

L'écu de France porte le plus heu. reux préfage; car les fleurs défignent ce qui eft beau & glorieux, & les lys excellent pour cette fignification parmi les fleurs, fuivant ces paroles [ } } d'Ifaïe; il fleurira comme le lys.

Henri Ecce fuæ regina timens malè confcia vitæ, Credidit invifum pofcere fata caput. Quid, regina, times? namque hæc mala fi qua minatur,

Longa timenda tua eft, non tibi vita

[blocks in formation]
[ocr errors]
[ocr errors]

A

Henri le grand commença fon difcuté pour l'affaire de Cabrière & de cours au Parlement le 8. Janvier Mérindol, vit dans fa main l'image 1599. par le récit de ce préfage : de fon mari, à qui l'on tranchoit la "Devant que de vous parler de ce pour- tête. tête... ,, quoi je vous ai mandés, je vous veux dire une hiftoire [*], que je viens de ramentevoir au maréchal de la Chat re. Incontinent après la faint Barthélemi, quatre qui jouions aux dez fur une ta»ble, vimes paroître des goutes de fang, » & yoïant qu'étant effuiées par deux fois, elles revenoient pour la troifiéme Je dis que je ne jouerois plus, & que c'étoit un augure contre ceux qui l'a » voient répandu. M. de Guife étoit de » la troupe.

[ocr errors]
[ocr errors]

"

:

Il femble qu'Henri le grand, par ee difcours veuille faire entendre qu'il prédit la mort violente du duc de Guife, comme une vengeance divine de la faint Barthélemi, annoncée par ce préfage...

La menuiferie d'un cabinet de Vaux étoit ornée de plufieurs figures d'écureuils [x], que des ferpents pour fuivoient. Le fur-intendant Fouquet fit auffi frapper un jetton, où l'on voïoit un écureuil, entre les lézards & un ferpent. On n'avoit fongé qu'à exprimer la guerre naturelle, qui eft entre ces animaux & depuis cela fut regardé, comme un préfage des malheurs de ce miniftre, & qui défignoit en même temps ceux qui cauferoient fa pertes, les lézards étant les armes de Meffieurs de Tellier, & le ferpent de Meffieurs Colbert.

13

Maimbourg rapporte que la femme de Guérin avocat général au Parlement de Provence [y], qui fut éxé

Tom. 1.

[u] Ce préfage eft auffi rapporté dans les Colomefiana inférés dans le 6me.rome des œuvr.mél. de S. Evrem."

[x] Memoir, de Choifi, 1. 1. p. 185.
[y] Maimbourg, hift. du Calvinifm. p. 81.

C

Etienne Pafquier [z] prédit des malheurs à la France, parce qu'il remarqua, à l'ouverture du Parlement de 1587. que le prêtre, qui difoit la meffe aux présidents & confeillers vétus de leurs robbes d'écarlate & de leurs chapperons fourrés, ne leur fit point baifer la paix, fuivant la coutume. Avez-vous pris garde, dit-il à " quelqu'un de fes amis, que la paix n'a « été préfentée à Meffieurs ? je meure, fi cela ne nous promet je ne fçai quoi de malheureux pour la France: ainfi le dis-je, & ainfi avint le même an,

Thymoléon étant prêt de s'embarquer [a] pour fon expédition de Syracufe, & étant entré dans le temple de Delphes, une bandelette fur laquelle étoient tracées en broderie des couronnes & des victoires, fe détacha entre les offrandes qui étoient fufpendues au haut du temple, & fut portée par le vent fur la téte de Thymoléon.

Sylla au commencement de la guerre civile contre Marius eut un préfage fort heureux [b]. Un vent doux enleva une grande quantité de fleurs d'une prairie, & les porta fur les cafques de fes foldats, qui parurent couronnés aux yeux de leurs ennemis.

Deux étoiles d'or [] confacrées -par les Lacédémoniens à Caftor & à Pollux dans le temple de Delphes, après la victoire remportée par Lyfandre fur les Athéniens tombérent Fff

[ocr errors]

[x] Recherch. de Pafquier,, liv, 6,ch. 47.
[a] Plutarch.in Thymol.
[b] Plutarch in Sylla.
[c] Cic. de divinar, lib. 1.

cr

d'elles-mêmes quelques jours avant la bataille de Leuctre, où. Epaminondas abatit toutes les forces de Sparte.

Téligni [d] marchant avec douze cents hommes à une entreprise fur Nance, s'arrêta tout court, , & fe défifta de fon deffein, s'étant apperçu que la pierre de son anneau, qui étoit une émeraude, étoit tombée. Les ftatues des dieux domestiques de Néron fe trouvérent renversées au pré. mier jour de Janvier,&bientôt après ce préfage fut fuivi du foulévement général de Rome,& de la mortde ce monftre. Néron étoit venu au monde les piés en devant, ce qui étoit regardé [e] comme un très mauvais préfage. c'étoit au contraire un préfage [f] fort heureux de caufer en naiffant la mort de fa mére, comme il arriva au prémier des Scipions, qui porta le furnom d'Africain.

Livie étant encore femme de Tibére Néron [g], eut la fuperftition de croire que fi elle échauffoit un deuf de fa propre chaleur, & qu'il en fortit un poulet måle, ce feroit un préfage qu'elle accoucheroit d'un garçon. Pour en faire l'expérience, elle porta pendant quelque temps un auf dans fon fein, & l'œuf ainfi échauffé produifit un poulet mâle. Elle accoucha en effet de Tibére, qui fuccéda à Augufte.

Scanderbeg en venant au monde [b] apporta fur le bras droit la mar

[blocks in formation]

que d'une épée.

Agrippine mére de Néron [+] avoit une double dent du côté droit; ce que Pline appelle un figne des careffes de la fortune. Agrippine eut véritablement des careffes de la fortune. Après avoir épousé en prémiéres noces Domitius Anobarbus, elle se remaria à l'empereur Claude. Elle accomplit le plus ardent de les vœux, t en élevant à l'empire fon fils du prémier lit Domitius Néron. Mais la fin d'Agrippine fut très malheureufe; ce monftre qu'elle avoit mis au monde l'aïant fait mourir."

Xénophon [k] raconte que la bataille de Leuctre aïant été résoluë, les Thébains firent courir le bruit que les temples de Thébes s'étoient ou verts d'eux-mêmes, que les armes fufpendues dans celui d'Hercule avoient difparu, qu'Hercule & les autres dieux tutélaires de Thébes s'étoient manifeftement rêvetus de ces armes, pour combattre en leur faveur. Mais, ajoute Xénophon, les plus avifés tenoient pour certain que c'étoit des chofes inventées adroitement par ceux qui gouvernoient la république: & Frontin [/]met ce préfage au nombre des ftratagémes d'Epaminondas.

Avant que Thébes fut ruinée par Alexandre [m], la fontaine appellée Dircé jetta du fang: les ftatuës des dieux parurent couvertes de fueur .:.: Les hiftoriens Romains ont rap

lib.2.

1

[i] Quibus in dexterâ parte gemini fupernè, a canibus cognominati, fortunæ blandimenta pollicentur, ficut in Agrippinâ Demitii Neronis matre. Plin. lib.7. c. 16. Solin; c. 1.

[k] Xenoph. hiftor, Gracar. lib. 6. [Frontin. Aratag, lib. 1. c. 11.

[m] Cl. Elian, variar, hiftor, lib. 12.6q 57. Died, Sic, lib. 17.

« PreviousContinue »